Ministre algérien: «la France, notre ennemi traditionnel et éternel»

© AP Photo / Rafael YaghobzadehUn drapeau algérien
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Le ministre algérien du Travail a affirmé que «la France est l’ennemi traditionnel et éternel» de son pays. Une déclaration intervenue dans un contexte de rapprochement entre Paris et Alger marqué par la rencontre entre les chefs d’états-majors des armées des deux pays et la préparation du comité intergouvernemental franco-algérien.

Le ministre du Travail a une bien étrange manière d’expliquer le déficit de la sécurité sociale. Jeudi 8 avril, lors d’une séance plénière du Sénat consacrée aux questions orales, El Hachemi Djaâboub a pris comme exemple la crise de la caisse de sécurité sociale française pour tenter de démontrer que la situation est maîtrisée en Algérie. Au passage, il n’a pas manqué de lâcher une pique en direction de la France qu’il a qualifiée «d’ennemi traditionnel et éternel».

«Toutes les caisses de retraites dans le monde sont en crise. Je peux donner quelques chiffres qu’on peut vérifier sur Internet. Ainsi, notre ennemi traditionnel et éternel, la France, a un déficit de 44,4 milliards d’euros dans sa caisse des retraites», a affirmé El Hachemi Djaâboub devant les sénateurs.

Partenariat médical

Les propos du ministre du Travail ont été largement commentés sur les réseaux sociaux, tant en France qu’en Algérie.

Il est utile de préciser que la Caisse nationale de sécurité sociale (CNAS), principal organisme public algérien, a pour principal partenaire à l’étranger l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP). Chaque année, la CNAS envoie des milliers de malades se faire soigner dans les établissements d’Île-de-France. La caisse d’assurance algérienne est également conventionnée avec d’autres hôpitaux de France. En 2017, la dette de la CNAS auprès des établissements français était de 9,7 millions d’euros. Hakim Boughrara, professeur en sciences de l’information et analyste politique, indique à Sputnik que la sentence prononcée par le ministre du Travail dans l’hémicycle du Sénat n’a «aucun sens».

«Je pense que les Français se sont habitués à ce genre de propos, ils doivent en conclure que c’est destiné à la consommation interne en ces temps de crise politique. Personnellement, je ne comprends pas que l’on puisse justifier le déficit de la sécurité sociale en prenant l’exemple sur la situation que traverse un autre pays. Cela n’a aucun sens. Voilà pourquoi les autorités françaises n’accorderont aucun intérêt à la déclaration d’El Hachemi Djaâboub.»

Entente cordiale

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Des polémiques éclatent régulièrement entre les deux pays, provoquées par des personnalités politiques et même par des médias. Mais les propos tenus par El Hachemi Djaâboub interviennent dans un contexte plutôt propice à un réchauffement des relations entre les deux pays. En effet, au moment où le ministre du Travail attribuait à la France le statut «d’ennemi traditionnel et éternel» de l’Algérie, le chef d’état-major de l’Armée nationale populaire, le général de corps d’armée Saïd Chengriha, rencontrait à Alger son homologue le général d’armée François Lecointre, chef d’état-major des armées françaises.

«Cette rencontre a constitué une occasion, pour les deux parties, afin de discuter de l’état de la coopération militaire entre les deux pays et échanger les analyses et points de vue sur les questions d’intérêt commun. À l’issue de la rencontre, les deux parties ont échangé des présents symboliques. Le général d’armée François Lecointre a, ensuite, signé le livre d’or de l’état-major de l’Armée nationale populaire», précise un communiqué du ministère algérien de la Défense nationale.

Il est vrai que les deux pays ont des visions différentes dans la gestion de certains dossiers sécuritaires et géostratégiques. Mais ils ne sont pas ennemis. Lors de la rencontre entre les deux chefs d’états-majors, il a été question de sécurité transnationale au Sahel et en Méditerranée à travers la sécurisation par l’Algérie de ses frontières ainsi que la problématique liée à la réhabilitation des deux anciens sites d’essais nucléaires français de Reggane et d’In Ekker. Les militaires algériens ont demandé le soutien de leurs homologues français pour «la prise en charge définitive des opérations de réhabilitation des sites de Reggane et d’In Ekker», ainsi que leur «assistance pour fournir les cartes topographiques permettant la localisation des zones d’enfouissement, non découvertes à ce jour, des déchets contaminés, radioactifs ou chimiques», ajoute le communiqué du ministère algérien de la Défense nationale.

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Ce contexte de rapprochement est également marqué par la préparation de la visite du Premier ministre Jean Castex qui devait co-présider, lundi 12 avril à Alger, la Comité intergouvernemental de haut niveau franco-algérien avec son homologue Abdelaziz Djerad. La visite du chef de l’exécutif français a finalement été reportée au mois de mai 2021. Officiellement, ce report serait dû à «l'épidémie de Covid-19 qui ne permet pas aux délégations de se retrouver dans des conditions pleinement satisfaisantes», a indiqué à l'AFP une source de l’hôtel de Matignon. Il semble que cet ajournement ait été décidé à la demande de la partie algérienne qui n’a pas souhaité recevoir une délégation gouvernementale de tout juste quatre ministres.

«Paris et Alger tiennent à ce que ce Comité intergouvernemental de haut niveau franco-algérien soit une réussite. Les deux parties ont des intérêts économiques et stratégiques communs et ils sont tenus de les consacrer. De plus, il existe une bonne entente entre les Présidents Abdelmadjid Tebboune et Emmanuel Macron. Les deux hommes ne le cachent pas, c’est donc une occasion pour les deux pays de passer à une phase coopération active», souligne Hakim Boughrara.

Le dossier Algérie comprend également des enjeux politiques pour Emmanuel Macron. «À l’instar de ses prédécesseurs, il connaît le poids de la communauté d’origine algérienne au sein de l’électorat français. Tout geste envers le pays d’origine pourrait donner lieu à un soutien de la diaspora algérienne lors de la prochaine présidentielle», ajoute Hakim Boughrara. Surtout si Emmanuel Macron a pour adversaire Marine Le Pen qui a confirmé vendredi 9 avril sa candidature pour l’élection présidentielle de 2022.

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