Entre confinements locaux et tentation de lockdown général, le gouvernement sur le fil du rasoir

© AP Photo / Kamil ZihniogluJean Castex, Emmanuel Macron et Jean-Yves le Drian, Palais de l'Élysée, 26 août 2020
Jean Castex, Emmanuel Macron et Jean-Yves le Drian, Palais de l'Élysée, 26 août 2020 - Sputnik Afrique, 1920, 26.02.2021
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À qui le tour? Après les confinements locaux décidés à Nice et à Dunkerque, Jean Castex a annoncé ce jeudi 25 février que 20 départements supplémentaires seraient placés «en surveillance renforcée». La stratégie du gouvernement peut-elle être gagnante? Éléments de réponse avec Claire Mathieu, chercheuse au CNRS.
«C’est une très bonne idée de procéder au niveau local, car le virus est très peu actif dans certaines zones de France, et inversement l’activité virale est très forte dans certaines régions», approuve Claire Mathieu au micro de Sputnik.

Chercheuse en informatique et en mathématiques au CNRS, celle-ci utilise les graphes pour étudier la propagation de Covid-19. Ces courbes permettent d’évaluer la pertinence des mesures de lutte contre l’épidémie. «C’est essentiel de faire ajuster la difficulté des mesures et des contraintes sanitaires en fonction de la zone concernée», ajoute notre interlocutrice.

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La situation reste en effet tendue et préoccupante dans certains départements. Outre les Alpes-Maritimes donc, avec un taux d’incidence de 600 cas pour 100.000 habitants, le Pas-de-Calais (352), les Bouches-du-Rhône (335), la Seine–Saint-Denis (318), le Var (taux d’incidence de 314) et La Moselle (312), sont les départements les plus touchés sur le territoire national. Outre-mer, ce taux atteint les 842 cas pour 100.000 habitants à Mayotte, où la tension hospitalière (calculée en fonction du nombre de places de réanimation disponibles) explose à 150%.

Alors qu’à Dunkerque le taux d’incidence s’élève dangereusement à plus de 900, il est pour le moment de 304 à Paris, ce qui a semblé suffisant à Emmanuel Grégoire, premier adjoint Anne Hidalgo, pour préconiser le 25 février trois semaines de confinement total de la capitale. Une simple «hypothèse», a-t-il nuancé le lendemain.

Un confinement plus strict pas exclu

Pour rappel, l’incidence moyenne en France est actuellement de 207, et le seuil d’alerte a été fixé à 50 cas pour 100.000 habitants. Lors de sa conférence de presse, Jean Castex a expliqué que des restrictions plus strictes pourraient être imposées dans ces zones sous tension à compter du 6 mars. Si la situation continue d’empirer, «des mesures de freinage proches de celles mises en place à Nice et Dunkerque» pourraient ainsi être décidées, a prévenu le Premier ministre.

En attendant le réapprovisionnement des vaccins, la voie des confinements localisés semble être la stratégie adoptée par le gouvernement afin d’éviter un lockdown total comme au printemps dernier. Dans Le Monde de ce jeudi 25 février, un ministre confiait ainsi en off: «Si les vaccins ne sont plus efficaces face aux variants et que nous sommes partis pour trois ans avec le virus, notre approche de l’épidémie doit changer, nous ne pourrons plus faire de confinement généralisé.»

Si Claire Mathieu estime que le principe du confinement «est très efficace, car il permet de réduire les contacts et donc le nombre de cas», la chercheuse souligne que le véritable défi pour le gouvernement consistera à organiser la vie post restrictions sanitaires, alors que le virus sera encore probablement actif dans le pays.

«Le problème, c’est de faire redémarrer la vie ensuite sans que l’épidémie reparte de plus belle», relève la mathématicienne.

Charge à l’exécutif d’obtenir l’adhésion de la population pour un allègement des restrictions qui s’annonce très progressif. En l’état actuel des choses, l’évolution de l’épidémie fait surtout craindre le spectre d’un confinement national, sur le modèle du premier confinement débuté en mars 2020. Une possibilité que n’exclut pas totalement Jean Castex, qui a reconnu lors de son point sanitaire que «le confinement [national, ndlr] est un levier auquel on doit recourir lorsque nous y sommes contraints.»

Selon Les Échos, qui citent plusieurs proches du Président de la République, la piste d’un reconfinement strict est de plus en plus envisagée. Les modalités de cette option radicale seraient encore discutées, mais pourraient comprendre une fermeture temporaire des écoles, si l’on en croit le quotidien.

Claire Mathieu, qui regrette que le gouvernement n’ait pas imposé un confinement strict de quatre semaines dès fin janvier comme le préconisait le Conseil scientifique afin de ralentir la propagation des variants étrangers, estime que le gouvernement aura cette fois du mal à gagner le consentement des Français s’il devait serrer un peu plus la vis.

«En Bretagne par exemple, où le virus circule assez peu, il serait difficile de faire admettre davantage de restrictions sanitaires, voire un confinement national, à la population», souligne la chercheuse.

Les variants anglais, sud-africain et brésilien, dont la présence augmente sur le territoire français, sont ainsi particulièrement scrutés par les autorités. Mardi 23 février, Le Journal du dimanche a révélé ce qu’il convient désormais d’appeler le «tableur Excel de Castex», qui contient les chiffres des variants du Covid-19, département par département. Selon ces données, exploitées par Santé publique France, le variant anglais est désormais majoritaire dans trois régions: la Bretagne, l’Île-de-France et les Hauts-de-France.

Des variants invasifs, mais pas toujours virulents

Sur les 48,7% tests RT-PCR et tests antigéniques positifs analysés sur l’ensemble du pays, près de la moitié (44,37%) présentent des suspicions du variant britannique et 5,26% des sud-africain ou brésilien, lesquels ne sont pas distingués. Le Grand-Est, qui enregistre un taux de 27,67% de variant britannique sur l’ensemble des tests réalisés, est quatre fois plus touché que le reste du pays par les variants sud-africain et brésilien avec 21,5% de taux de positivité.

Pour autant, il est difficile de déduire l’augmentation globale du taux d’incidence dans le pays de la propagation des variants. Si certains départements touchés par les variants connaissent effectivement un taux d’incidence en hausse (c’est le cas du Nord, du Pas-de-Calais, de l’Eure, des Côtes d’Armor ou encore du Morbihan), d’autres ont vu leur taux d’incidence repartir à la baisse alors même qu’ils sont également concernés par une propagation des variants. Ainsi la Haute-Garonne, l’Hérault et Gard, où les variants sont désormais majoritaires, ont vu leur taux d’incidence baisser respectivement à 196, 161 et 88 cas pour 100.000 habitants. Le Covid-19 recèle encore une part de mystère.

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