Second impeachment de Trump: une «parodie de procès»?

© AP Photo / Andrew HarnikDonald Trump
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Le second procès en destitution de Donald Trump s’est ouvert ce mardi 9 février au Sénat américain, un mois après les événements du Capitole. L’avocat François-Henri Briard, membre de la Société historique de la Cour suprême américaine, dénonce un procès «politique» et illégitime dont l’issue fait peu de doute.
«C’est une opération politique qui ne contribuera pas à l’unité dont les Américains ont besoin. D’ailleurs, cette procédure crée l’embarras, y compris dans le camp démocrate», déplore l’avocat François-Henri Briard au micro de Sputnik.

Fait inédit dans l’histoire politique des États-Unis, la seconde procédure de destitution contre un même Président s’est ouverte ce mardi 9 février au Sénat américain. Au premier jour du procès, une nette majorité bipartisane a repoussé l’argument d’inconstitutionnalité défendu par les avocats de Donald Trump. Six Républicains se sont joints aux cinquante Démocrates à cette occasion. Résultat, cinquante-six voix contre quarante-quatre.

Mais, pour François-Henri Briard, membre de la Société historique de la Cour suprême des États-Unis, «il est très peu probable que dix-sept sénateurs Républicains rejoignent les Démocrates à la fin de la procédure pour voter la destitution de Trump».

«Mascarade»

Selon les règles du Sénat, il faut en effet une majorité qualifiée de soixante-sept voix (sur cent) pour que la condamnation de l’ex-Président soit prononcée.

«Le Sénat est-il compétent pour juger un Président qui n’est plus en exercice? La Constitution est claire: quand elle parle du “Président”, c’est bien évidemment le Président en exercice. Cela n’a pas beaucoup de sens de destituer un Président qui n’exerce plus ses fonctions», s’agace François-Henri Briard.

Signe qui ne trompe pas: les débats à la Chambre haute du Congrès américain ne seront pas dirigés par le président de la Cour suprême, John Roberts, comme cela est constitutionnellement requis dans une situation pareille.

«On assiste à une parodie de procès, fustige François-Henri Briard. Cela va être du théâtre politique, pour ne pas dire une mascarade. Un procès en impeachment doit se tenir sous l’égide du président de la Cour suprême. Or celui-ci a refusé de présider les séances, car il sait que la procédure ne s’applique qu’à un Président en exercice.»

L’avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation rappelle que Patrick Leahy, qui va présider le procès, est un parlementaire démocrate «tout à fait respectable, mais dont on connaît les positions très anti-Trump. Ce n’est pas un magistrat impartial et indépendant qui présidera les débats

Et de regretter le caractère «très politique» que prend selon lui cette procédure. «Depuis que Donald Trump a été élu, il y a eu neuf tentatives d’impeachment de la part des Démocrates, fondées sur l’idée que Trump semait la discorde au sein du peuple américain», illustre-t-il.

Trump «responsable» de l’attaque du Capitole?

Acquitté en février 2020 dans l’affaire dite «ukrainienne» (un possible chantage à l’aide militaire pour obtenir de Kiev l’ouverture d’enquêtes à l’encontre du favori des primaires démocrates, Joe Biden), le magnat de l’immobilier est cette fois jugé pour «incitation à l’insurrection» à la suite de l’assaut du Capitole le 6 janvier dernier.

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«Vous ne reprendrez jamais notre pays en étant faibles. Vous devez montrer de la force et vous devez être forts», avait lancé l’ex-Président à ses partisans, quelques heures avant l’envahissement du Capitole. C’est dans ce haut lieu de la démocratie américaine que se déroulait la certification des résultats de l’élection de novembre 2020. Trump est également accusé d’avoir incité ses partisans à «se battre comme des diables» [to fight like hell] et à agir pour «stopper le vol» du scrutin qu’il jugeait entaché de fraudes.

Pour François-Henri Briard, «la question porte sur la “causalité adéquate” du discours de Donald Trump par rapport à l’envahissement du Capitole.»

Dans une tribune parue sur le site de Fox News, l'élu républicain Jim Jordan s'interrogeait d'ailleurs sur la pertinence des accusations portées contre Trump lors du 6 janvier. «Des articles de presse ont laissé entendre que le FBI savait à l'avance que des violences ce produiraient ce jour-là. [...] Comment les démocrates peuvent-ils accuser le président Trump d'avoir appelé à la violence alors que ces violences étaient prévues à l'avance?».

«Quand Donald Trump appelle ses partisans à “combattre”, c’est évidemment pour la sincérité du scrutin. Il avait parfaitement le droit de soutenir cette position qui n’a rien à voir avec la violence exercée au Capitole le 6 janvier», ajoute François-Henri Briard.

Une partie de la ligne de défense des avocats de Trump repose d’ailleurs sur cette idée que leur client n’a fait qu’exprimer légitimement son «opinion». Un argument qui, s’il était retenu, permettrait d’invoquer le premier amendement de la Constitution garantissant la liberté d’expression.

Vers un retour en force de Trump?

L’autre volet de cette procédure de destitution concerne une possible inéligibilité votée à l’encontre de Donald Trump. Une telle sanction l’empêcherait de prendre sa revanche dans quatre ans si d’aventure il souhaitait se présenter à nouveau.

«Pour la procédure concernant l’inéligibilité de Donald Trump, il faudrait une majorité simple des sénateurs, mais la culpabilité de l’ancien Président doit d’abord être prononcée», précise toutefois notre interlocuteur.

Selon un sondage Ipsos/ABC News publié le 7 février dernier, 56% des Américains pensent qu’il faut condamner l’ex-Président et lui interdire de se représenter. Il s’agit d’un nombre légèrement supérieur à celui qui avait été enregistré à la veille du premier procès en destitution. À l’époque, 51% des personnes interrogées partageaient ce sentiment selon l’institut Morning Consult.

Mais plus de 80% des Républicains s’opposent à un impeachment. Si la procédure de destitution échoue une nouvelle fois, le magnat de l’immobilier, retiré dans sa propriété de Mar-a-Lago en Floride depuis le 20 janvier dernier, peut espérer fédérer son propre camp et caresser ainsi l'idée d'un retour aux affaires à l’horizon 2024

«En cas d’acquittement, Donald Trump peut tout à fait revenir sur la scène publique: il reste bien entendu en contact avec l’ensemble de son réseau politique», croit savoir François-Henri Briard.

Invité à témoigner sous serment par les procureurs, Donald Trump n’a pas donné suite et n’assistera pas au procès le visant.

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