L’électorat potentiel d’Éric Zemmour pour 2022: «ça ne représente pas grand-chose»… pour l’instant

© AP Photo / Virginia MayoEric Zemmour
Eric Zemmour - Sputnik Afrique, 1920, 17.06.2021
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L’éventuelle candidature d’Éric Zemmour fait toujours autant parler. Un sondage Ifop crédite le polémiste ce mercredi 16 juin de 5,5% d’intentions de vote au premier tour de l’élection présidentielle. Assez pour voler des voix à Marine Le Pen? Le doute est de mise.

«Avec des intentions de vote autour de 5%, Eric Zemmour se situe parmi ceux que l’on appelle les petits candidats», précise Jérôme Sainte-Marie à notre micro. Le politologue et sondeur de l’institut PollingVox tempère les emballements des dernières semaines autour d’une candidature d’Éric Zemmour à la magistrature suprême. Un sondage réalisé par l’Ifop pour Le Point publié ce mercredi 16 juin évalue, dans le même ordre de grandeur, à 5,5% les intentions de vote pour le polémiste, à un an du scrutin. À peine plus qu’Anne Hidalgo, empêtrée dans l’affaire #saccageParis, et à égalité avec l’écologiste Yannick Jadot. 

​Éric Zemmour n’a pas manqué d’alimenter la rumeur de son entrée en lice depuis plusieurs mois. En particulier depuis la diffusion de son entretien dimanche 6 juin sur la chaîne YouTube Livre Noir, qui affiche depuis les 530.000 vues au compteur. Un long échange au cours duquel il a manifesté, sans ambiguïtés mais sans précisions ni déclaration officielle, sa volonté de «passer à l’action». Au mois de février déjà, L’Express publiait une enquête de «trois mois sur cet objet de fantasme au sein de la droite et de l'extrême droite». Avec comme conclusion que l’intéressé envisageait très sérieusement de franchir le Rubicon. Jusqu’à se mettre en quête d’un directeur de campagne, comme le révélait Politico le 2 juin dernier.

© AFP 2023 SAMEER AL-DOUMYEric Zemmour lors de la "Convention de la Droite" à Paris le 28 septembre 2019.
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Eric Zemmour lors de la "Convention de la Droite" à Paris le 28 septembre 2019.

Zemmour, une impopulaire popularité

Fort de 700.000 spectateurs quotidiens sur CNews et d’une kyrielle de succès en librairie, Éric Zemmour jouit déjà d’une popularité considérable. Dans l’opinion de droite bien sûr. De quoi taxer quelques voix à la présidente du Rassemblement national et compromettre un duel retour Le Pen-Macron en mai 2022? Les dernières études indiquent pour l’heure que le polémiste séduirait en réalité très peu l’électorat de Marine Le Pen. Car celle-ci bénéficie d’un soutien électoral extrêmement fidèle, comme nous l’explique Jérôme Sainte-Marie. «Il y a un taux de reconstitution de son vote d’une élection à l’autre qui ne se dément pas», précise notre interlocuteur avant d’ajouter:

«Sans oublier que, en face, Éric Zemmour est bien plus clivant. Il ne faut pas s’y tromper, s’il a bien un public fidèle, il y a une grande défiance parmi la population française à son égard», assure le politologue. 

Au moment de la polémique autour de son ouvrage en 2014, Le Suicide français, vendu à plus de 500.000 exemplaires, un sondage Odoxa pour Le Parisien/aujourd’hui en France rapportait que 62% des Français avaient une mauvaise opinion du polémiste. Ce que Marine Le Pen laissait entendre ces derniers jours en évoquant sa crainte de voir son «projet victime d’une caricature» en raison des propos «très radicaux» tenus par le journaliste du Figaro. Une manière pour la présidente du Rassemblement national de se démarquer des opinions du polémiste sur l’islam, incompatible selon lui avec la République, et de sa croyance en une «guerre civile» à venir. 

Un constat sur lequel s’aligne le directeur de l'Observatoire des radicalités politiques à la fondation Jean-Jaurès:

«Éric Zemmour est un peu plus “radical” sur l’islam que Marine Le Pen, alors qu’il se montre plus “mainstream” sur le reste, analyse Jean-Yves Camus à notre micro.Ce qui peut plaire à une certaine partie de l’électorat de droite. Il n’en reste pas moins qu’une bonne partie de l’électorat de Marine Le Pen n’est pas disposée à voter pour Éric Zemmour.» 

À qui profite le crime?

Le récent sondage de l’Ifop corrobore l’analyse des deux politologues. Selon lui, c’est surtout à l’ancien électorat filloniste et à celui de Dupont-Aignan qu’Éric Zemmour pourrait piquer des voix. Une droite «hors les murs», en d’autres termes, qui ne trouverait son compte ni chez Marine Le Pen ni derrière le candidat officiel des Républicains (LR) ou rattaché LR. «Ce qui fait très peu de monde en fin de compte», observe Jérôme Sainte-Marie.

