Mauvaise élève du «wokisme», la France sommée par l’Onu de rentrer dans le rang

© AFP 2023 THOMAS SAMSON / AFPRassemblement contre le racisme et les violences policières France
Rassemblement contre le racisme et les violences policières France - Sputnik Afrique, 1920, 02.07.2021
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Le rapport du Haut-Commissariat aux droits de l’homme de l’Onu appelle la France et d’autres pays à faire un pas de plus dans la lutte contre le «racisme systémique». Et ce notamment, en ayant recours aux statistiques ethno-raciales. Une nouvelle fois, le pays des Lumières est appelé à s’aligner. Analyse avec l’essayiste Jean-Paul Gourévitch.

La France doit-elle abdiquer de son logiciel républicain, «regarder son passé en face» et se mettre aux statistiques ethniques? Pour l’Onu, il serait temps. Dans son rapport publié le 28 juin dernier, le Haut-Commissariat aux droits de l’homme des Nations unies déploie une vaste programmatique pour lutter contre le «racisme systémique» à l’échelle mondiale. Certes, la France avec son passé colonial, n’est pas seule sur le banc des accusés, mais la nation des droits de l’homme est ouvertement citée.

​L’essayiste Jean-Paul Gourévitch, favorable aux statistiques ethniques, voit néanmoins dans ce rapport un appel pour la nation récalcitrante aux injonctions multiculturelles d’outre-Atlantique à cesser de faire du zèle. Tout en s’acquittant de quelques réparations mémorielles et financières.

Rentable repentance

La première phrase évacue d’entrée toute ambiguïté sur la contextualité du rapport. Elle est consacrée au «meurtre de Georges Floyd» du 25 mai 2020 et aux «manifestations de masse qui ont suivi dans le monde entier.» Un «tournant dans la lutte contre le racisme» et la «culture du déni», dans lequel entend s’engager l’organisme pour «garantir des conditions de vie futures favorisant le respect de la dignité et des droits de tous.» Principalement, en réalité, des «Africains et les personnes d’ascendance africaine». Rien d’étonnant selon Jean-Paul Gourévitch, pour qui le rapport fait bien écho au mouvement Black Live Matters. Et plus encore aux 20 ans de la conférence mondiale de Durban contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance.

«Tenue en 2001, cette initiative censément lancée pour lutter contre le racisme a viré à la mise en accusation des Occidentaux, de la traite atlantique et de l’esclavagisme», rappelle l’auteur de La France en Afrique: 1520 - 2020 Vérités et mensonges (Éd. L’Harmattan). «Comme lors de la conférence, le rapport oublie ici à dessein toute l’histoire de la traite arabo-musulmane et ses 11 millions de victimes.»

Pour aboutir à «la justice et l’égalité raciales», le Haut-Commissariat demande donc aux États, avec qui il «attend avec intérêt de coopérer», à prendre les devants et à «traduire ce programme en plans d’action et en mesures concrètes.» Le passé serait à regarder «en face, par la voie notamment de la responsabilité et des réparations», peut-on lire.

«La repentance exigée implique une réparation, non pas seulement mémorielle, mais aussi financière», confirme Jean-Paul Gourévitch à notre micro. «Une interprétation historique est donc transformée en crédit contraignant à s’acquitter d’une réparation financière. La France, en raison de son passé colonial, est donc dans le collimateur. Son refus des statiques ethniques, en l’occurrence, ne plaide pas en sa faveur.»

La France et son universalisme font parfois mauvaise figure à l’étranger. En particulier dans les instances internationales, qui ont donné une dimension mondiale à la lecture multiculturelle, plus anglo-saxonne, des appartenances identitaires.

Parmi les contributeurs du dernier rapport de l’Onu, on trouve donc le Groupe de travail d’experts sur les personnes d’ascendance africaine et sa présidente Dominique Day. Spécialiste des litiges communautaires, l’avocate américaine œuvre en tant que directrice de la plateforme Daylight («a racial justice accelerator») à la défense «d’invidividus et de communautés de la diaspora noire». 

Le vilain petit coq

À notre micro, François-Bernard Huygue, auteur de l’ouvrage L’art de la guerre idéologique (Éd. Le Cerf) et directeur de recherche à l’IRIS, évoquait récemment le mépris de «milieux intellectuels woke et progressistes» américains pour la France et son modèle d’assimilation qui est à leurs yeux celui d’«une nation réac, laïque, raciste et islamophobe». D’où la reconnaissance et le succès des statistiques ethniques d’un côté de l’Atlantique et son farouche refus de l’autre.

«Le fait de reconnaître expressément les personnes d’ascendance africaine dans les statistiques et les recensements nationaux est également un pas vers la reconnaissance de leur identité et de leur héritage, qui va de pair avec leur droit à la dignité», milite sans ambages l’Onu dans son rapport.

En France, la plupart des politiques de droite comme de gauche s’opposent encore à ce type de recensions ethniques. Jusqu’à Emmanuel Macron lui-même, bien qu’il ne soit pas insensible au multiculturalisme. Il s’y était fermement opposé en 2020 lorsque Sibeth Ndiaye, alors porte-parole du gouvernement, appelait à rouvrir le débat

L’essayiste Jean-Paul Gourévitch milite de son côté pour cet outil démographique qui, selon lui, n’entamerait pas le vivre-ensemble à la française. Et pourrait même en assurer la continuité.

«Il y a l’avantage de la transparence, qui offre un panorama précis à la population de la composition démographique du pays. Et ensuite celui d’une lutte plus optimale contre la discrimination, un moyen de mesurer précisément si celle-ci est, par endroits dans la société, réelle ou fantasmée», précise-t-il. 

Aussi, notre interlocuteur ne craint-il guère de voir de telles études accentuer le communautarisme: cela reviendrait selon lui à considérer «que les gens font corps avec leurs origines.» Or, à l’en croire, en France, «nombreux sont ceux à avoir conscience que l’intégration à une nation passe justement par le dépassement de sa culture d’origine.» Un modèle universaliste rappelé par l’article 1 de la Constitution française qui entend assurer «l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion.» Pas sûr, en revanche, que le Haut-Commissariat situé de l’autre côté de l’Atlantique l’entende de cette façon.

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