Les gangs de rue à l’assaut de Montréal: «La répression ne servira à rien»

CC BY 2.0 / Abdallahh / Montréal
Montréal - Sputnik Afrique, 1920, 03.08.2021
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Les incidents impliquant des armes à feu sont en augmentation à Montréal. La situation inquiète les autorités, de même que plusieurs groupes communautaires et de parents. Pour Jean Claude Bernheim, expert en criminologie, le profil des bandes qui s’affrontent a changé, mais les problèmes à l’origine de la violence restent les mêmes.
«Des groupes profitent peut-être de la pandémie pour conquérir de nouveaux territoires», laisse tomber Jean Claude Bernheim, expert en criminologie, préoccupé par la hausse des crimes par arme à feu à Montréal. Le 2 août, une énième fusillade sur l’île a fait un mort et plusieurs blessés.
«C’est une situation des plus classiques. Il faut rappeler que dans les années 1980-1990, Montréal a été aux prises avec ce même genre de conflit et plus de 70 personnes ont été tuées ou gravement blessées. […] À l’époque, on parlait plutôt des mafias italiennes, grecque, etc., alors que maintenant, on parle plutôt de gangs de rue. Au fil des années, les groupes criminels ont évolué, mais pas les situations», observe-t-il.
Acte de violence (image d'illustration) - Sputnik Afrique, 1920, 30.03.2021
Les féminicides en hausse au Québec: «le confinement est un terreau fertile pour la violence conjugale»
Car à en croire les récents titres de journaux, rien ne va plus dans la métropole québécoise. Selon les données recensées par le Journal de Montréal, au moins 16 incidents impliquant des armes à feu y sont survenus durant le seul mois de juillet. À la mi-juin, trois fusillades ont eu lieu en une seule nuit, du jamais vu depuis plusieurs années dans une ville réputée beaucoup plus sûre que la plupart de ses consœurs nord-américaines.

La pandémie, amplificateur de la violence

Chargé de cours en criminologie dans plusieurs universités canadiennes, Jean Claude Bernheim estime que les mesures de confinement pourraient avoir détérioré la qualité de vie des résidents des zones les plus touchées: «on voit que ce sont des populations plus ou moins marginalisées qui sont les plus concernées». Des quartiers surtout situés dans le Nord et l’Est de la ville, réputés pour accueillir de nombreux immigrés, principalement issus d’Haïti et de pays du Maghreb.
«Avec la pandémie, on a observé une diminution de la criminalité traditionnelle. Mais de l’autre côté, le confinement et les mesures ont accentué certaines problématiques sociales, en particulier dans les quartiers où la violence se manifeste le plus», souligne-t-il.
D’après les chiffres du Service de police de la Ville de Montréal, les crimes contre les personnes commis avec une arme à feu ont augmenté de 10% entre 2019 et 2020, mais si la tendance se maintient, 2021 sera la plus violente de ces trois années.

Parents et organismes consternés

Le 27 juillet dernier, une grande marche «pour la paix» a été organisée par la Coalition de la Petite-Bourgogne, un organisme communautaire implanté dans ce quartier montréalais.
De nombreux parents inquiets pour leurs enfants ont participé à la marche. De plus, plusieurs politiciens ont manifesté leur soutien à la cause, parmi lesquels le chef du Parti libéral du Québec, Dominique Anglade, qui représente l’opposition officielle à Québec.
«Le Canada est censé être le meilleur pays au monde. Comment se fait-il que les armes circulent autant dans les rues?», a déclaré à La Presse le père d’une victime d’une fusillade âgée de 21 ans, à l’occasion de la marche.
Auteur du livre L’Affaire Camara (Éd. du Méridien) –ouvrage portant sur une importante erreur judiciaire–, Jean Claude Bernheim verrait comme une fausse solution le déploiement de renforts de police: «la répression ne servira à rien», tranche notre interlocuteur:
«Il n’y a pas de solution simple aux problèmes complexes. Considérant les études sur le sujet, on sait pertinemment qu’une plus grande répression pourrait même exacerber la problématique. Quand Toronto a commencé à connaître cette réalité y a quelques années, les autorités ont opté pour un plus grand contrôle policier et les résultats n’ont pas du tout été au rendez-vous.»
Montreal police - Sputnik Afrique, 1920, 19.02.2021
À Montréal, les violences contre les policiers font boule de neige
La prochaine campagne électorale fédérale débute dans quelques jours. L’augmentation des fusillades à Montréal et Toronto pourrait-elle en devenir un thème important? Jean Claude Bernheim estime que c’est possible, mais ne s’attend pas à des discours très innovants en matière de prévention de la criminalité:
«Idéalement, le rôle des politiciens est de ramener les problèmes au niveau où ils se situent réellement en tenant compte de la réalité du terrain. Mais généralement, si on regarde la tendance, les politiciens se contentent de réclamer plus de contrôle et de répression», déplore-t-il.
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