100.000 morts du Covid en France: commémorer ou agir?

© JUSTIN TALLISMur commémoratif national en mémoire des victimes du Covid sur la digue de la rive sud de la Tamise à Londres, le 8 avril 2021.
Mur commémoratif national  en mémoire des victimes du Covid sur la digue de la rive sud de la Tamise à Londres, le 8 avril 2021. - Sputnik Afrique, 1920, 15.04.2021
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La barre symbolique des 100.000 morts du Covid-19 a été franchie en France. Et tandis que le gouvernement se prépare à leur rendre hommage, la question d’une éventuelle récupération politique se pose. Désapprouvé par une partie des Français dans sa gestion de crise, l’État porte-t-il une part de responsabilité dans ce bilan provisoire?

Que faire maintenant que les 100.000 morts ont été atteints? C’est la question que semble se poser le gouvernement alors que la France vient de devenir –ou est déjà depuis un moment selon les données de l’Inserm– le huitième pays au monde (le troisième en Europe) à afficher ce triste bilan.

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Le porte-parole du gouvernement Gabriel Attal annonçait ainsi à l’issue d’un Conseil des ministres, le 14 avril, qu’un hommage aux victimes serait rendu, sans en dire davantage sur la forme que celui-ci prendrait. Des informations de RTL rapportent toutefois que le Président de la République prévoit de s’exprimer et, si certains acteurs politiques jugent que cet hommage doit avoir lieu, d’autres le considèrent déplacé. 
Joint par Sputnik, Nicolas Dupont-AIgnan, président de Debout la France et candidat à l’élection présidentielle, estime cette commémoration légitime mais fustige un décalage entre la parole et les actes.

«C’est un drame pour beaucoup de familles et il est normal que le chef de l’État ait un mot de compassion. Mais le meilleur hommage que l’on puisse rendre serait d’arrêter les fautes et le manque d’anticipation», note le député de l’Essonne.

Une appréciation que partagent plusieurs hommes politiques. Le secrétaire national d’EELV Julien Bayou s’est par exemple dit favorable à une commémoration nationale pour les 100.000 victimes mais il considère que des leçons doivent également en être tirées. «Je pense aux familles qui n’ont pas pu, véritablement, honorer leurs proches. C’est important de marquer ce chiffre symbolique et le traumatisme profond qu’il revêt», affirmait sur LCI l’écologiste, précisant toutefois qu’il ne fallait pas «attendre le prochain chiffre symbolique, les 150.000 ou 200.000 morts».

Même constat pour Hervé Marseille, président du groupe Union centriste, qui estime, ce 15 avril, que le nombre de décès ne va malheureusement pas s’arrêter là.

A contrario, le président de l’UPR François Asselineau a fustigé sur Twitter une opération de communication qu’il juge indécente.

Une indignation que partage le patron de Debout la France.

«On ne peut pas imputer au Président de la République l’épidémie mais on peut en revanche lui imputer le manque de réactivité et l’incapacité à tirer les leçons des erreurs passées. On peut accepter une première faute, ou comprendre une deuxième faute, on peut difficilement tolérer une succession de fautes sans aucune remise en question», s’indigne Nicolas Dupont-Aignan.

Bien qu’un hommage soit nécessaire et que la compassion soit «générale», il s’agirait donc d’une «pure communication macabre» dès lors que la responsabilité de l’État dans ce bilan est engagée.

Mea culpa ou rien?

En effet, le professeur Philippe Juvin, chef des urgences à l’hôpital européen Georges-Pompidou et maire LR de La Garenne-Colombes, interviewé par Les Echos, accuse directement l’État d’un tel bilan. Et ce ne serait, selon lui, que la partie visible de l’iceberg. «On n’a pas redonné de moyens à l’hôpital, ni doté la France d’outils de surveillance épidémiologique, ni même organisé un dialogue démocratique qui permette aux gens d’accepter ce qui se passe. Depuis un an, nous sommes en retard sur tout et ne bougeons que sous la pression», pointe-t-il notamment.

Le chef de l’État ne semble pourtant pas avoir prévu d’endosser une quelconque responsabilité, comme l’avait fait Boris Johnson qui s’estimait profondément désolé et assumait «la pleine responsabilité».

En mars, l’Italie avait, elle aussi, rendu hommage à ses 100.000 morts lors d’une cérémonie mémorielle. Mario Draghi, président du Conseil italien, s’était rendu au cimetière de Bergame, commune la plus touchée et où une pierre commémorative avait été édifiée. Une minute de silence avait même été observée dans toute la ville mais le gouvernement n’était pas allé jusqu’à présenter des excuses.

En France, l’hommage pourrait prendre la forme d’un simple message présidentiel. Faisant fi des accusations portées, les membres de la majorité préfèrent rester focalisés sur la situation présente et les patients à sauver.

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 «La préoccupation pour le moment, ce sont les vivants et éviter le maximum de morts», confie une source ministérielle à L’Opinion.«Ce nombre fatidique n’est pas un marqueur de bonne ou mauvaise gestion. Il faut y voir un cri d’alarme qui va à l’encontre de toutes les théories complotistes ou celles sur l’inefficacité des vaccins», plaide même le député LREM et immunologue Jean-François Eliaou.

Pour Nicolas Dupont-Aignan, c’est pourtant bel et bien la gestion qui est en cause, le vrai mea culpa consistant à changer enfin de stratégie.

«Il n’y a pas d’augmentation structurelle des lits de réanimation, pas d’accélération des recherches sur les soins précoces… Le meilleur hommage à rendre serait donc de reconnaître ces erreurs et de changer de politique», conseille le candidat souverainiste.

Un changement de stratégie que le gouvernement adoptera peut-être, la crise n’étant pas derrière le pays. Les hôpitaux devraient même faire face à des jours «très difficiles», a déclaré Gabriel Attal. L’hommage qui se profile ne sera donc sans doute qu’une étape –si dure et nécessaire soit-elle.

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