Alger en ordre de bataille pour conquérir le marché libyen

Alger - Sputnik Afrique, 1920, 08.06.2021
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Les entreprises algériennes se préparent à prendre des parts de marché en Libye et à participer aux programmes de reconstruction. Des initiatives qu’ont encouragées les autorités des deux pays lors d’un forum économique qui s’est tenu à Alger. Cependant, la concurrence sera rude.

La fin de la longue guerre civile qui sévit en Libye ouvre des perspectives économiques importantes dans ce pays pétrolier d’Afrique du Nord. Le voisin algérien tient à jouer un rôle en encourageant ses entreprises à s’engager sur le marché libyen. L’enjeu principal est certainement la reconstruction des villes libyennes dont les infrastructures ont été détruites par des années de combats.

Une aubaine pour les opérateurs algériens qui subissent les contrecoups de la crise économique due à la baisse des prix du brut conjuguée aux effets de la pandémie de Covid-19. À la clé, des projets estimés à plusieurs dizaines de milliards d’euros. Pour se placer, Alger compte bien profiter de sa position de neutralité vis-à-vis des différentes parties libyennes durant ces dix dernières années.

L’expertise, la qualité des produits et la proximité entre les deux territoires sont autant d’atouts que le voisin de l’ouest tente de mettre en avant. Sans oublier certains gestes, comme la réparation à titre gracieux des principales centrales électriques libyennes par la société publique algérienne Sonelgaz en 2020.

​Plan d’urgence

L’ensemble de ces arguments, Abdelaziz Djerad, le Premier ministre algérien, n’a pas manqué de les avancer lors des entretiens qu’il a eus avec son homologue libyen Abdelhamid Dbeibah. En véritable VRP, ce dernier a fait une escale à Alger, les 29 et 30 mai 2021, à l’occasion de la tenue du Forum économique algéro-libyen. En plus des principaux ministres des deux pays, cet évènement a rassemblé 700 chefs d’entreprises, dont plus de 300 Libyens venus par vols spéciaux. Présente à ce forum, Saïda Neghza, présidente de la Confédération générale des entreprises algériennes (CGEA), a indiqué à Sputnik que les opérateurs locaux devaient s’engager très rapidement en Libye.

«Nous devons aller en Libye dans les trois prochains mois, sinon les entreprises algériennes ne trouveront pas de place dans ce marché. Il faut se mettre au travail au plus vite, il y a urgence. Sur le plan de la reconstruction, nous avons des entreprises performantes qui peuvent s’engager en Libye. Des centaines d’entreprises de BTP disposant de personnel compétent et de tout le matériel nécessaire attendent cette opportunité. Il faut leur permettre d’accéder au marché libyen dans le cadre d’un partenariat gagnant-gagnant», insiste-t-elle.

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Saïda Neghza explique être en contact depuis trois ans avec des entrepreneurs libyens. «La tenue du Forum économique a été l’occasion de signer un accord avec le Conseil des chefs d’entreprises libyennes que préside Abdallah Fellah. C’est un acte important pour l’avenir de nos relations », ajoute-t-elle.

La présidente de la CGEA se dit consciente du challenge qui attend les opérateurs algériens puisqu’il est nécessaire que les autorités des pays mettent en place des mécanismes financiers et logistiques pour permettre le développement de ce partenariat. Premier pas vers le renforcement des échanges, l’ouverture de la frontière entre les deux États devrait se décider dans les prochaines semaines. L’annonce en a été faite par le Premier ministre algérien lors du forum économique.

«En plus de l’ouverture de la frontière, il faut permettre l’installation d’une banque algérienne en Libye pour faciliter les transactions. Actuellement, les marchandises algériennes sont vendues aux opérateurs tunisiens qui ensuite les revendent aux Libyens. Il faut que ce circuit qui n’arrange ni les Algériens ni les Libyens cesse et que la relation entre les deux parties soit directe», indique Saïda Neghza.

Un marché tant convoité

L’Algérie n’est pas le seul pays à vouloir décrocher son ticket d’entrée sur le marché libyen. France, Italie, Turquie, Maroc, Tunisie, Émirats arabes unis, États-Unis, Russie, Tunisie, Égypte… la concurrence s’annonce rude.

​Côté libyen, la question de l’arrivée des entreprises algériennes est plutôt bien perçue. C’est l'avis d'Abdelkader Rajeb, patron d’une société spécialisée dans la production de gaz industriels, qui a fait le déplacement à Alger à l’occasion de ce forum. Interviewé par Sputnik, il indique que sa participation entre dans le cadre «d’une reprise de contact» avec ses partenaires algériens. Pour lui, l’établissement d’un partenariat solide entre les acteurs économiques des deux pays «dépend avant tout de la volonté politique du gouvernement algérien».

«La volonté politique est le fondement de cette entente économique car les opérateurs algériens auront besoin du soutien de leurs autorités pour pouvoir s’exporter, cela est notamment valable pour les sociétés privées. Mais si les entreprises algériennes veulent pouvoir participer à la reconstruction de la Libye, il est important que cela se fasse dans le cadre de partenariat avec les entreprises libyennes », souligne Abdelkader Rajeb.

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En clair, les Algériens -au même titre que les opérateurs d’autres pays- sont les bienvenus mais ils ne doivent pas s’imaginer qu’ils évolueront en terrain conquis. «Les chefs d’entreprises libyens souhaitent eux aussi bénéficier de mesures avantageuses avec l’Algérie», note Walid Oulad Daoud, manager de FABS, une société spécialisée dans la fabrication d’articles de bureau et de fournitures scolaires établie à Ghardaïa, à 600 kilomètres au sud d’Alger.

«La partie libyenne a insisté sur le principe de réciprocité. C’est-à-dire que si je t’ouvre mon marché c'est à condition que tu m’accordes des avantages identiques. Certains entrepreneurs ont même évoqué la possibilité d’exonérer certains produits libyens de la TVA afin qu’ils soient compétitifs», affirme Walid Oulad Daoud.

Le jeune patron dit avoir «perçu une véritable volonté de la part des autorités algériennes pour encourager les entreprises à aller en Libye». Il reste cependant réaliste. Il reconnaît que malgré la guerre, le système financier libyen est bien mieux structuré que celui dans lequel il évolue au quotidien.

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