Explosions sociales, inégalités, défiance envers les gouvernements: le FMI alerte sur l’après-Covid

© AFP 2023 SEBASTIEN SALOM-GOMISLa montée des inégalités aggravée par le Covid-19 fait craindre des troubles sociaux selon le FMI
La montée des inégalités aggravée par le Covid-19 fait craindre des troubles sociaux selon le FMI - Sputnik Afrique, 1920, 02.04.2021
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Le FMI a lancé un avertissement avec la publication d’un rapport soulignant une dangereuse montée des inégalités que la pandémie n’a fait qu’aggraver. D’après l’organisation internationale, un tel phénomène est de nature à provoquer des troubles sociaux. Et ce n’est pas la première fois qu’elle évoque ce risque. Analyse.

«Le Covid-19 a révélé et exacerbé les inégalités préexistantes en matière de revenus et d’accès aux services de base tels que les soins de santé et la vaccination.» Publié le 1er avril, le dernier rapport du FMI n’a rien d’une blague. Alors qu’elle prépare les réunions du printemps, l’institution située à New York a fait part de ses préoccupations quant aux conséquences de la pandémie sur l’avenir des nations.

​Sans surprise, le FMI constate que la montée des inégalités pourrait avoir des effets durables sur de nombreuses populations. Les enfants et les jeunes issus des ménages les plus pauvres sont particulièrement concernés. D’autant que malgré les espoirs d’une sortie de crise liée aux campagnes de vaccination, l’impact du Covid-19 se fera ressentir encore pour plusieurs années.

Érosion de la confiance envers les gouvernements

En janvier dernier, Gita Gopinath, économiste en chef du Fonds monétaire international, donnait une conférence de presse qui ne fleurait pas bon l’optimisme. Elle expliquait que la pandémie allait amputer le produit intérieur brut (PIB) mondial de 22.000 milliards de dollars en 2020 et 2025.

Autre problème de taille pour les travailleurs les moins qualifiés: le phénomène de numérisation qui, à l’instar des inégalités de revenus, a connu une accélération dans le sillage de la pandémie. De quoi rajouter des difficultés supplémentaires pour accéder à un emploi.

«Dans ce contexte, les sociétés peuvent connaître une polarisation, une érosion de la confiance envers le gouvernement ou des troubles sociaux. Ces facteurs compliquent l’élaboration des politiques et présentent des risques pour la stabilité et le fonctionnement de la société», explique le FMI.

Les experts du Fonds se sont fendus d’une métaphore faisant référence aux vaccinations contre le Covid. D’après eux, «les gouvernements doivent fournir à chacun une juste "dose"» d’accès aux services de base. Dans le cas contraire, des révoltes pourraient-elles éclater? Cette hypothèse avait déjà été évoquée le 3 mars sur le blog du FMI par trois chercheurs.

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Dans un article intitulé «Les répercussions sociales des pandémies», Sophia Chen, Nan Li et Philip Barrett évoquent les possibles troubles sociaux majeurs à venir: «Avec le temps, le risque d’émeutes et de manifestations antigouvernementales augmente. En outre, l’étude met en évidence un risque accru de crise gouvernementale majeure –un événement qui menace de faire tomber le gouvernement et qui survient généralement dans les deux années qui suivent une grave épidémie.»

Marlène Schiappa aussi craindrait le pire

Côté français, Le Canard enchaîné lâchait une bombe dans son édition du 24 février. L’hebdomadaire satirique affirmait que Marlène Schiappa, ministre déléguée chargée de la Citoyenneté, prévoyait des temps de violence post-pandémie. «L’après-Covid va tourner au cataclysme. La faute aux gens qui vont se lâcher», aurait-elle déclaré. Et de prédire «comas éthyliques», «viols», «violences en tous genres», «débordements permanents» et «prolifération des affrontements». Elle s’était hâtée de démentir ces propos sur son compte Twitter.

Le palmipède affirmait pourtant qu’elle y était même allée de sa citation sur les Gilets jaunes dont elle aurait pronostiqué le retour. «Avec eux, nous pourrions connaître une version française de l’invasion du Capitole», aurait-elle lancé, faisant ainsi référence à l’introduction dans le cœur de la démocratie américaine de centaines de militants pro-Trump en janvier dernier.

