«Colère», «dégoût», «honte»: pourquoi tant de haine envers Emmanuel Macron?

© AP Photo / Charles PlatiauLe Président de la République française Emmanuel Macron à l'Hôtel de Ville de Paris, mai 2017
Le Président de la République française Emmanuel Macron à l'Hôtel de Ville de Paris, mai 2017 - Sputnik Afrique, 1920, 22.04.2021
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Une étude de la Fondation Jean-Jaurès avance que le «rejet» qu’inspire de plus en plus Emmanuel Macron aux Français pourrait être une «vraie chance» pour Marine Le Pen en 2022. Pour l’éditorialiste Alexis Poulin, le Président de la République paie les pots cassés d’un mandat jusqu’ici «calamiteux».

Emmanuel Macron pourra-t-il rééditer sa campagne victorieuse de 2017 et être réélu en 2022? Rien n’est moins sûr, si l’on en croit la Fondation Jean-Jaurès, qui estime dans une étude parue ce mercredi 21 avril que les chances de victoire de Marine Le Pen sont «une possibilité non négligeable».

«L’arnaque du candidat sorti de nulle part en quelques mois ne marchera pas une seconde fois: cette fois-ci, Emmanuel Macron a un bilan et il sera compliqué à défendre», réagit Alexis Poulin au micro de Sputnik.

L’éditorialiste estime ainsi que «de nombreux électeurs expriment un rejet d’Emmanuel Macron après ces quatre ans de mandat». Et pour cause: selon l’étude de la Fondation Jean-Jaurès, les sentiments qui sont désormais le plus souvent associés au Président de la République par les Français sont la «colère» (28%), le «désespoir» (21 %), le «dégoût» (21%) et la «honte» (21%).

Pour les analystes de la Fondation Jean-Jaurès, c’est précisément dans ce «rejet» qu’inspire la figure d’Emmanuel Macron que résident les meilleures chances de victoire de Marine Le Pen en 2022. «Dans la perspective d’un match retour opposant à nouveau ces deux candidats au second tour de la présidentielle, il existe un risque non négligeable qu’une part importante des électeurs de candidats battus au premier tour s’abstiennent, tant leur détestation de la candidate Rassemblement national n’a d’égal que leur rejet de l’actuel président», écrivent-ils.

«Gestion calamiteuse de la crise sanitaire»

Un risque d’abstention qui pourrait alors profiter à Marine Le Pen, dont l’assise électorale semble plus solide que celle de son adversaire annoncé. Les chercheurs estiment ainsi que la présidente du RN possède «l’électorat le plus stable» parmi les candidats à la magistrature suprême: «89% des électeurs qui ont voté pour elle au premier tour de la présidentielle de 2017 déclarent qu’ils feront de même en 2022», contre 71% pour ceux d’Emmanuel Macron.

«Les soutiens de la première heure d’Emmanuel Macron sont en train de quitter le navire. L’année électorale arrivant, des gens anciennement de gauche ou de droite voudront sûrement retourner à leur écurie d’origine: Macron a déçu énormément de monde, y compris au sein de ses soutiens», avance Alexis Poulin.

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Et l’éditorialiste de diagnostiquer le «point de non-retour» qu’aurait atteint selon lui Emmanuel Macron aujourd’hui. «Il y a eu la crise des Gilets jaunes, le “Grand débat” avec cette mise en scène de la parole qu’il a finalement monopolisée, la crise de la réforme des retraites, la grogne de tous les corps de métiers, la grève de la police, des hôpitaux, des professeurs, et maintenant la crise sanitaire», énumère-t-il. Autant d’échecs et de ratés qui pourraient expliquer le désintérêt de plus en plus marqué des Français vis-à-vis de la chose politique, et des élections en particulier, si l’on en croit notre interlocuteur.

«Plutôt que de redorer son blason, Emmanuel Macron fait preuve d’une gestion calamiteuse de la crise depuis le mois de mars 2020», accuse le fondateur du média «Le Monde moderne».

À cette aune, la désaffection de l’électorat lors des différentes échéances politiques qui ont jalonné le mandat d’Emmanuel Macron (élections européennes et municipales, en attendant les régionales) ne serait guère surprenante. «Nous sommes de plus en plus dans une démocratie de “basse intensité” qui passionne de moins en moins et dans laquelle la majorité silencieuse ne vote presque plus. Le débat d’idées est très loin des préoccupations des Français. La crise sanitaire n’a pas aidé avec les flops et les fiascos à répétition sur les tests, les vaccins et les confinements à contretemps», analyse Alexis Poulin.

«Tout sauf Macron»?

Reste ce paradoxe surprenant: si l’on en croit les récents sondages, Emmanuel Macron reste au coude-à-coude avec Marine Le Pen. Selon le dernier baromètre IFOP paru le 10 avril dernier, le potentiel électoral d’Emmanuel Macron se situerait entre 23% et 27%, juste derrière la présidente du Rassemblement national. Au second tour, le Président sortant l’emporterait toujours face à sa rivale avec 54% des suffrages. Un indicateur donnerait toutefois crédit à l’hypothèse d’un essoufflement présidentiel: en l’espace de six mois, Emmanuel Macron a vu son potentiel électoral s'éroder de 4 points chez les salariés du secteur privé et de 12 points chez les cadres et professions libérales.

«Il y a une chance de “Tout sauf Macron”, comme il y avait eu un “Tout sauf Sarkozy” en 2012, alors que les conditions étaient différentes puisque le plan de relance suite à la crise de 2008 avait été plutôt efficace», décrypte Alexis Poulin.

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Si ce désamour des classes supérieures vis-à-vis d’Emmanuel Macron se confirmait dans les mois qui viennent, il pourrait là encore profiter à Marine Le Pen, dont «le programme s’est rapproché de celui des Républicains», assurent les analystes de la Fondation Jean-Jaurès. «Si, à l'heure actuelle, les électorats de LR et du RN demeurent assez distincts, le rapprochement qui s'est opéré sur les enjeux culturels laisse entrevoir des possibilités de transferts de voix au second tour», suggèrent-ils. Un scénario encore très hypothétique, mais qui marquerait probablement la fin du parti Les Républicains, et qui poserait de sérieux problèmes à Emmanuel Macron dans l’optique d’un second tour face à Marine Le Pen.

«On nous vend de facto un second tour Le Pen/Macron alors que nous sommes à un an du scrutin et qu’il y a quand même un premier tour avant!» rappelle en tout cas Alexis Poulin. D’ailleurs, les auteurs de l’étude insistent sur «l’impératif» de «renouer avec les catégories populaires autrefois acquises à la gauche», celles-ci étant désormais acquises en grande partie au Rassemblement national. Historiquement proche du Parti socialiste, la Fondation Jean-Jaurès tente-t-elle de renvoyer Marine Le Pen et Emmanuel Macron dos à dos en espérant voir apparaître une troisième voie à gauche?

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