Les retraites françaises condamnées à baisser? Le «souhait» d’un Macron qui «a de grandes chances d’être réélu»

© AP Photo / Charles PlatiauEmmanuel Macron
Emmanuel Macron - Sputnik Afrique, 1920, 27.04.2021
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Le ministre de l’Économie Bruno Le Maire assure que la controversée réforme des retraites est une nécessité pour la France. Au micro de Sputnik, l’économiste David Cayla estime que l’exécutif prépare l’opinion dans l’optique d’une réélection d’Emmanuel Macron. Un événement qui entraînerait, selon l’expert, une inéluctable baisse des retraites.

le plan de relance européen en est-il? Le ministre de l’Économie Bruno Le Maire a affirmé sur Europe 1 que la France touchera «environ 10%, c’est-à-dire un peu plus de 5 milliards d’euros début septembre». Il s’agira de la première tranche des 40 milliards d’euros qui lui sont dus au titre de ce programme âprement négocié entre les 27 à l’été 2020.

​​Cette somme représente 40% du plan de relance de 100 milliards d’euros voulu par Emmanuel Macron afin d’aider à redémarrer une économie sinistrée par la pandémie de Covid-19. Ce programme a commencé à être déployé à la fin 2020 et Bruno Le Maire assure que 30 milliards d’euros ont déjà été «décaissés».

«L’objectif est de baisser les dépenses publiques»

Mais c’est bien la somme octroyée à la France par le plan de relance européen qui pose question. Interrogé afin de savoir si l’aide accordée par Bruxelles est conditionnée à l’adoption de la réforme des retraites, le ministre de l’Économie a rétorqué ceci: «Non, ce n’est pas exact.»

Au micro de Sputnik, David Cayla, enseignant à l’université d’Angers et membre des Économistes atterrés, livre une analyse différente: «Dans le cadre du plan de relance européen, un certain nombre de pays, notamment ceux que l’on nomme les frugaux, souhaitent harmoniser les politiques économiques et poussent à des réformes.»

«Concernant la France, l’objectif est de baisser les dépenses publiques, et en particulier le secteur social. Et les retraites représentent le coût le plus important pour l’État», ajoute l’expert.

D’après le ministère des Solidarités et de la Santé, fin 2018, 16,4 millions de personnes, vivant en France ou à l’étranger, étaient retraitées de droit direct d’au moins un régime français, «soit 218.000 individus de plus qu’en 2017».

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Il s’agit du premier poste de dépenses de la protection sociale. Les pensions de vieillesse et de survie s’élèvent à 321 milliards d’euros. Une somme colossale, qui représente 13,7 % du produit intérieur brut (PIB).

Selon Les Échos, la France fait partie du peloton de tête des pays développés les plus dépensiers en matière de retraites. A titre comparaison, l’Allemagne ne dépense «que» 10 % de son PIB pour financer ses retraites alors que sa population vieillit plus vite que celle de l’Hexagone.

Bruno Le Maire lui, s’en prend au Rassemblement national et à sa présidente: «Ce n’est pas la Commission européenne qui nous demande quoi que ce soit, ça c’est le raisonnement de Madame Le Pen qui, pour décrédibiliser l’UE et la réforme des retraites, dit que c’est une exigence de Bruxelles.»

David Cayla estime quant à lui que la Commission européenne n’a pas eu à faire pression sur la France.

«L’UE est une institution d’obédience néolibérale tout comme Emmanuel Macron et Bruno Le Maire. Ils utilisent en quelque sorte Bruxelles pour mener leur politique en France. Le ministre de l’Économie assume ouvertement vouloir faire baisser les retraites. C’est dans son logiciel», ajoute l’auteur de Populisme et néolibéralisme (Éd. De Boeck Supérieur).

Une analyse qui concorde avec les propos de Bruno Le Maire: «Ce n’est pas Bruxelles qui nous demande une réforme des retraites, c’est la France qui a besoin d’une réforme des retraites pour que son système des retraites par répartition soit financièrement viable.»

Une manœuvre stratégique

David Cayla l’affirme: le projet de réforme des retraites est idéologique. «Il vise non pas pour des raisons financières mais politiques, à baisser le coût des retraites en France.» L’économiste assure que cela fait longtemps qu’un tel projet est dans les tuyaux:

«La France est l’un des pays d’Europe les plus généreux avec ses retraités. Derrière, il y a l’idée que plus on baisse les retraites publiques, plus les travailleurs vont se tourner vers des fonds privés. C’est une manœuvre stratégique qui vise à apporter du capital aux entreprises.»

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«C’est un pari, répond David Cayla. Le problème du gouvernement demeure qu’une vraie réforme des retraites ne faisait pas partie du programme d’Emmanuel Macron dans l’optique de l’élection de 2017. Il n’avait prévu qu’une réforme structurelle et non paramétrique, ce qui signifie qu’elle ne change rien sur les masses.»

L’enseignant à l’université d’Angers note que le locataire de l’Élysée a changé de logique en cours de mandat. «C’est désormais le souhait de Macron de baisser les retraites, mais il n’a pas de mandat pour cela», analyse David Cayla.

Contrairement à la réforme de l’assurance-chômage, qui doit entrer en vigueur au 1er juillet, la réforme des retraites est «impossible» à mettre en place avant les élections présidentielles selon l’économiste. «Macron et son gouvernement doivent donc préparer l’opinion. C’est ce que fait actuellement Bruno Le Maire», poursuit-il.

En route vers l’austérité?

La France pourra-t-elle échapper à une réforme des retraites? David Cayla n’est pas optimiste. Il estime que «dans les circonstances actuelles du débat politique», Emmanuel Macron «a de grandes chances d’être réélu».

La première étape vers un destin à la grecque? David Cayla relativise:

«Je ne crois pas du tout que la France soit dans une situation identique à celle de la Grèce, qui a subi une grave crise de la dette à la suite de la crise financière de 2008. On en est même très loin puisque les taux d’intérêt sont négatifs.»

À 16h18 ce 27 avril, Paris emprunte à 10 ans à un taux de -0,002%. «Il n’y a pas de problème de dette en France aujourd’hui», affirme David Cayla. S’il admet que les 2.650,1 milliards d’euros atteints fin 2020 (115,7% du PIB) sont un montant «important», l’économiste souligne que son coût «est très faible, ne cesse de baisser». «Et il continuera a priori de le faire dans les années qui viennent», conclut-il.

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