La question des finances publiques

Les Gilets jaunes continuent en effet de faire leur apparition dans les rues parisiennes le week-end. Si, pour le moment, leur mobilisation est sans commune mesure avec ce qu’elle a pu être à la fin 2018, François Boulo, avocat et porte-parole du mouvement à Rouen, prévient que la cocotte-minute sociale française pourrait bien exploser dans un avenir proche.

​La figure des Gilets jaunes n’avait que peu goûté la polémique comparaison à laquelle s’était risqué Emmanuel Macron en février dernier. Alors qu’il était invité par l’Atlantic Coucil à s’exprimer sur le climat social lourd qui pèse dans de nombreuses démocraties occidentales, le locataire de l’Élysée a fait un rapprochement entre le mouvement des Gilets jaunes et l’invasion du Capitole par les pro-Trump. «2018 en France, 2021 aux États-Unis: voilà en effet la nouvelle violence dans nos démocraties, largement liée à ces réseaux sociaux», avait déclaré Emmanuel Macron.

Une saillie à laquelle François Boulo avait rétorqué:

«Les propos de Macron montrent une nouvelle fois le clivage entre élites néolibérales et populistes. Les "gens normaux" sont les gens qui vivent encore à peu près bien.»

Déjà le 18 mai 2020 et toujours à notre micro, François Boulo prévoyait des temps sociaux électriques alors que les Français sortaient à peine de leur premier confinement:

«On risque fort d’assister à un vrai soulèvement en France. Surtout si, lorsque le drame économique va se faire sentir avec force, Macron conserve son logiciel qui consiste à faire payer les classes moyennes et les pauvres et non les ultra-riches. Si tel est le cas, je pense que cela va très mal se passer.»

Du côté des experts du FMI, on note que la pandémie a affaibli les finances publiques de nombreux États qui devront à la fois augmenter leurs recettes et dépenser leurs ressources de manière plus efficace. Sauf que face à la question de la relance budgétaire, les choix diffèrent drastiquement selon les nations. Les États -Unis sortent la sulfateuse à liquidité avec un plan de relance de 1.900 milliards de dollars qui voit notamment les ménages américains toucher directement des chèques du gouvernement fédéral. En plus de cela, le Président Joe Biden souhaite investir 2.000 milliards de dollars supplémentaires dans les infrastructures du pays.

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En Europe, le plan de relance de 750 milliards d’euros, âprement négocié entre les 27 à l’été 2020, n’a toujours pas été ratifié par l’ensemble des pays membres. Invité de la matinale de CNews ce 2 avril, le ministre français de l’Économie Bruno Le Maire a fustigé «des États comme l’Allemagne qui mettent des délais supplémentaires, puisque la Cour constitutionnelle allemande a été saisie pour savoir si oui ou non il fallait décaisser cet argent».

«Moi j’ai promis aux Français que l’argent européen arriverait au début de l’été, début juillet. J’aime bien pouvoir tenir mes promesses et j’aimerais que l’Europe comprenne que nous ne pouvons pas attendre pour disposer de cet argent, qu’il faut accélérer les procédures et que l’Histoire ne repasse pas les plats», s’est agacé le patron de Bercy.

La France vers l’austérité?

De quoi mettre un coup à une reprise économique européenne que les ménages les plus en difficulté espèrent impatiemment? En attendant, concernant la France, Emmanuel Macron y est allé de son propre plan de relance dont le montant de 100 milliards d’euros est sans commune mesure avec ce qui se fait outre-Atlantique, même en tenant compte de la différence de population.

Dans l’émission Russe Europe Express sur Sputnik, l’économiste Jacques Sapir faisait récemment remarquer que, selon ses calculs, Washington avait décidé de mettre l’équivalent de 14.000 euros en dépense budgétaire par habitant, contre 4.000 pour l’Allemagne et 2.700 pour la France. Sans surprise et à l’instar de nombreux de ses confrères, Jacques Sapir juge la relance budgétaire made in Paris trop faible.

​Le gouvernement pourrait même prendre le chemin inverse. C’est ce que lui a proposé en substance la Commission pour l’avenir des finances publiques dirigée par Jean Arthuis, ancien ministre de l’Économie de Jacques Chirac. Celle-ci recommande une meilleure maîtrise de la dépense publique, ce que deux experts de l’Institut Rousseau ont qualifié d’appel à l’austérité.

Un tel choix risquerait de peser fortement sur les ménages les plus précaires. Et ainsi faire grimper encore d’un cran la température du thermomètre de la contestation sociale. Jusqu’à la montée de mercure de trop?

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