Tout fermer sauf les établissements scolaires, nouveau choix stérile contre la contagion?

© AFP 2023 ANNE-CHRISTINE POUJOULATJean-Michel Blanquer au lycée Jean Perrin à Saint-Cyr-l'Ecole.
Jean-Michel Blanquer au lycée Jean Perrin à Saint-Cyr-l'Ecole. - Sputnik Afrique, 1920, 22.03.2021
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Le troisième confinement tant redouté est finalement en place dans seize départements. Comme attendu, écoles, collèges et lycées restent ouverts. Et ce, malgré un risque de contamination qui fait débat. Une décision justifiée par des enjeux économiques et éducatifs, mais qui pourrait rendre toutes les mesures inutiles. Explications.

«Notre fierté: aucun pays de l’Union européenne n’a autant laissé les écoles ouvertes que la France.» Il y a une dizaine de jours seulement, le secrétaire d’État aux Affaires européennes, Clément Beaune, se félicitait de l’exception française concernant les établissements scolaires. La France, qui vient de confiner son pays pour la troisième fois, se garde de dématérialiser l’enseignement primaire et secondaire. Pourtant, le risque de contagiosité pourrait en être significativement accru… et rendre vains les sacrifices exigés des commerces «non essentiels» et autres restaurants ou universités.

 «En effet, nous sommes plusieurs à connaître les risques et à considérer que les écoles sont le talon d’Achille de cette stratégie», admet l’infectiologue Robert Sebbag au micro de Sputnik. Une allusion aux déclarations de l’épidémiologiste Arnaud Fontanet, lequel rappelait dimanche au JDD le rôle du milieu scolaire dans la transmission du virus, en citant les résultats d’une enquête menée conjointement par l’Institut Pasteur, la Caisse nationale de l’Assurance maladie (Cnam), Santé publique France et l’institut IPSOS. Publiée en décembre 2020, cette étude met en évidence une forte hausse des risques de contamination liés aux collèges et lycées. Vivre avec un lycéen ou un collégien augmenterait ainsi de 30% la probabilité d’être contaminé.

Rouvrir le reste ou fermer les établissements, dilemme impossible

Si les enfants et les adolescents présentent un risque infime de développer une forme grave du virus, développant souvent des formes asymptomatiques de la maladie, ils n’en restent pas moins porteurs du Covid-19. Ils peuvent le transmettre sans le savoir.

«L’école n’est pas un amplificateur, mais un reflet de la circulation du virus dans la communauté. Si l’immense majorité des enfants ne fait pas de complications cliniques, ceux-ci exposent leurs proches ayant des comorbidités ou leurs grands-parents», affirme Arnaud Fontanet dans son entretien au Journal du Dimanche

Toutefois, la fermeture totale des établissements ne semble pas non plus la solution idéale, rappelle l’épidémiologiste. «Garder les établissements ouverts le plus longtemps possible est important», précise-t-il. Autrement dit, cette politique risquée serait celle du moindre mal, permettant d’éviter des «dégâts éducatifs énormes» selon Jean-Michel Blanquer et également un nouveau chômage technique pour les parents d’élèves.

«On met en balance le risque sanitaire et le maintien pédagogique. Cela peut se comprendre, car les conséquences d’une fermeture seraient importantes. Mais c’est malgré tout un fait que les enfants, en particulier à partir du collège et du lycée, sont aussi contaminants que les adultes. Certains établissement ont d’ailleurs fermé pour ces raisons», explique Robert Sebbag.

Puisqu’elle semble quasi inévitable, l’ouverture des écoles devrait donc s’accompagner de tests massifs des élèves, plaide l’infectiologue. Il convient de «se poser sérieusement la question de la vaccination des enseignants», ajoute-t-il, concédant qu’une fermeture des établissements scolaires n’est plus «dans l’air du temps».

Le gouvernement empêtré dans ses contradictions?

«Il y a un problème d’acceptabilité, aux niveaux social, économique et psychologique, les gens ne sont plus prêts à se laisser enfermer», juge ainsi le docteur Sebbag. Et «l’impact de ces nouvelles mesures ne sera pas observable avant dix à quinze jours».

Certes, ce nouveau confinement se veut moins contraignant que les précédents. Emmanuel Macron a même refusé de parler de confinement, décrivant les décisions comme des «mesures de freinage supplémentaires». Ainsi le temps de sortie est-il désormais illimité jusqu’à 19 heures, car «se promener dehors n’est pas mauvais». Le gouvernement a de surcroît abandonné le principe de l’attestation de sortie pour les balades et autres activités sportives en plein air.

Un membre du personnel médical déplace le corps d'un patient décédé du Covid-19. - Sputnik Afrique, 1920, 19.03.2021
Mortalité en France: et si la pandémie n’avait (presque) rien changé aux chiffres?

Pour autant, si les contaminations s’opèrent très majoritairement à l’intérieur (95% contre 5% à l’extérieur selon une étude récente), les grands perdants sont une nouvelles fois les commerces dits «non essentiels». Après une brève reprise de leur activité ils se voient de nouveau contraints de fermer, malgré les consignes de distanciation très strictes qu’ils appliquaient. Au même titre, les restaurants ne sont toujours pas autorisés à rouvrir, ne serait-ce que leurs terrasses qui, d’après ces dernières conclusions ne devraient pas surpasser la contagiosité des établissements scolaires. Même chose pour les amphithéâtres qui, après des mois de controverse sur la santé mentale des étudiants et l’appel de plusieurs responsables politiques, restent inaccessibles pour les cours.

Un deux poids, deux mesures que ne nie pas le médecin officiant au service des maladies infectieuses et tropicales de la Pitié-Salpêtrière à Paris.

«Il y a en effet un certain nombre d’incohérences, concernant les commerces ouverts et les commerces fermés, par exemple. On justifie les fermetures par la nécessité de diminuer les déplacements. Or les déplacements se font à l’extérieur, où les contaminations sont beaucoup moins importantes. Et ce n’est pas un ou deux magasins qui présentent un risque supérieur à celui des écoles», considère Robert Sebbag.

Pour sa part, le ministre de l’Éducation défend l’exception scolaire, tout en reconnaissant un taux de contamination de 0,5%, soit 500 contaminations pour 100.000 personnes, contre 400 à 450 dans les départements les plus touchés. Défendant sur BFMTV le développement massif des tests salivaires dans les établissements (300.000 par jour), Jean-Michel Blanquer a, en outre, justifié le maintien des cours en présentiel en invoquant «les activités sociales où les jeunes se contaminent davantage» en cas de fermeture des écoles.

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