Le Maroc peut-il venir à bout des forces du Front Polisario en utilisant «des drones» sophistiqués?

© AFP 2023 Ryad KramdiSahara occidental
Sahara occidental - Sputnik Afrique, 1920, 19.04.2021
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Pour Sputnik, un responsable du Front Polisario a commenté l’assassinat du commandant de la gendarmerie de la RASD par l’armée marocaine en «utilisant un drone», excluant tout impact sur la résolution du conflit entre les deux parties. Deux experts ont quant à eux expliqué la portée et l’impact de l’acquisition de ces engins par Rabat.

Suite à l’intervention le 13 novembre 2020 des Forces armées royales (FAR) marocaines pour prendre le contrôle du passage frontalier de Guerguerat, le Président de la République arabe sahraouie démocratique, Ibrahim Ghali, a signé un décret mettant fin à l’engagement de la RASD à respecter l’accord de cessez-le-feu avec le Maroc signé en 1991. Depuis, l’Armée de libération populaire sahraouie (ALPS) fait état, via des communiqués relayés par l’agence officielle sahraouie (SPS), d’attaques quasi quotidiennes des Forces armées royales (FAR) le long du mur de séparation, ce que les FAR démentent formellement.

Le 6 avril, le commandant de la gendarmerie de la République arabe sahraouie démocratique (RASD), Addah Al-Bendir, a été tué lors d’une opération militaire marocaine dans la zone de Rouss Irni, à Tifariti, selon un communiqué de l'ALPS qui affirme que les FAR ont utilisé «un drone de fabrication israélienne». À ce jour, les autorités militaires marocaines n’ont pas commenté cette information.

Le Maroc, qui est actuellement en négociation avec les États-Unis pour l’acquisition de quatre drones de combat de type MQ-9 Reaper, aurait également signé un accord avec la Turquie pour l’achat de 12 drones de combat Bayraktar TB-2, utilisés dernièrement avec succès en Libye, en Syrie et au Haut-Karabakh. Ainsi, le royaume chérifien peut-il changer la donne face aux forces de l’ALPS le long du mur de séparation?

Dans un entretien à Sputnik, Oubi Bouchraya Bachir, membre de la direction du Front Polisario chargé de l’Europe et de l’Union européenne, assure que «depuis la reprise des combats le 13 novembre, le Maroc a toujours utilisé ses drones sans réussir à stopper les opérations des forces de l’ALPS».

Par ailleurs, le directeur du site d’information militaire Menadefense, Akram Kharief, et l’ex-colonel des services de renseignement algériens, Abdelhamid Larbi Chérif, indiquent la plus-value des drones dans ce conflit.

«Nous menons une guerre de libération et c’est ça notre force»

«Quelles que soient les armes que le Maroc déploiera pour maintenir illégalement sa présence dans le territoire du Sahara occidental, il ne réussira jamais à venir à bout de notre combat, car nous menons une guerre de libération nationale et c’est ça notre force», expose M.Bouchraya Bachir.

«De par l’histoire, les puissances coloniales ont toujours eu une supériorité militaire face aux mouvements de libération nationale, sans que cela ait le moindre impact sur la détermination des peuples à accéder à leur liberté et leur indépendance», ajoute-t-il.

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Par ailleurs, le diplomate souligne que «le haut commandement de l’ALPS a une grande expérience dans le combat, acquise au fil de plusieurs décennies de guerre contre les forces marocaines», et qu’il «n’aura aucun problème pour développer les contremesures nécessaires contre le déploiement de drones ou d’autres armements par les FAR».

Dans le même sens, rappelant que les forces sahraouies ont réussi dans les années 1980 «à rendre caduc le mur de sécurité érigé par le Maroc pour se protéger des attaques de l’ALPS», Oubi Bouchraya Bachir indique que «le haut commandement travaille déjà sur le développement de nouvelles stratégies de défense adaptées au nouveau contexte politique et militaire».

Quid de l’équilibre stratégique?

Selon des sources militaires marocaines citées par le site d’information Le Desk, le commandant de la gendarmerie sahraouie a été tué lors «d’une opération combinée menée par un drone Harfang de conception israélienne qui a pointé la cible au télémètre Laser en permettant à un chasseur des Forces royales Air (FRA) [probablement un F-16 , ndlr] d'exécuter la frappe à grande distance par un ou plusieurs tirs de missiles air-sol».

Le Harfang a été développé par EADS et Isreal Aerospace industries (IAI). Il est basé sur l'appareil israélien Héron conçu au début des années 1990 et présenté au salon du Bourget en 1999.

Dans un entretien au site d’information Le 360, l’expert militaire marocain Mohamed Chiker explique que le Maroc, avec l’acquisition de drones, son expérience dans les conflits de haute intensité auxquels il a pris part en Afrique, tels que l’opération turquoise, sa possession d’aéronefs de combat ultrasophistiqués de type F-16 et le maintien du mur de séparation, a créé les conditions d’une victoire militaire assurée contre le Front Polisario. Selon lui, les FAR ont également un appui stratégique important grâce aux satellites de surveillance militaire Mohammed VI-A et Mohammed VI-B, fabriqués et mis en orbite en collaboration avec la France.

Pour l’ex-colonel Abdelhamid Larbi Chérif, «l’acquisition de drones de combat par le Maroc aura certainement un impact, mais il sera très loin d’être déterminant pour décider du sort de la guerre avec l’ALPS».

«Sans combat au sol, aucune armée ne peut gagner une guerre, quelle que soit sa supériorité aérienne», estime-t-il, ponctuant que «l’échec de l’armée américaine en Afghanistan, de la coalition arabe au Yémen et de la coalition anti-Daech* en Syrie et en Irak, et d’Israël face au Hamas ou Hezbollah libanais sont des exemples édifiants». «Ces armées ont tous les moyens aériens, mais comme elles n’ont pas de troupes engagées au sol, leur armement n’a pas fait la différence», poursuit-il, rappelant «que l’intervention aérienne russe en Syrie, à la demande du gouvernement de ce pays, a réussi à mettre un terme aux organisations terroristes parce qu’elle a coordonné ses frappes avec l’armée de terre syrienne qui s’est occupée des combats terrestres».

Quels impacts ont les drones?

De son côté, le directeur de Menadefense, Akram Kharief, confirme «l’information de la conclusion d’un accord entre le Maroc et la Turquie relatif à l’achat de 12 drones Bayraktar TB-2» et explique que cet engin, en tant que tel, a «des caractéristiques faibles: un faible rayon d’action, une faible endurance et une capacité d’emport en armement relativement faible également».

Il ajoute que «ce qui a fait son succès en Libye (après une perte de 25 drones au début), en Syrie et au Haut-Karabakh, c’est plutôt le fait qu’il est actuellement armé avec des munitions qui allient portée, précision et poids réduit, dont les missiles antichars MAM-L».

En conclusion, l’expert rappelle que le Maroc a déjà acquis trois drones israéliens de type Hermès en 2020 et avance que «le Bayraktar TB-2 donnera une plus grande capacité d’action locale à l’armée de l’air marocaine dans son conflit face à l’ALPS, mais ne saurait représenter un atout véritable en cas de confrontation, et ce à cause du faible nombre commandé (12 drones) et de l’étendue de la ligne de contact avec l’Algérie».

*Organisation terroriste interdite en Russie

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