Xavier Bertrand favori pour 2022? «Le pouvoir médiatique est capable de vendre Bertrand comme il a vendu Macron»

© AFP 2023 CHRISTOPHE ARCHAMBAULTLe Président de la République française Emmanuel Macron et le président des Hauts-de-France Xavier Bertrand lors d'un Comité Stratégique du Canal-Seine-Nord-Europe à Nesle, novembre 2019
Le Président de la République française Emmanuel Macron et le président des Hauts-de-France Xavier Bertrand lors d'un Comité Stratégique du Canal-Seine-Nord-Europe à Nesle, novembre 2019 - Sputnik Afrique, 1920, 06.07.2021
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Un récent sondage donne Xavier Bertrand vainqueur en 2022 dans l’hypothèse d’un second tour face à Emmanuel Macron. Pour le politologue Frédéric Saint Clair, la popularité grandissante du président des Hauts-de-France est une «construction médiatique» qui ne repose sur rien de tangible, ou presque. Explications.
«À la base du phénomène Xavier Bertrand, il y a une construction artificielle médiatique, exactement comme il y en a eu une pour Emmanuel Macron en 2016», assène d’entrée de jeu le politologue Frédéric Saint Clair au micro de Sputnik.

La dynamique semble favorable au président des Hauts-de-France. Avec 52% des intentions de vote selon le dernier baromètre Ifop-Fiducial, celui-ci l’emporterait face à Emmanuel Macron s’il l’affrontait au second tour en 2022. Mais, pour Frédéric Saint Clair, la méthodologie de telles études d’opinion reste plus que contestable:

«Les instituts de sondage portent une vraie responsabilité en testant au second tour des candidats qui ne peuvent pas y accéder. Par une petite propagande douce, on installe dans la conscience populaire l’idée que Xavier Bertrand pourrait l’emporter en 2022», tance l’auteur de «La refondation de la droite» (Éd. Salvator).

En effet, Xavier Bertrand gagne trois points au premier tour par rapport au dernier sondage. Le voilà désormais campé sur 18% des intentions de vote selon le même baromètre. Or, toujours selon l’Ifop, il ne serait pas en mesure de se qualifier pour le second tour à l’heure actuelle puisque Marine Le Pen (26%) et Emmanuel Macron (24%) restent les principaux favoris. «Je pense que le match Macron/Le Pen, dont près de 70% des Français ne veulent pas, a quand même de grandes chances de se tenir», prédit notre interlocuteur.

«La fiabilité des sondages est plus que jamais mise en doute»

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Le clan Bertrand mise en tout cas sur des enquêtes encourageantes pour dissuader son ancien parti, Les Républicains, d’organiser une primaire ouverte pour désigner un éventuel candidat de la droite et du centre. Une stratégie qui a le don d’irriter les principaux rivaux de Xavier Bertrand à droite, à savoir Valérie Pécresse, Laurent Wauquiez et Bruno Retailleau. Ces derniers ont même signé une tribune dans les colonnes du Figaro ce lundi 5 juillet. Le trio réclame une «primaire ouverte de la droite et du centre» afin de désigner le candidat de leur famille politique pour 2022. «Que des sondages, dont la fiabilité est plus que jamais mise en doute, fassent office de moyen de sélection de notre candidat ne peut satisfaire personne», écrivent-ils notamment.

L’idée d’une primaire ouverte n’a d’ailleurs pas été complètement abandonnée par les instances LR. Le bureau politique du parti se réunit justement ce mardi 6 juillet à ce sujet. Christian Jacob, le président des Républicains, a confié au maire d’Antibes, Jean Leonetti, le soin de présenter un projet de scrutin. Dans Le Journal du dimanche le 4 juillet dernier, celui-ci plaide pour une primaire ouverte à un tour, avec un vote électronique début novembre. À l'issue du bureau des LR, un calendrier politique a été arrêté: le 25 septembre, un vote aura lieu pour décider d'un processus de rassemblement, qui pourra prendre la forme d'une primaire... ou autre. D'ici là, les candidats devront se déclarer avant le 20 août.

La question du mode de désignation du candidat LR n’est donc pas totalement tranchée du côté de la rue de Vaugirard. Preuve des atermoiements dans les instances dirigeantes du parti, Christian Jacob a annoncé que le parti ferait réaliser fin août la première des deux enquêtes d’opinion sur les aspirations des sympathisants de droite. En l’état actuel des choses, Valérie Pécresse et Laurent Wauquiez plafonnent respectivement à 14% et 13% des intentions de vote si l’on en croit le dernier baromètre Ifop.

