Otan: l’adhésion de l’Ukraine renvoyée aux calendes grecques?

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Le candidat à la présidentielle ukrainienne Volodymyr Zelensky apprend les premiers résultats partiels du second tour  - Sputnik Afrique, 1920, 21.06.2021
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L’adhésion de l’Ukraine à l’Otan est-elle encore d’actualité? Pas vraiment, à en croire les déclarations des officiels tant français qu’américains. Pour l’ancien diplomate Philippe Moreau-Defarges, il n’est pour l’heure plus question pour les Occidentaux d’attiser les tensions avec Moscou alors que se dessine un bras de fer avec la Chine.

L’Ukraine fera-t-elle un jour son entrée dans l’Otan?

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«Nous pensons pour l'instant que les conditions ne sont pas réunies, donc ce n’est pas un sujet», balayait Jean-Yves Le Drian au micro de Jean-Jacques Bourdin le 18 juin. Cette réponse du chef de la diplomatie française, expédiée en trois secondes montre en main, contraste avec les efforts déployés ces trois dernières semaines par Kiev afin de mettre un pied dans la porte de l’Alliance.

Le 14 juin, le Président ukrainien Volodymyr Zelensky, qui n’était pas convié au sommet de l’Otan le même jour, s’est indigné face à la presse occidentale que l’Ukraine n’ait pas reçu de réponse claire concernant son adhésion. Mais déjà le 26 mai son ministre des Affaires étrangères fustigeait une Alliance qui à ses yeux n’aurait pas fait «un seul pas» en direction de Kiev en 13 ans.

Référence à l’année 2008 où l’Ukraine avait émis son souhait de rejoindre l’Otan, sur fond de conflit russo-géorgien, ainsi qu’à la politique de la «porte ouverte» pratiquée par l’Alliance à l’égard des ex-Républiques soviétiques. C’est d’ailleurs à ce concept que le secrétaire général de l’Otan a renvoyé le Président ukrainien à l’occasion d’un entretien téléphonique la veille du sommet de l’Alliance.

La cible prioritaire des Occidentaux ne serait plus la Russie

Estimant que son pays «mérite d'être dûment apprécié pour son rôle dans la garantie de la sécurité euro-atlantique», le Président ukrainien écrira sur Twitter le jour du sommet de l’Alliance que: «les dirigeants de l'Otan ont confirmé» que l'Ukraine «deviendrait membre de l'Alliance». «Cela reste à voir», avait rétorqué Joe Biden en conférence de presse à Bruxelles, ajoutant que ceci «dépend de si elle [l’Ukraine, ndlr] satisfait ou non aux critères».

«L’intégration de l’Ukraine dans l’Otan est totalement exclue, le poids des problèmes internes, les rapports avec la Turquie, la volonté de réencrer les États-Unis dans la défense de l’Europe. Tous ces arguments-là poussent à ne pas enflammer la question ukrainienne», réagit auprès de Sputnik Philippe Moreau-Defarges.

Pour cet ancien diplomate et auteur du livre Une histoire mondiale de la paix (Éd. Odile Jacob), si cette adhésion à l’Otan apparaît «de plus en plus improbable», ce n’est pas uniquement à cause de l’image d’«État corrompu, qui n’a pas fait les réformes nécessaires pour intégrer le monde occidental», qui colle à l’Ukraine. En effet, la perspective d’un bras de fer avec la Chine est également à prendre en compte dans ce désintérêt des Occidentaux pour les Ukrainiens.

«Il est certain que les Occidentaux ne peuvent qu’être tentés de ménager la Russie aujourd’hui, parce qu’il y a une partie très dure qui va se jouer contre la Chine. Il s’agit de détacher la Russie d’un bloc sinophile», développe l’ancien diplomate.

Pas d’adhésion avant au moins une décennie?

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Bien que la question chinoise semble au cœur des préoccupations de l’exécutif américain, ce «relâchement» autour de la Russie a tout de même de quoi surprendre. En effet, les tensions avec Moscou, amorcées en 2013 avec l’ingérence des États-Unis en Ukraine afin de la détacher de la Russie, sont l’œuvre de l’administration Obama, dont Joe Biden était le vice-Président. À cette époque-là, le Président ukrainien Viktor Ianoukovitch s’apprêtait à signer un traité de libre-échange avec la Russie. «It’s just pure business», pour reprendre les mots du Président américain lors de sa conférence de presse du 16 juin dernier à l’issue de sa rencontre avec Vladimir Poutine. Biden répondait alors à une question sur la manière dont sa relation interpersonnelle avec Xi Jinping pourrait faire avancer l’enquête de l’OMS sur les origines du Covid.

«On n’est plus dans la même époque. Du temps d’Obama, l’affrontement avec la Chine n’était pas central. Aujourd’hui, il l’est devenu», insiste Philippe Moreau-Defarges.

Comme le souligne ce dernier, ce revirement ne veut pas dire que la décision de ne pas intégrer l’Ukraine à l’Otan est définitive. Rien ne garantit que, d’ici plusieurs années, en cas d’apaisement des tensions avec la Chine, cette candidature ukrainienne ne reviendra pas en haut des dossiers de l’Alliance. «En diplomatie ce qui est vrai aujourd’hui n’est pas vrai demain», rappelle ainsi l’ancien diplomate français. Selon une source de haut rang au sein de l'Otan citée par le journal russe Izvestia, ce délai pourrait être de 10 ou 15 ans. L’adhésion de l’Ukraine à l’Alliance est, selon le porte-parole du Kremlin, une «ligne rouge» à ne pas franchir aux yeux de la Russie.

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