L’Angleterre déconfine et la France s’y prépare, sous la menace du variant indien

© AP Photo / Frank AugsteinLondres pendant le deuxième confinement.
Londres pendant le deuxième confinement. - Sputnik Afrique, 1920, 14.05.2021
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Le Royaume-Uni s’inquiète du variant indien. À l’heure où le pays se déconfine, le risque existe de voir cette nouvelle souche pousser au reconfinement. Même scénario et mêmes inquiétudes de l’autre côté de la Manche où, en France, les terrasses se préparent à la rouvrir. Une seule inconnue: le variant lui-même.

«C’est un variant préoccupant, il nous inquiète», a déclaré sans ambiguïté le Premier ministre britannique ce jeudi 13 mai.

En cause, des poussées localisées du variant indien dans le nord-ouest de l’Angleterre, notamment à Bolton, aux alentours de Manchester. Le pays, qui a amorcé depuis le mois de mars son plan de déconfinement, s’apprête ce lundi 17 mai à franchir un nouveau cap en autorisant le service à l’intérieur des pubs et restaurants. Malgré la chute vertigineuse des contaminations dans le pays, avec la menace du variant indien, Boris Johnson «n’écarte rien» comme solution à appliquer.

​Le soir même en France, Santé Publique France indiquait une hausse du nombre de cas contaminés en lien avec ce variant, dénommé B.1.617. Identifié sur le sol français au début du mois d’avril, ce variant indien serait depuis lié à 24 clusters dans tout le pays, selon l’agence nationale de santé. 18 d’entre eux seraient causés par le sous-lignage de ce variant (le B.1.617.2), qui se diffuse également au Royaume-Uni. Au moment même où, dans l’Hexagone, on se prépare pour le mercredi 19 mai à rouvrir les terrasses des bars et des restaurants.

Déconfinement: navigation à vue

À l’heure actuelle, le variant indien est repéré dans 49 pays. L’Inde fait face à une nouvelle vague épidémique meurtrière depuis plusieurs semaines, avec 350.000 nouveaux cas de Covid-19 par jour et un bilan de 4.000 morts quotidiens, sur une population de 1,3 milliard d’habitants. Le variant est accusé depuis le début d’être en partie la cause de ce drame. Les images d’hôpitaux saturés, de même que les incinérations en plein air nourrissent les plus folles inquiétudes autour de cette souche virale. Pour ajouter à l’angoisse, mardi 11 mai l’OMS la classait dans la catégorie «préoccupant», aux côtés des variants brésiliens et sud-africains.

«Il y a des informations selon lesquelles il est plus contagieux» et il y a «des éléments qui permettent de penser qu’il atténue la réponse des anticorps qui permettent de combattre le virus», a déclaré Maria Van Kerkhove, responsable technique de la lutte contre le Covid-19 à l’OMS.

De quoi donner des sueurs froides aux gouvernements britanniques et français. Si la France n’est pas encore vraiment inquiétée par sa diffusion, encore marginale sur son territoire, en Angleterre le nombre de cas a bondi de 520 à 1.313 en une semaine.

​Les deux pays font néanmoins face à la même impasse, qui conditionne toute la stratégie de sortie de crise, à savoir le flou scientifique généralisé autour des caractéristiques du variant. «Il y a un éventail très large de points de vue scientifiques au sujet de ce qui pourrait se produire», précisait le chef du gouvernement britannique lors d’une réunion jeudi14 mai. 

«Pour le moment, je ne vois rien qui me dissuade de penser que nous pourrons continuer lundi et le 21 juin partout» [à poursuivre le plan de déconfinement, ndlr], avançait Boris Johnson. Avant toutefois de préciser: «mais nous aurons peut-être des choses à faire localement et nous n’hésiterons pas si c’est le conseil qui nous est donné.»

Dans cette navigation à vue, le gouvernement britannique a néanmoins décidé d’accélérer la campagne de dépistage, de réduire l’intervalle nécessaire entre les deux doses de vaccin et enfin d’élargir la vaccination aux plus de 18 ans dans les zones où le variant indien circule actuellement, comme à Blackburn.

​Du côté de la communauté scientifique, impossible d’y voir plus clair. La semaine précédente a ainsi donné lieu à un revirement acrobatique au plus haut niveau des institutions scientifiques internationales.

L’inconnue des mutations

Le 8 mai, la scientifique en chef à l’OMS, l’Indienne Soumya Swaminathan, s’est dans un premier temps inquiétée de ce variant «qui se propage très rapidement, qui est plus contagieux et qui pourrait échapper aux protections vaccinales, contribuant ainsi à l’explosion de l’épidémie dans le pays». Deux jours plus tard, elle nuançait ses propos, affirmant cette fois qu’il ne pouvait «être tenu pour seul responsable de l’augmentation spectaculaire du nombre de cas et de décès observés en Inde.» 

«Ce que nous savons maintenant, c’est que les vaccins fonctionnent, que les diagnostics fonctionnent, que les mêmes traitements que ceux utilisés pour le virus d’origine fonctionnent, et qu’il n’est donc pas nécessaire de changer quoi que ce soit», précisait-elle.

Toute la communauté scientifique manque à l’heure actuelle d’informations et de données sur les conséquences de la diffusion de ce variant, et notamment sur sa résistance aux anticorps. Or, au moment où l’Angleterre et la France misent tout sur la vaccination du plus grand nombre pour maintenir leur plan de réouverture, la question s’avère cruciale. L’Agence européenne des médicaments (EMA) indiquait ce mercredi 12 mai que les vaccins anti-Covid usant de la technologie de l’ARN messager, du type BioNTech/Pfizer et Moderna, étaient efficaces contre le variant B.1.617. L’institution se montrait aussi optimiste concernant les vaccins à adénovirus comme AstraZeneca/Oxford et Johnson. 

Mais là aussi, rien n’est certifié. En effet, les experts ignorent encore si les vaccins seront résistants face aux déclinaisons indiennes du coronavirus, qui se propagent au Royaume-Uni. Le pays est en effet touché par le B.1.617 et le B.1.617.2, celui qui est présent en France. Selon Le Monde, qui s’appuie sur les données du Wellcome Trust Sanger Institute, un institut de recherche génomique anglais, ce sous-lignage du variant indien est identifié à l’heure actuelle au Royaume-Uni dans plus de 10% «des échantillons prélevés sur des personnes testées positives et faisant l’objet d’un séquençage génétique.»

Ici aussi, les experts se veulent prudents. Il ressort de leurs propos que certaines mutations précises de ce variant suscitent les plus grandes craintes, celles présentes sur la protéine Spike du virus, qui impactent sa transmissibilité et donc sa contagiosité. Parmi elles, on trouve les mutations d’acides aminés L452R et E484Q, qui lui valent le surnom de «double mutant», qui aident le virus à pénétrer dans la cellule hôte au moment de la contamination. Autre mutation, plus inquiétante peut-être, la P681R. 

«La mutation P681R pourrait également entraîner une augmentation de la transmissibilité» et présenter «une susceptibilité légèrement réduite à des anticorps neutralisants post-vaccination induits par le vaccin Pfizer», selon Santé Publique France, qui précise l’aspect «préliminaire» et encore incertain de ces données.

Une course contre la montre se poursuit donc des deux côtés de la Manche. Plus les données arriveront sur cette nouvelle souche virale et ses mutations en cours, plus les gouvernements pourront évaluer les mesures sanitaires à prendre. En clair, tenir le plan de déconfinement ou revoir la copie.

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