Réforme des retraites: quand Macron impose aux Français l’agenda de Bruxelles

© AP Photo / Charles PlatiauEmmanuel Macron
Emmanuel Macron - Sputnik Afrique, 1920, 01.07.2021
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Un an avant les Présidentielles, la réforme des retraites ressurgit. Présentée comme salvatrice pour la relance économique du pays, elle l’est surtout pour le plan de relance acté à Bruxelles. Détail que se garde de souligner l’exécutif. Retour sur le jeu d’équilibriste d’Emmanuel Macron, entre idéologie et économies de bouts de chandelle.
«Macron se renie et applique une politique qu’il qualifiait lui-même d’injuste», réagit au micro de Sputnik l’économiste Philippe Murer.

Quelle mouche a bien pu piquer le locataire de l’Élysée, aujourd’hui favorable à un report de l’âge de la retraite à 64 ans? «Nous ne toucherons pas à l’âge de départ à la retraite ni au niveau des pensions», écrivaient pourtant en 2017 les Marcheurs, dans le programme de leur candidat à l’investiture suprême. «Bon courage, déjà, pour arriver à 62 ans», lançait Emmanuel Macron lors de son grand oral en avril 2019, «et il faut maintenant aller à 64 ans?» Deux ans plus tard, à moins d’une année des Présidentielles, Macron fait du Fillon.

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Pour Philippe Murer, l’explication d’un tel revirement au sommet de l’exécutif n’est pas à aller chercher bien loin: Bruxelles. «Il y a une chose qui est claire, il l’a promis à l’Union européenne en ayant signé le plan de relance de l’UE dont il est l’un des principaux artisans.» En effet, la reprise des «réformes structurelles» mises en suspend durant la crise conditionne l’obtention par la France des 40 milliards du plan de relance.

Ces fonds ne peuvent en effet être débloqués qu’après l’avis favorable de la Commission européenne, à laquelle l’Élysée a préalablement soumis sa copie. Bruno Le Maire, ministre de l’Économie et des Finances, qui figure aujourd’hui parmi les plus fervents partisans de la réforme des retraites, insistait déjà en septembre dernier, sur le fait que «l’Union européenne, dans le décaissement de ces 40 milliards d’euros, veillera à ce que la France maintienne un certain nombre de réformes structurelles.» Le 13 juillet, ce sera ensuite aux ministres de l’Économie et des Finances des 27 d’entériner les plans de relance approuvés par la Commission.

Crise sanitaire, bon prétexte pour ressortir la réforme des retraites?

Des ministres derrière lesquels le Président de la République a beau jeu de s’abriter. «Il y a un travail qui est fait avec les membres du gouvernement», éludait tant bien que mal ce 1er juillet Gabriel Attal, sur le plateau de LCI, alors interrogé sur l’opinion du chef de l’État quant à la conduite de la réforme des retraites, à un moment où les Français sont à genoux par l’effet combiné des crises sanitaire et économique. Elle «aura lieu», confirme toutefois le porte-parole du gouvernement, qui pour sa part, s’abrite derrière les chiffres du dernier rapport du Conseil d’orientation des retraites (COR). Celui-ci évaluait à 18 milliards d’euros le déficit en 2020 du système de retraites. Des chiffres biaisés?

«le système de retraite était à l’équilibre en 2018 et 2019 et c’est avec la crise sanitaire que le système est passé en déséquilibre en 2020 via cette gestion par le confinement», s’écœure Philippe Murer.

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En somme, le déséquilibre dans les recettes (moins de prélèvements sociaux pour autant de pensions versées) des caisses de retraite, lui-même provoqué par les confinements successifs, est une aubaine pour justifier la réforme. La reprise économique pourrait gommer cet écart et, ironie du sort, c’est au nom de cette dernière que les membres du gouvernement plaident pour réformer les retraites, tout en prenant soin de défendre l’Union européenne.

Pour défendre l’UE, des ministres prêts à fabuler?

L’interview par L’Opinion d’Amélie de Montchalin en est une parfaite illustration. La ministre de la Transformation et de la Fonction publiques, également candidate aux Régionales où sa liste a recueilli les suffrages de 3,29% des inscrits, martèle que cette réforme est avant tout effectuée par la France pour la France, s’attardant sur le fait que les exigences du traité de Maastricht n’entreront à nouveau en vigueur qu’en 2023.

«Nous faisons les choses pour nous-mêmes et pas pour d’autres!», insiste-t-elle, rappelant son passage en tant que «ministre» chargée des Affaires européennes. «Aujourd’hui ces règles [européennes, ndlr.] sont levées et tous les débats politiques que nous avons aujourd’hui montrent aux Français que nous les avons pour nous-mêmes!»

«Elle ment! La ministre ment, comme ils mentent souvent pour protéger l’Union européenne, qui impose des mesures sociales extrêmement dures aux Français», s’insurge notre intervenant. «C’est très injuste, d’autant plus que la moitié des Français arrivent aujourd’hui à la retraite en étant au chômage», enchaîne l’ex-conseiller économique de Marine Le Pen.

Lorsque cette dernière était candidate à la Présidence de la République, l’affirmation que près de la moitié des Français arriverait ainsi à la retraite en étant sans emploi était considérée comme une «exagération» par la des médias comme France info. Le contre-feu médiatique fut plus mesuré lorsque ce fut au tour de Laurent Berger, secrétaire général de la CFDT, de déclarer fin 2019 que «40% de ceux qui partent à la retraite n’ont déjà plus de travail.»

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Pousser les gens à cotiser plus longtemps alors que le marché ne veut plus d’eux revient à provoquer une baisse de leurs retraites. «Gagne[r] un point de PIB en organisant la misère des préretraites»; un raisonnement cynique qu’expliquait à Sputnik un ancien cadre de Bercy.

Reste cependant à savoir si ces économies ne partiront pas en fumée. Comme le soulignent les partis d’opposition, comme la France insoumise ou le Rassemblement national, le remboursement de ces 40 milliards d’euros versés à la France après avoir été empruntés sur les marchés par la Commission européenne, pourrait en coûter 67 milliards aux contribuables français.

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