Candidat déclaré depuis le 24 mars dernier, Xavier Bertrand peut en outre se draper dans une couverture médiatique complaisante. L’ancien ministre du Travail de Nicolas Sarkozy a lancé sa campagne avec un entretien fleuve dans l’hebdomadaire Le Point, dans ce qui ressemble à un savant exercice de communication politique. En juin, à l’approche des régionales, Xavier Bertrand a renforcé sa présence médiatique en participant à cinq grandes matinales radios en l’espace de quinze jours. «La classe médiatique sociale-libérale, qui nous a vendu un successeur de De Gaulle ou de Mitterrand, a acté l’échec d’Emmanuel Macon. Le pouvoir médiatique sera-t-il capable de vendre Bertrand aux Français, comme il a vendu Macron? Ma réponse est oui», lance Frédéric Saint Clair.

Xavier Bertrand, un «Juppé bis»?

En attendant de connaître la position des barons de LR sur une éventuelle primaire, Guillaume Peltier, qui vient d'être remplacé à la vice-présidence du parti par la députée du Doubs Annie Genevard, a d’ores et déjà pris position en faveur de Xavier Bertrand. Dans un entretien donné au Parisien ce lundi 5 juillet, le député du Loir-et-Cher a apporté son soutien au président des Hauts-de-France, «le mieux placé pour nous faire gagner». «Xavier Bertrand incarne, comme Nicolas Sarkozy en 2007, la France populaire. Il a compris les trois enjeux de la présidentielle: le travail et les salaires face à l’assistanat, l’autorité face à l’islam politique, les libertés de nos provinces face au centralisme parisien», s’enthousiasme l’ancien du FNJ.

Candidat du «bloc populaire», Xavier Bertrand? Frédéric Saint Clair n’y croit pas instant. «Il y a une méprise totale sur le positionnement de Xavier Bertrand: c’est un cousin germain d’Emmanuel Macron! C’est de la droite molle et modérée, sans l’alliance avec la gauche libérale. C’est un Juppé bis, en somme», tacle le politologue. En 2016, lors de la primaire de la droite, Alain Juppé faisait campagne sur «l’identité heureuse». Un slogan qui n’avait finalement pas tellement réussi à l’ancien maire de Bordeaux, sèchement défait par François Fillon au second tour. Frédéric Saint Clair toujours:

«Il y a pour moi une incapacité chez Bertrand à parler aux classes populaires qui souffrent des grands maux actuels de la société: l’insécurité, l’immigration, l’islamisation et l’incapacité du pays à résister aux coups de boutoir de la mondialisation. Xavier Bertrand est un fantôme face à toutes ces menaces. S’il est élu, les Français vont mettre cinq ans à se rendre compte qu’ils ont porté au pouvoir un clone d’Emmanuel Macron.»

Un sondage de l’Ifop réalisé pour le JDD révèle toutefois la grande popularité de Xavier Bertrand parmi les sympathisants de la droite. À la question de savoir qui serait «le meilleur candidat de la droite» pour l’élection présidentielle, celui-ci est ainsi plébiscité par 82% des sondés se disant proches de LR, contre 72% pour Valérie Pécresse, 67% pour François Baroin, et 62% pour Laurent Wauquiez. «La stratégie de Xavier Bertrand est plutôt bonne, au fond: il s’agit de faire croire à la droite bourgeoise que, à la place d’un Emmanuel Macron inexpérimenté et un peu trop à gauche, ils auraient un Président de droite modérée qui prendrait soin de leurs capitaux et de leurs retraites», avance Frédéric Saint Clair.

À l’issue de sa victoire aux élections régionales, Xavier Bertrand a annoncé sa volonté d’aller à «la rencontre de tous les Français». Avec 52% des suffrages au second tour, le nouvel homme fort de la droite républicaine a été confortablement réélu à la tête du conseil régional des Hauts-de-France. «Une fausse victoire», selon Frédéric Saint Clair. «Il fait cinq points de moins qu’en 2015 et perd près de 700.000 voix au second tour [au second tour en 2015, Xavier Bertrand obtenait près de 1,4 million de voix contre 708.500 en 2021, ndlr]. Par ailleurs, comment peut-il s’adresser aux 67% de Français qui ne se sont pas mobilisés lors de ces régionales?» fait mine de s’interroger le politologue. Charge à celui qui se voit déjà trôner à l’Élysée de répondre à cette épineuse question.

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