Al-Qaïda en Tunisie: fin du parcours pour la phalange Okba Ibn Nafâa?

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Membre des forces spéciales tunisiennes (image d'illustration) - Sputnik Afrique, 1920, 27.05.2021
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Les forces antiterroristes tunisiennes ont éliminé les chefs de la brigade Okba Ibn Nafâa, de l’organisation Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI). Placée sous le commandement de djihadistes algériens depuis sa création, la survie de cette phalange dépendra de la capacité de Youssef el-Annabi, l’émir d’AQMI, à nommer un nouveau commandement.

Nouveau coup dur pour la phalange Okba Ibn Nafâa, la filiale tunisienne d’Al-Qaïda au Maghreb islamique*. Lundi 17 mai 2021, des éléments de l’Unité spéciale de la garde nationale interviennent contre un groupe terroriste dans le massif du Chaambi, sur les hauteurs de la ville de Kasserine (220 kilomètres à l’ouest de Tunis). Proche de la frontière avec l’Algérie, cette région est considérée comme le fief du groupe terroriste.

L’opération, à laquelle ont participé des compagnies de l’armée tunisienne et une unité aérienne, s’est soldée par l’élimination de cinq djihadistes. Les unités d’élites de la garde nationale et de l’armée ont ainsi décapité la phalange Okba Ibn Nafâa en mettant hors d’état de nuire Abdelbaki Bouziane, dit Abou Ahmed el Annabi, chef de ce groupe terroriste ainsi que son trésorier Sassi Slouba, alias Ammi Said, âgé de 61 ans. Ces deux responsables sont des djihadistes algériens qui ont rejoint la Tunisie en 2014. Trois autres terroristes tunisiens ont été éliminés lors de cette opération: Taleb Yahiaoui (Abou Jasser), 38 ans, Tarik el Slimi (Abou Saïf el Sahraoui), 35 ans et Badreddine Ounissi (Walid), 25 ans. Les forces de sécurité ont récupéré six fusils d'assaut AK-47 ainsi que des téléphones portables. 

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Le monopole des Algériens

Le passage d’Abdelbaki Bouziane à la tête de la phalange Okba Ibn Nafâa a été relativement court puisqu’il avait succédé à un autre Algérien, Mourad Chaieb, dit Aouf Abou Mouhajir, abattu dans une embuscade en octobre 2019 dans la région de Gafsa, prolongement méridional du massif du Chaambi. Interrogé par Sputnik, Djalil Lounas, professeur en relations internationales à l’université américaine Al Akhawayn d’Ifrane (Maroc), spécialiste des groupes terroristes au Maghreb et au Sahel, rappelle que la filiale tunisienne d’AQMI* a toujours été dirigée par des terroristes algériens.

«Il suffit de faire l’inventaire des chefs de cette katiba [phalange en arabe, ndlr] éliminés depuis 2014 pour constater qu’ils sont tous des terroristes algériens. Lokman Abou Sakhr, Abou Sofiane Essoufi, El-Bey Akrouf, Aouf Abou Mouhajir, Abou Ahmed al Annabi… Il y a une réelle mainmise des Algériens sur cette brigade. L’idée d’AQMI* était de créer une brigade puissante sur le sol Tunisien en s’appuyant sur l’expérience des éléments algériens. Ces derniers ont plus d’expérience pour implanter des maquis terroristes, organiser des réseaux de soutien, fabriquer des engins explosifs artisanaux et monter des embuscades contre les patrouilles des services de sécurité», souligne Djalil Lounas.

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La majorité de ces chefs étaient proches d’Abdelmalek Droukdel, chef historique d’AQMI* qui a été éliminé par l’armée française le 3 juin 2020 lors d’une opération près du village de Talhandak dans le nord du Mali. Djalil Lounas indique cependant que cette phalange «n’a jamais été très puissante».

«Dès 2012, AQMI* a juste profité de la faiblesse de l’État tunisien et du vide sécuritaire pour installer la brigade Okba Ibn Nafâa dans les massifs de l’ouest et recruter des éléments locaux. L’essentiel de ses activités consistait à organiser des embuscades ou des attaques contre des cantonnements des services de sécurité. En milieu urbain, c’est plutôt Djound el Khilafa (Les soldats du califat), groupe affilié à l’État islamique*, qui reste le plus actif et dont les membres sont Tunisiens. Historiquement, le djihadisme tunisien est orienté vers l’extérieur, en Irak et en Syrie essentiellement. Il n’y a jamais eu de véritable dynamique locale», ajoute le professeur de l’université américaine Al Akhawayn.

Un test pour El Annabi

Selon Djalil Lounas, cette phalange devrait compter quelques dizaines d’éléments qui subissent au quotidien la pression de l’armée et des services de sécurité installés en permanence dans la zone du Chaambi. Le spécialiste estime que le maintien des activités de cette katiba dépend de la capacité de l’organisation-mère à engager de nouveaux membres et à les doter d’armement. Une situation qui paraît peu évidente puisque tous les aspects humains et logistiques de cette brigade dépendent des katibas d’AQMI* installées dans l’est algérien. Or, «l’affaiblissement de l’organisation terroriste en Algérie prive la phalange Okba Ibn Nafâa du soutien de sa base-arrière», note Djalil Lounas. Son avenir dépend donc d’Abou Oubaïda Youssef el-Annabi, l’émir d’AQMI* qui a succédé à Abdelmalek Droukdel en novembre 2020.

«La tradition veut que l’émir d’AQMI* soit censé nommer le nouveau chef de la phalange Okba Ibn Nafâa. C’est un véritable test pour Abou Oubaïda Youssef el-Annabi qui doit démontrer qu’il a le charisme et l’autorité pour le faire. Cela pose également la question de savoir s’il reste encore des terroristes algériens, voire tunisiens ''expérimentés'', pour diriger cette phalange», s’interroge Djalil Lounas.

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La question du leadership au sein d’Al-Qaïda* dans la région Maghreb-Sahel est entourée de zones d’ombre depuis l’élimination de Droukdel et l’affaiblissement des groupes actifs en Algérie. Depuis quelques mois, c’est le terroriste malien Iyad Ag Ghali, chef du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM)*, filiale sahélienne d’AQMI*, qui est le véritable homme fort dans cette région. C’est d’ailleurs son organisation qui avait annoncé publiquement la désignation Abou Oubaïda Youssef el-Annabi à la tête de l’organisation-mère.

*Organisation terroriste interdite en Russie.

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