Liaisons dangereuses? Les vols entre le Mexique et les États-Unis risquent d’avoir du plomb dans l’aile

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Un avion - Sputnik Afrique, 1920, 31.05.2021
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Le régulateur américain de l’aviation civile a revu à la baisse la note de sécurité du secteur aérien mexicain. Un coup dur pour l’économie du Mexique, alors que l’industrie du tourisme peine à y reprendre son envol. Selon John Gradek, expert de l’industrie aérienne, il s’agit d’un premier avertissement pouvant annoncer d’autres sanctions.

Pays voisins devant coopérer sur des enjeux brûlants comme l’immigration clandestine, les États-Unis et le Mexique verront-ils leurs relations brouillées par un différend sur la sécurité aérienne?

Le 25 mai dernier, l’Administration fédérale américaine de l’aviation (FAA) a rétrogradé l’aviation mexicaine en faisant passer sa note de sécurité de la catégorie 1 à 2, sur une échelle de 3. Les autorités américaines jugent que les normes de sécurité minimales de l’Organisation civile internationale ne sont pas respectées par les transporteurs mexicains. Une décision qualifiée de «surprise totale» par l’Agence fédérale de l’aviation civile du Mexique, qui avait tenté de repousser le début du processus d’inspection américain, pour des raisons de manque de personnel dû à la pandémie. Le Mexique se retrouve donc relégué sur une liste de pays réprimandés, où il a le privilège de côtoyer, entre autres, le Venezuela, le Bangladesh, la Malaisie, le Pakistan et la Thaïlande.

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Au Mexique, la nouvelle a eu l’effet d’un coup de tonnerre et a fait la une des journaux. Mexico demande aux autorités américaines d’organiser une réunion d’urgence pour en discuter. On craint d’abord que cette décote ait pour effet d’affecter encore plus l’industrie du tourisme, déjà gravement touchée par la pandémie. Les vols entre le Canada et le Mexique ayant été suspendus par Ottawa depuis février dernier jusqu’au 1er juin prochain, les visiteurs ne se bousculent toujours pas en terre aztèque.

Au Mexique, l’industrie du tourisme craint le pire

Avant la pandémie, les Canadiens étaient le plus grand groupe de voyageurs à visiter le Mexique après les Américains, et plusieurs transitaient par les États-Unis pour s’y rendre. La décote du secteur aérien mexicain n’annulera pas les liaisons déjà fixées au calendrier, mais empêchera les transporteurs de créer de «nouvelles routes» et de bonifier leur offre.

«Les conséquences de la rétrogradation de l'autorité aéronautique mexicaine sont graves et signifient un impact supplémentaire qui affectera de manière considérable la reprise de l’activité commerciale et aérienne entre les deux pays», a déploré la Chambre nationale des transports aériens du Mexique, par voie de communiqué.

Selon John Gradek, expert de l’industrie aérienne et chargé d’enseignement à l’université McGill, à Montréal, il s’agit d’un rebondissement majeur dans cette activité sur le continent. Les autorités américaines doivent avoir de «très sérieux motifs» pour avoir rendu une décision pareille, estime-t-il. Surtout que les deux pays sont des membres signataires du traité de libre-échange en Amérique du Nord. 

«L’Administration fédérale américaine de l’aviation ne prend rien à la légère et ne fait rien pour rien. Elle a dû trouver plusieurs éléments témoignant d’une déficience sur le plan de la sécurité. […] C’est une tache au dossier des autorités civiles et des inspecteurs de l’industrie aérienne du Mexique. […] On envoie le message que les principes et méthodes assurant la sécurité des passagers et du personnel doivent être vite améliorés», analyse-t-il.

De son côté, le président mexicain, Andrés Manuel López Obrador, a dénoncé la décision des autorités américaines.

Une stigmatisation cachant des intérêts économiques?

Le président de gauche y voit une manœuvre dans l’intérêt des transporteurs américains:

«Il y a des intérêts parce ce sont les compagnies aériennes américaines à qui profitent ces mesures […] et les compagnies nationales [mexicaines, ndlr] pourraient être lésées», a-t-il affirmé au Palais national, dans la capitale mexicaine.

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Ce développement survient quelques semaines à peine après que l’effondrement d’un pont a provoqué le déraillement d’une rame du métro aérien à Mexico. Très spectaculaire, l’accident a causé la mort de vingt-cinq personnes. Des Mexicains subodorent maintenant que leur pays souffre de problèmes importants en matière de respect des normes de sécurité. La presse n'a pas tardé à se faire l'écho de ces inquiétudes:

«Les fréquents sinistres dans les entreprises publiques fédérales et les événements survenus dans le métro de Mexico doivent attirer l’attention sur la nécessité de mettre sur pied des programmes de maintien préventif et d’entretien correctif», écrit le 29 mai l’éditorialiste Liébano Sáenz dans les pages du journal Milenio.

Membre du Tribunal d'appel des transports du Canada, John Gradek estime qu’il est loin d’être impossible que les autorités américaines sévissent à nouveau.

Vers des sanctions plus sévères?

Selon ses projections, le tourisme pourrait reprendre à plein régime au Mexique l’hiver prochain, avec la progression de la vaccination et l’instauration de passeports sanitaires. Toutefois, ce nouvel élan pourrait se voir freiner si la note de sécurité aérienne du pays était encore revue à la baisse:

«C’est un scénario tout à fait plausible. La prochaine étape sera plus sévère et affectera vraiment l’industrie du tourisme au Mexique. Le service pourrait être complètement interrompu entre les deux pays. Il y a plusieurs précédents. Un peu partout dans le monde, des transporteurs sont identifiés comme ayant de très mauvaises pratiques et bannis de certains pays. […] Le Mexique n’en est pas rendu là, mais il n’en est pas loin», prévient John Gradek.
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