Des Tunisiens dénoncent «l’ingérence de la France» dans les affaires internes de leur pays

© AFP 2023 FETHI BELAIDDes manifestants en Tunisie
Des manifestants en Tunisie - Sputnik Afrique, 1920, 15.02.2021
S'abonner
«Occupez-vous de vos problèmes!» Des dizaines de Tunisiens ont répondu présents à l’appel de la «Campagne tunisienne pour le boycott et la lutte contre la normalisation avec l’entité sioniste» pour manifester devant l’ambassade de France contre son ingérence dans les affaires internes du pays.

Samedi 13 février, une manifestation a eu lieu devant l’ambassade de France à Tunis à l’initiative de l’organisation d’obédience communiste «Campagne tunisienne pour le boycott et la lutte contre la normalisation avec l’entité sioniste». D’après une vidéo publiée sur Facebook, les porte-paroles de l’organisation dénoncent «l’ingérence de la France dans les affaires intérieures de la Tunisie» suite au soutien apporté par Jean-Yves Le Drian au chanteur tunisien Noomane Chaari «violemment attaqué» dans son pays. Ce dernier avait annoncé en juillet 2020 le projet d’une chanson avec l’artiste israélien Ziv Yehezkel intitulée «Paix entre voisins», et dont la publication du clip sur YouTube le 10 décembre a déclenché un tollé en Tunisie.

«La France, un pays colonialiste!»

Ainsi, rassemblés sur l’avenue Habib Bourguiba, les manifestants estiment que la France n’a pas réussi à «se réformer et à réinventer une nouvelle diplomatie» loin des sentiers battus de son histoire coloniale.

«La France est toujours la même, un pays colonialiste!», scandent-ils.

Intervenant sur la place où se déroulait le rassemblement, Ghassen Ben Khelifa, un porte-parole de la campagne, rappelle «le soutien déplacé apporté par Michèle Alliot-Marie [en sa qualité de ministre française des Affaires étrangères, ndlr] au régime de Ben Ali contre les manifestants qui réclamaient son départ lors de la révolution de 2011». Il affirme que le soutien de la France «est toujours le même, et nous l’avons constaté lors des dernières manifestations nocturnes des jeunes» contre le chômage et la marginalisation sociale. À ce titre, il pointe «l’achat de dizaines de blindés et de voitures 4X4 en France, destinés à réprimer les manifestations en Tunisie».

Rappelant le combat mené «par tous les mouvements anti-impérialistes» dans le monde, M.ben Khelifa assure que les «Tunisiens ne se soumettront jamais, tout comme leurs aïeux, au néocolonialisme et à ses laquais à l’intérieur de la Tunisie».

«Occupez-vous de vos problèmes!»

De son côté, Hassan Benyahia, autre porte-parole de l’organisation, demande à Jean-Yves Le Drian de cesser toute ingérence en Tunisie. «Occupez-vous de vos problèmes», lance-t-il, soulignant que «la Tunisie est un pays souverain et ses enfants sont bien capables de s’en occuper seuls».

Par ailleurs, le militant dénonce le soutien apporté par le chef de la diplomatie française «à un chanteur inconnu et en mal d’audience en Tunisie» et met au défi la France, si elle est sincère dans sa démarche, d’encourager la normalisation des pays arabes avec Israël, «de libérer, immédiatement et sans condition, le militant pro-palestinien d’origine libanaise, Georges Ibrahim Abdallah, détenu illégalement depuis 2001 dans les prisons de l’Hexagone».

À ce titre, il appelle la France à «cesser d’être le vassal des États-Unis et d’Israël, en maintenant ce dernier en prison».

Un témoignage de taille

En décembre 2011, dans un entretien accordé à France 24, Yves Bonnet, patron de la DST au moment de l'arrestation de Georges Ibrahim Abdallah, évoquait le rôle joué par les États-Unis et Israël dans son maintien en détention.

«La France a subi tout au long de cette affaire d’énormes pressions diplomatiques pour que celui qui a assassiné non pas des diplomates, mais en réalité un agent de la CIA et un membre du Mossad [en France, dans le sillage des massacres de Sabra et Chatila, ndlr], reste en prison».

Georges Ibrahim Abdallah «avait le droit de revendiquer les actes commis comme des actes de résistance», estimait également M.Bonnet lors d’un entretien avec La Dépêche en janvier 2012.

«Il faut se souvenir du contexte, aussi, des massacres de Sabra et Chatila, dont les coupables n'ont jamais été punis» ajoutait-il, regrettant qu’«aujourd'hui, la France garde cet homme derrière les barreaux alors qu'elle a libéré Maurice Papon?». Et de conclure: «C’est absolument lamentable», pointant une vengeance d’État.

Qu’a dit Le Drian?

Le 2 février 2021, dans une lettre adressée au sénateur Richard Yung en réponse à sa question sur la situation du chanteur tunisien, Le Drian écrit: «Les menaces auxquelles Noomane Chaari fait face ne sont pas tolérables. Nous ne ménageons pas nos efforts pour faire connaître notre position à cet égard, notamment dans le cadre de nos contacts avec les autorités tunisiennes».

Et d’ajouter que «l’œuvre de Chaari est particulièrement bienvenue, car elle contribue au rapprochement des peuples à travers les échanges culturels, et cela malgré la défiance qui a pu prévaloir pendant plusieurs décennies entre Israéliens et Arabes, et qui persiste encore malgré la dynamique de rapprochement qui existe entre Israël et certains États arabes».
Fil d’actu
0
Pour participer aux discussions, identifiez-vous ou créez-vous un compte
loader
Chat
Заголовок открываемого материала