En Algérie, un scrutin aux multiples inconnues

© AP Photo / Rafael YaghobzadehDrapeau algérien
Drapeau algérien - Sputnik Afrique, 1920, 11.06.2021
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Le scrutin législatif en Algérie devrait donner lieu à une chambre basse dominée par des indépendants. La nouvelle Assemblée nationale pourrait être marquée par une forte représentation du courant islamiste. Le Président Tebboune devrait garder la main sur la désignation du nouveau Premier ministre. Mais de nombreuses questions demeurent.

Les Algériens éliront samedi 12 juin 2021, les membres de la 9e législature de la chambre basse du parlement. Des milliers de candidats inscrits sur 1.483 listes électorales sont en lice pour les 407 sièges de l’Assemblée populaire nationale (APN). Cette élection se déroule dans un contexte particulier marqué par une double crise, politique et économique.

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Rejeté par les citoyens engagés dans le mouvement Hirak et par des partis d’opposition, ce scrutin devrait également être boudé par «la majorité silencieuse». Une situation qui aura nécessairement une répercussion sur le taux de participation, un des principaux enjeux des scrutins organisés en Algérie. Lors de l’élection présidentielle du 12 décembre 2019, qui a vu l’arrivée au pouvoir du Président Abdelmadjid Tebboune, le taux officiel était de 39,88%. Il a chuté à 23,14% à l’occasion du référendum constitutionnel du 1er novembre 2020. Le pouvoir ayant engagé une dynamique de «parachèvement de l’édification des institutions de l’État», cette démarche exige une participation conséquente afin d’assurer une certaine crédibilité à la nouvelle Assemblée.

Majorité présidentielle

Avec 837 listes de candidats indépendants, contre 646 listes de partis, cette élection devrait donner lieu à une APN dominée par des députés sans couleur politique. Une première dans les annales de l’histoire parlementaire algérienne puisque l’Assemblée a toujours été dominée par les deux formations du pouvoir: le Front de libération nationale (FLN) et le Rassemblement national démocratique (RND). L’absence de majorité parlementaire permettra au Président de la République de nommer un Premier ministre et de garder ainsi la main sur le pouvoir exécutif. Habib Brahmia, candidat à Alger de Jil Jadid, parti de tendance «démocratique», explique à Sputnik que l’entrée de son parti dans le gouvernement dépendra de «plusieurs facteurs».

«C’est la première participation de notre parti à une élection, donc nous devons prendre en considération les résultats que nous obtiendrons. Ensuite, si on nous propose des portefeuilles ministériels, nous ferons en sorte d’étudier cette offre à la lueur du programme du nouveau gouvernement, de ses objectifs et des délais de mise en œuvre», affirme le membre de la direction de Jil Jadid, qui contrairement à d'autres partis d'opposition dite «démocratique» n'a pas fait le choix du boycott.

Poussée islamiste

Autre grande inconnue à côté de la participation: la présence du courant islamiste au sein de la nouvelle législature. Les formations politiques islamistes participent en force à cette élection. Il s’agit du Mouvement de la société pour la paix d’Abderrazak Mokri, du Front de la justice et du développement d’Abdallah Djaballah, du Mouvement El Bina d’Abdelkader Bengrina, ainsi que du Mouvement Ennahda de Yazid Benaicha. Dans le lot, il est également possible de rajouter une sorte d’OVNI politique qu’est Tajamoue Amel El-Jazaïr (TAJ), parti présidé par Fatima Zohra Zerouati, mais dont l’essentiel de la base est composé de militants islamistes.

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Même s’ils ne sont liés par aucun pacte, ces formations ont pour dénominateur commun leur idéologie proche des Frères musulmans*. Ils pourraient être également rejoints par un nombre encore indéterminé d’élus islamistes qui se présentent sur des listes indépendantes. Habib Brahmia estime que la présence de ce courant au sein de l’APN est inévitable mais qu’il aurait pu être contré efficacement si les partis d’opposition démocrates n’avaient pas opté pour le boycott.

«Les islamistes profitent de l’absence d’une grande majorité de la tendance démocrate. Ce courant est présent sur la scène politique avec des partis structurés qui participent à cette élection, il est donc évident que ce courant entre à l’Assemblée de façon conséquente. Mais il est peu probable qu’il y ait un véritable bloc islamiste puisque ces partis ne sont pas alliés même s’ils partagent la même idéologie. Si ce courant est représenté autour de 25 à 30% au sein de l’Assemblée, cela signifie que nous nous rapprochons de la réalité politique algérienne», indique-t-il.

Une fois installés, les futurs députés devront également élire le président de l’Assemblée. Personnage important dans la pyramide du système algérien, même si ses pouvoirs restent relativement limités, le président de la chambre basse du parlement a souvent été choisi parmi les caciques du FLN. D’ailleurs, une tradition instituée du temps du Président Abdelaziz Bouteflika voulait que ce poste revienne au candidat FLN à la tête de la liste électorale d’Alger. Marginalisé par les gouvernants actuels et haï par la population, ce parti a peu de chance de s’imposer cette fois-ci. Pour l’heure, personne ne sait qui sortira du chapeau pour occuper le perchoir de l’APN. Le profil parfait serait celui d’un jeune élu, qui serait accepté par les islamistes, les nationalistes et des démocrates, et qui aurait l'approbation de la présidence de la République. Un personnage qui aura surtout la capacité de gérer une Assemblée au sein de laquelle siégeront des centaines de députés indépendants aux réactions imprévisibles. «Les représentants de Jil Jadid soutiendront une personnalité de la tendance démocratique, représentative du renouveau politique et qui n’a jamais été liée à l’ancien pouvoir», assure Habib.

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En attendant l’ouverture des bureaux de vote et les résultats officiels de ce scrutin, ces dernières 24 heures, l’opinion publique est restée focalisée sur de mystérieuses interpellations. Dans la soirée du jeudi 10 juin 2021, l’activiste politique Karim Tabbou et les journalistes Khaled Drareni et Ihsane el Kadi ont été arrêtés par les services de sécurité.

​Pour l’heure, aucune information n’a filtré sur les raisons de ces interpellations ni même si elles sont liées à ce scrutin.

*Organisation terroriste interdite en Russie

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