Déconfinement: la quatrième vague, scénario inévitable ou stratégie de la peur?

© AP Photo / Thibault CamusDes membres du personnel médical à l'hôpital Henri Mondor, à Créteil.
Des membres du personnel médical à l'hôpital Henri Mondor, à Créteil. - Sputnik Afrique, 1920, 30.04.2021
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À peine détaillé par Emmanuel Macron, le calendrier du déconfinement progressif fait déjà débat. Beaucoup craignent un rebond de l’épidémie et une éventuelle «quatrième vague» est déjà sur toutes les lèvres. Des modélisations de l’Institut Pasteur vont également dans ce sens et les hôpitaux craignent une saturation. Un éternel recommencement?

Très attendu, le calendrier de l’après-confinement vient d’être dévoilé par Emmanuel Macron. 

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Le chef de l’État entend bien tenir ses promesses, puisque l’objectif d’une réouverture des commerces, terrasses et lieux de culture est maintenu pour la mi-mai et que le couvre-feu devrait être rallongé progressivement jusqu’au 30 juin.Mais si certains épidémiologistes, tel le médiatique Martin Blachier, voient ces annonces d’un bon œil –le scientifique n’a pas tardé à qualifier ce scénario de «cohérent» et «aligné sur les données scientifiques»–, d’autres s’inquiètent d’une flambée des cas d’ici la fin de l’été.

«On déconfine à un niveau très élevé de l’épidémie, sans équivalent en Europe ou quasiment pas. Le seuil de 400 pour le taux d’incidence n’a aucun fondement sur le plan scientifique. Inévitablement, l’épidémie va reprendre et les hôpitaux risquent d’être de nouveau submergés. […] On n’est pas du tout dans la situation de mai dernier, on n’a pas de marge», fustigeait par exemple le Professeur Gilles Deray après l’intervention d’Emmanuel Macron.

Ces annonces du Chef de l’État vont d’ailleurs à l’encontre d’une publication de l’Institut Pasteur, dont les modélisations ont jusqu’ici été attentivement suivies. La fondation de recherche biologique présentait, mardi 27 avril, soit deux jours avant les annonces du Président, une série de scénarios envisageables en cas de levée hâtive des mesures dès le 15 mai.

Précisant qu’il ne s’agit pas à proprement parler de prévisions, l’Institut alerte sur une «remontée importante des hospitalisations» qui pourrait être observée en cas de «levée trop rapide des mesures de freinage».

En cause, la contagiosité supérieure de certains variants, dont l’anglais qui pourrait être 60% plus transmissible, ainsi que la vaccination qui, si elle ne décolle pas, laisserait la circulation du virus causer 2.000 et 3.000 hospitalisations par jour au pic de l’été, voire davantage si l’on admet une «diminution plus lente des hospitalisations» avec les mesures de freinage actuelles.

Confinement/déconfinement, le cycle éternel?

Fallait-il donc rester confiné ad vitam aeternam en attendant que le pays entier soit vacciné? Avec les variants, dont la résistance aux sérums n’est pas exclue, des personnes vaccinées, mais contractant tout de même le Covid-19, l’éradication complète de celui-ci serait difficilement envisageable. Le virus étant a priori cyclique, il y aurait ainsi fort à parier que le même scénario se répète sans cesse et que les confinements se succèdent, laissant craindre une nouvelle flambée des cas à chaque allègement de restrictions.

Des soignants dans une unité de soins intensifs dans l'hôpital Saint-Camille à Bry-Sur-Marne - Sputnik Afrique, 1920, 30.04.2021
Le déconfinement «va clairement trop vite par rapport à ce qu'on vit», selon un chef de réanimation

C’est, en tout cas, ce que se pressent d’annoncer depuis 24 heures les épidémiologistes, urgentistes et chefs de service de tous bords, tandis que ce qu’ils anticipent pour l’été se produit actuellement au Japon. Un mois après avoir levé l’état d’urgence, le pays se retrouve déjà en proie à une quatrième vague et se voit ainsi contraint à de nouvelles restrictions pour au moins trois semaines.

En France, assure-t-on à l’Élysée, des «freins d’urgence» sont prévus et les allègements pourraient être interrompus à l’échelle locale si les 400 cas hebdomadaires pour 100.000 habitants sont dépassés. Une augmentation de l’incidence qui aura forcément lieu d’ici le 15 juin si tout rouvre, annonce Pascal Crepey, épidémiologiste.

«Si on relâche tout, on aura forcément une augmentation de l’incidence et le début d’une quatrième vague», prévenait-il à son tour sur CNews.

Quant à l’hôpital, il ne pourrait guère se permettre l’expérimentation d’un tel relâchement aussi tôt, alertent plusieurs réanimateurs.

Jean-Michel Constantin, anesthésiste-réanimateur à la Pitié-Salpêtrière prévenait ce 30 avril sur France Info: l’hôpital «ne supportera pas une quatrième vague». Aussi, appelle-t-il les Français à la plus grande vigilance après la levée des mesures, tandis que son confrère Jean-François Timsit, chef de réanimation médicale et infectieuse à l’hôpital Bichat, déplore pour sa part des taux de saturation des hôpitaux «absolument effroyables». Un déconfinement progressif serait bien trop prématuré, à l’entendre.

Au moins, la population est contente

Les Français semblent pourtant peu préoccupés à l’idée d’une quatrième vague, se montrant confiants dans l’ensemble et impatients de retrouver davantage de libertés, comme en témoigne un micro-trottoir réalisé ce 30 avril par Sputnik.

D’autres encore dénoncent une «mécanique» de la peur enclenchée sitôt les allègements annoncés. Une manière de pouvoir faire marche arrière à tout moment sans prendre les citoyens au dépourvu.

Si donc, elle n’est pas encore irréversible, les mesures barrières n’ayant pas encore été levées, cette quatrième vague et ses conséquences sur les libertés retrouvées ont l’air d’être déjà programmées. Et les propositions ne manqueront certainement pas de s’opposer une nouvelle fois, entre les partisans d’un confinement strict, mais court, ceux d’une politique d’isolement et de traitement des malades, ou encore ceux persuadés que rien n’y fait et qu’il faut laisser le pays tourner.

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