Au Cameroun, polémique autour de dons de sang pour des victimes de Boko Haram

CC BY-SA 4.0 / Minette Lontsie / Maroua, Cameroun
Maroua, Cameroun - Sputnik Afrique, 1920, 07.09.2021
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Un hôpital militaire dans l'Extrême-Nord du Cameroun a refusé à un parti d'opposition l'organisation d'une opération de don de sang en faveur des militaires blessés par Boko Haram. Le parti en question a accusé le pouvoir d'être «aveuglé» par «la haine» et rappelle que l'armée «ne doit être l’objet d’aucune forme d’instrumentalisation politique».
Face à ce qu'il considère comme une énième répression, le parti de l'opposant camerounais Maurice Kamto a décidément du mal à garder son… sang-froid!
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«Il a été refusé au MRC par la hiérarchie militaire de l'hôpital militaire de Maroua l'organisation d'une campagne de don de sang pour les blessés des attaques de la secte islamique Boko Haram. Quand on connaît la carence en réserve dans les banques de sang de nos hôpitaux, on a de la peine à croire qu'un responsable chargé de sauver des vies a pu refuser une telle offre juste parce qu'elle vient d'un parti politique considéré comme ennemi du pouvoir que l'on sert», a publié le porte-parole du MRC Joseph Ateba sur sa page Facebook mercredi 1er septembre 2021, ceci avec une copie de la demande qui a été adressée à l’hôpital.

«Le pouvoir préfère laisser mourir des soldats blessés»

Si l'hôpital en question n’a pas communiqué sur le sujet, dans les rangs du MRC l’on croit savoir qu’il s’agit encore de règlements de compte politique. Dans un communiqué publié sur sa page Facebook jeudi 2 septembre 2021, Maurice Kamto a réagi suite à «ce refus d’une campagne de don de sang en faveur des soldats camerounais blessés au front».
«Le pouvoir préfère laisser mourir des soldats blessés au front de la défense de l’intégrité territoriale de notre pays et de la sécurité de nos populations pour cause de rancœur politique contre le président du MRC. Un tel aveuglement et une telle haine d’État contre un individu sont scandaleux et sans précédent dans notre histoire», fustige le président national du MRC.
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Tout en invitant les hautes autorités militaires du Cameroun «à se pencher de toute urgence sur cette situation inédite», le MRC rappelle que «les Forces de défense du Cameroun n’appartiennent à aucune obédience politique et ne doivent par conséquent être l’objet d’aucune forme d’instrumentalisation politique».
Réagissant au micro de Sputnik à cette sortie de Maurice Kamto, Patrick Rifoe, communiquant du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC), parti au pouvoir, estime que «la politisation, c'est de transformer un parti politique en organisation humanitaire. De plus, à partir du moment où une collecte de sang est organisée sous le sigle MRC, elle est bien évidemment politique. Il n'y a donc pas de raison qu'elle ne soit pas traitée comme telle».
«Enfin, l'armée a à plusieurs reprises été traitée de milice privée du Président Biya par certains cadres du MRC. Il n'y a aucune raison qu'elle accueille avec autre chose que de la méfiance une initiative portée par ceux-là mêmes qui la stigmatisent», martèle-t-il.

Politisation tous azimuts

Alors que la situation suscite encore de nombreuses interrogations, elle n’est pas sans rappeler un fait similaire. En 2020, au plus fort de la crise sanitaire, et alors que les professionnels de la santé faisaient face à une pénurie de matériel médical, le gouvernement avait refusé d’accepter un don constitué de masques et de tests anti-Covid fait par l’opposant Maurice Kamto par l’intermédiaire de son association humanitaire. Si à l’époque Yaoundé a expliqué avoir refusé au prétexte que la structure «Survie Cameroun» n'était pas homologuée, le sujet avait déjà fortement divisé l’opinion sous fond de rivalités politiques.
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Décryptant ces faits, Aristide Mono, enseignant des sciences politiques à l’université de Yaoundé 2, souligne à Sputnik qu'il est un fait habituel au Cameroun que la lutte politique s'étende à des sphères a priori non politiques. «Ce n’est pas un phénomène nouveau, c’est le propre du système politique camerounais. Pour mieux traquer ses opposants, le pouvoir étouffe leurs déploiements ou discrédite leurs actions», explique l’analyste politique.
«Yaoundé veut réprimer tout adversaire à même de le concurrencer aux yeux des masses. Les autorités sont conscientes du pouvoir du don dans la séduction politique, ce moyen étant celui qui leur a toujours permis de corrompre la population électorale. On redoute alors que d’autres ne capitalisent sur un tel usage du don. Voilà pourquoi toute initiative à vocation humanitaire venant de l’opposition sonne dans la carte mentale du pouvoir camerounais comme une menace politique à maîtriser à tout prix», poursuit le politologue.
Depuis la présidentielle de 2018, remportée par Paul Biya selon les chiffres officiels qui sont contestés par le MRC, Maurice Kamto et ses alliés s’étaient illustrés bruyamment par une série de marches dans le pays. À la suite de manifestations qualifiées de «démarches insurrectionnelles» par les autorités, des centaines de partisans et sympathisants du MRC ont été emprisonnés, parmi lesquels son propre leader. De nombreux militants ayant participé à ces marches demeurent encore en détention dans les prisons du Cameroun.
*Organisation terroriste interdite en Russie
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