Plus mortel, plus contagieux, plus présent en France: le variant anglais sèmera-t-il la panique?

CC BY 2.0 / Zwitterio Cromenale / SARS-CoV-2 (2019-nCoV) main protease in complex with an inhibitorLa structure cristalline de la protéase principale du coronavirus 2019-nCoV en complexe avec un inhibiteur N3 (archive photo)
La structure cristalline de la protéase principale du coronavirus 2019-nCoV en complexe avec un inhibiteur N3 (archive photo) - Sputnik Afrique, 1920, 11.03.2021
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Une étude vient de le confirmer: le variant anglais, actuellement la cause principale des contaminations au SARS-COV-2 en France, accuse un taux de mortalité plus élevé que la souche originelle. Une conclusion alarmante puisqu’il est également 36 à 75% plus contagieux. À mesure qu’il se répand, faut-il donc craindre une flambée mortelle? Analyse.

D’emblée, Sylvain Gandon, biologiste et directeur de recherche au CNRS, prévient: il est au courant des résultats de l’enquête mais n’a, pour l’heure, aucune conclusion à en tirer. Joint par Sputnik, ce spécialiste de l’épidémiologie évolutive reconnaît la difficulté d’établir des faits en se basant uniquement sur la souche anglaise. L’épidémie, rappelle-t-il, reste la même, variant ou non.

«Ce qui est très clair, c’est que ce variant est en train de se répandre. Son impact à lui seul est difficilement quantifiable. Ce que l’on observe de manière globale, c’est que l’augmentation de la transmission a un impact sur la propagation de l’épidémie», affirme le chercheur.

 «Les différentes souches ne sont pas indépendantes», ajoute-t-il: les mutations sont le fait d’un même virus contre lequel «nous avons maintenant des solutions».

Beaucoup d’incertitude

Cette nouvelle étude, qui met le feu aux poudres, est l’œuvre de scientifiques britanniques et vient tout juste d’être publiée dans la revue médicale BMJ (British Medical Journal). 

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Ses conclusions ne laissent plus de place au doute: sur 1.000 cas, le variant anglais provoque 4,1 morts, contre 2,5 pour le coronavirus classique. Un taux de mortalité supérieur de 64%, d’après les chercheurs qui se sont basés sur quelque 110.000 personnes testées positives entre octobre et janvier (la moitié infectée par le virus classique, l’autre par son variant anglais) et suivies durant 28 jours. 

Cette étude fait suite à de premières hypothèses émises fin janvier par le Groupe de conseil sur les menaces virales respiratoires nouvelles et émergentes qui travaille auprès du conseiller médical en chef du gouvernement britannique. Les estimations initiales de ces chercheurs faisaient état d’une létalité de 30 à 40% supérieure, soit deux fois moins qu’en réalité. Un peu plus tôt, après la découverte de ce variant dès la fin d’année, les scientifiques se montraient beaucoup plus optimistes encore et contredisaient même les propos alarmistes du Premier ministre Boris Johnson. Concluant que si le virus mutant était effectivement plus contagieux, des chercheurs du  King’s College, du Massachusetts General Hospital et de la Harvard Medical School proclamaient alors qu’il n’entraînerait en revanche pas de dangerosité accrue.

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Des affirmations successivement contradictoires qui montrent bien la difficulté d’appréhender ces mutations –lesquelles «sont des modèles évolutifs», explique Sylvain Gandon, auteur de différentes études sur la transformation du virus.

Et pourtant… les prévisions de l’Inserm anticipant une dominance du variant britannique en France d’ici à mi-mars se révèlent justes. Présent à 61% sur le territoire français comme annoncé par Jean Castex la semaine dernière, le mutant anglais devrait donc fatalement rehausser le taux de mortalité, à moins que… la vaccination et les mesures restrictives ne s’avèrent efficaces pour éviter l’explosion.

Quelles conséquences à prévoir?

Avec le développement de ce variant anglais sur tout le territoire depuis environ trois mois, l’évolution de la contamination et des décès en France n’est pas encore la catastrophe que pourrait laisser présager une souche jusqu’à 75% plus contagieuse et 64% plus mortelle. On observe ainsi une certaine stabilisation des chiffres, et ceux-ci sont loin d’être aussi élevés que cet automne, lors de la «deuxième vague», alors même que le variant anglais n’était pas encore détecté en France. Exemple significatif: environ 3.900 patients sont en réanimation en France actuellement, contre 4.900 en novembre et 7.000 en avril.

Un paradoxe qui n’en est pas un, selon Sylvain Gandon, pour qui les mesures à l’œuvre prouvent une certaine efficacité:

«Nous sommes dans une dynamique où les vaccins montrent leur efficacité contre ce variant. Un certain nombre de mesures en place réduisent également la transmission. Le confinement a un impact énorme, les chiffres le prouvent, il y a donc lieu d’être confiant», estime-t-il.

Ainsi, malgré ces données sur les dangers du variant anglais, l’heure ne serait pas encore à l’inquiétude. Sous réserve qu’elles soient elles aussi, invalidées par de nouvelles études, les conclusions sur la vaccination et les variants mettent en effet en évidence une bonne efficacité des vaccins (notamment AstraZeneca) face à la souche anglaise, souligne le scientifique, de quoi permettre de limiter ses dégâts.

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«L’inquiétude réside davantage dans la potentielle impuissance des vaccins face à certains variants et la nécessité de s’adapter à chaque mutation», estime-t-il. C’est le cas des variants sud-africain et brésilien qui, s’ils restent heureusement minoritaires (environ 6,5% des contaminations selon le Premier ministre), laissent craindre une certaine résistance au niveau de la protéine Spike.

Pour l’instant, les dégâts semblent donc limités par les différentes mesures –si contestées soient-elles– et si ce même constat est partagé par l’exécutif, une levée prochaine des restrictions paraît fortement compromise.

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