Violences sur les policiers au Cameroun: «C’est la mise à mort symbolique de l’État»

© AFP 2023 MARCO LONGARILes forces de police camerounaises, image d'illustration
Les forces de police camerounaises, image d'illustration - Sputnik Afrique, 1920, 10.09.2021
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Ces derniers jours au Cameroun ont été marqués par de nombreux cas de violences à l’encontre des forces de l’ordre. De nombreuses vidéos présentant des altercations entre ces dernières et des civils ont envahi la Toile. Le sujet suscite des interrogations et de nombreuses voix s’élèvent pour dénoncer ces attaques contre les symboles de l’État.
Au Cameroun, de quoi la violence contre les forces de l'ordre est-elle le nom? Un policier frappé par un civil, déshabillé ou littéralement traîné au sol par un automobiliste, pareils faits divers alimentent de plus en plus les fils d’actualité sur les réseaux sociaux camerounais. L’un des cas les plus récents, une jeune policière de la circulation agressée par un chauffeur de taxi qui refusait de respecter ses injonctions, le dimanche 5 septembre.
Après son forfait, laissant l’agent de la circulation couverte de boue, l'homme a voulu prendre la fuite avant d’être rattrapé par d’autresautomobilistes et conduit dans un commissariat de la place.
Fin août dernier, une vidéo abondamment partagée sur les réseaux sociaux montrait une violente altercation entre un policier et un automobiliste dans le quartier Bessengue de Douala. Le refus du chauffeur de continuer d’attendre dans la file aurait été l’élément déclencheur de cette dispute. Les deux hommes vont finalement se donner en spectacle dans un combat digne d’un film d’action.
Début août à Yaoundé, un autre policier qui dirigeait la circulation a failli passer de vie à trépas en raison du refus d'obtempérer d'un chauffeur. Au lieu d'obéir à l'injonction de l'homme en uniforme, cet usager de la route a plutôt choisi de foncer sur le fonctionnaire, manquant de peu de l'écraser. Le chauffard sera arrêté quelques jours plus tard.

«Incivisme» et «crise de légitimité»

Depuis peu, dans le pays de nombreuses autres vidéos montrant des éléments des forces de l'ordre pris à partie par des citoyens fleurissent sur les réseaux sociaux et suscitent de nombreux commentaires et interrogations. Beaucoup mettent en avant le fait que ces incidents sont singuliers, vu que les violences, dérapages et autres abus sont d'habitude imputés aux forces chargées du maintien de l'ordre.
Claude Abé, professeur de sociologie politique et directeur de l’Institut de recherches socio-anthropologiques (IRSA), pointe certes «l'incivisme» de ceux qui s'attaquent aux symboles de l'État. Il voit néanmoins dans ces incidents à répétition l’expression d’une rupture de confiance, à mettre sur le compte des comportements qui n’honorent pas toujours les hommes en uniforme.
Pour le sociologue, il y a «une crise de légitimité de ces autorités, de ces symboles de l'autorité et une crise de légitimité qui est reliée à un usage ou à des messages de la force dont elles sont détentrices».
«Au Cameroun, les policiers et les gendarmes et mêmes parfois les militaires, se sont rendus coupables d'un certain nombre de comportements totalement en déphasage avec l'idée de protection des populations. Cela a créé une crise de confiance entre ces symboles de l’État et les populations», relève-t-il.

«La loi de la jungle n'a pas encore sa place au Cameroun»

Il est dès lors urgent d’agir pour éviter de basculer dans «l’état de nature» et le déclin de l’État, seul détenteur de la violence légitime. Pour Claude Abé, «seule une police plus professionnelle permettrait de restaurer l’autorité de l’État dont elle est le symbole».
«Cela va restaurer la confiance, le respect, et la légitimité de leur travail auprès des populations. Les citoyens ont également besoin d'un réarmement moral en matière de civisme et de respect de l'autorité et des symboles de l’État, car ces faits de violences trahissent bien la mise à mort symbolique de l'État. Si on le tue symboliquement, on rentre dans l’État de nature où personne n'est protégé», conclut-il.
Des policiers français, image d'illustration  - Sputnik Afrique, 1920, 06.09.2021
Les policiers de nouveau menacés de mort par des tags, cette fois-ci dans les Yvelines
Dans une déclaration à la presse ce 10 septembre, Paul Atanga Nji, ministre de l’Administration territoriale, faisant le constant de ces nombreuses dérives contre la police camerounaise, a mis en garde leurs auteurs en appelant les gouverneurs des régions à prendre des mesures fortes face à «ces comportements irresponsables et désobligeants».
«En cas de mésentente entre un usager et un fonctionnaire de police, l’usager devrait s’adresser à la hiérarchie de la Police, pour se plaindre. Et lorsque les récriminations contre un fonctionnaire de police sont avérées, seule la hiérarchie de la Police est habilitée à prendre des sanctions contre l’agent incriminé selon le statut du corps et les textes en vigueur. Il est donc clair qu’un citoyen ou un usager, quel que soit son rang social, n’a pas le droit d’exercer des violences contre un agent de police dans l’exercice de ses fonctions. La loi de la jungle n’a pas de place au Cameroun», a rappelé Paul Atanga Nji.
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