«Ce sont des gens qui ont des préoccupations identitaires avec un statut social assez bourgeois, détaille le politologue. Ils ne se reconnaissent pas dans le bloc élitaire rallié à Macron et son idéologie progressiste sans pour autant trouver leur satisfaction dans le programme populaire et social de Marine Le Pen».

L’enquête Ifop du mois de mars montrait déjà qu’Éric Zemmour était légèrement plus populaire chez les électeurs de Fillon en 2017 (23%) que chez ceux de Marine Le Pen (22%). Pour Jérôme Sainte-Marie, sa candidature pèche par le refus du journaliste de formuler la moindre proposition en matière sociale: «Il se tient à l’écart de tous les mouvements sociaux, il a des positions très marquées contre les syndicats de salariés, et plus largement l’État social. De même, il s’est montré plutôt distant à l’égard des Gilets jaunes.» Le polémiste voyait surtout dans ce mouvement social une «révolte fiscale» récupérée et vaincue par «l’extrême gauche et les voyous de banlieue».

Sérénité et inquiétude au RN

Dans une interview accordée au site réunionnais Linfo.re vendredi dernier, Marine Le Pen déclarait ne pas craindre la candidature d’Éric Zemmour: «Je ne crois pas du tout [qu’il] soit susceptible d’attirer des électeurs qui voteraient pour moi.» Une sérénité qui semble rompre avec l’inquiétude manifestée ces dernières semaines par la présidente du RN. À l’exemple des révélations du Point, selon qui elle aurait rencontré son père pour le charger de dissuader le polémiste de se lancer dans la course à l’Élysée. Invitée dimanche 6 juin du grand jury RTL-Le Figaro-LCI, Marine Le Pen confiait également s’être entretenue directement avec le polémiste.

Emmanuel Macron - Sputnik Afrique, 1920, 04.06.2021
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Elle l’aurait conjuré de ne pas affaiblir «même un tant soit peu, le camp national». Crédible ou pas, la candidature d’Éric Zemmour est donc prise au sérieuse au sein du Rassemblement national. En particulier depuis le mois de mars dernier. 

Valeurs actuelles publiait justement au mois de mars une enquête Ifop sur le «potentiel électoral» pour 2022 du polémiste. 13% des sondés y déclaraient pouvoir voter pour Éric Zemmour. Parmi eux, 4% se disaient déterminés dans ce choix. Un tel réservoir de voix, au regard du premier tour de la dernière élection présidentielle, qui s’était terminée dans un mouchoir de poche entre les quatre premiers candidats, pourrait-il renverser la table? Jérôme Sainte-Marie, qui a publié l’essai Bloc contre bloc: La dynamique du Macronisme (éd. du Cerf), répugne aux prévisions abusives. Il conteste le bien-fondé de tels calculs. 

Le Pen-Macron, un clivage accentué

Le sondage en question, pour Jérôme Sainte-Marie, parle de potentiel électoral et non d’intentions de vote. Et l’analyste de rappeler qu’une «personne aussi peu crédible que Bigard obtenait un score de 13%, identique donc à celui d’Éric Zemmour».

« Vous avez en réalité aujourd’hui une concentration de l’électorat sur deux candidats principaux qui n’a rien à voir avec la situation de 2017. Entre-temps, la droite et la gauche se sont beaucoup affaiblies et le clivage entre progressistes et populistes, lui, s’est accentué. Donc le clivage Macron-Le Pen apparaît difficile à contester.»

Enfin, Éric Zemmour, sur la route de l’Élysée, devrait franchir plusieurs obstacles. Comme la collecte des 500 parrainages ou encore des accusations d’agressions sexuelles révélées, une nouvelle fois, par Mediapart. Pour Jean-Yves Camus, il est évident que la métapolitique n’est pas la politique.

«Commenter l’actualité, c’est autre chose que faire campagne. Il faut avoir un programme précis et savoir le défendre; se positionner sur des sujets comme le nombre de places de prison ou l’âge du départ à la retraite. Prétendre à la magistrature suprême ne demande pas les mêmes aptitudes que le métier de journaliste», souligne-il.

A moins qu’un imprévu ne surgisse dans l’histoire… à commencer par l’enthousiasme de ses lecteurs devenus militants. Son habilité à user des médias, qui lui ont permis de diffuser ses idées depuis une vingtaine d’années, pourrait également lui être profitable. De même que sa connaissance des réseaux de la droite française, et de personnalités politiques qui n’en sont pas à leur première campagne électorale.

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