Médiation arabe entre le Maroc et l’Algérie: le Koweït est-il un intermédiaire crédible?

© AFP 2023 FAROUK BATICHEDrapeaux de l'Algérie et du Maroc
Drapeaux de l'Algérie et du Maroc - Sputnik Afrique, 1920, 13.09.2021
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D’abord l’Arabie saoudite, puis le Koweït. Les deux pays du Golfe ont tenté sans succès d’assurer une médiation entre l’Algérie et le Maroc. Des difficultés qui illustrent la profondeur de la rupture entre les frères ennemis. Analyse.
Réunis au Caire, les ministres des Affaires étrangères arabes ont échoué à calmer Rabat et Alger. Toujours extrêmement remontée contre son voisin marocain, l’Algérie a catégoriquement refusé une médiation koweïtienne.  
«La décision de rompre les relations diplomatiques ne fera pas l’objet d’une discussion ou d’une délibération [en conseil des ministres]. C’est une décision souveraine, définitive et irréversible», a indiqué Ramtane Lamamra, le chef de la diplomatie algérienne.
Depuis la rupture des relations diplomatiques entre Alger et Rabat, le 24 août, sur fond de soutien d’un diplomate marocain au Mouvement pour l'autonomie de la Kabylie (MAK), les tentatives arabes se heurtent à un mur.

«Trop tôt» pour la médiation

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Souvent qualifiés de «frères ennemis», les deux pays accumulent les griefs depuis leurs indépendances respectives. Au cœur de la discorde, le refus algérien de reconnaître la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental, mais surtout son soutien au mouvement indépendantiste du Front Polisario. Avec la récente rupture des relations diplomatiques, observateurs et acteurs politiques redoutent une escalade. Au niveau régional sur le théâtre du Sahara occidental d’une part, mais aussi dans l’arène géopolitique internationale.   

«Rabat joue un jeu dangereux, car cela pourrait fracturer géopolitiquement le Maghreb. Dans le cas où les tensions augmenteraient, on pourrait voir une fracture se créer entre le Maroc et les États-Unis d’un côté, et l’Algérie, la Russie et la Chine de l’autre», expliquait Yahia Zoubir, professeur en relations internationales, au micro de Sputnik.
Plusieurs acteurs régionaux tentent désormais de calmer le jeu. Traditionnel médiateur dans les conflits qui opposent les pays arabes, l’Arabie saoudite s’était portée volontaire pour tenter une initiative de médiation entre Alger et Rabat au mois d’août. Le ministre des Affaires étrangères saoudien, Faisal bin Farhan, avait alors révélé sur les réseaux sociaux avoir eu, le même jour, des entretiens téléphoniques avec ses homologues algérien et marocain, respectivement Ramtane Lamamra et Nasser Bourita.   
Abdelaziz Rahabi, diplomate et ancien ministre algérien, expliquait à Tout sur l’Algérie (TSA) qu’il «était encore trop tôt pour la médiation». Quelques semaines plus tard, lors d’une conférence de presse tenue au Caire jeudi 9 septembre, avec le secrétaire général de la Ligue arabe, le ministre des Affaires étrangères du Koweït, Ahmad Nasser al-Mohammad al-Sabah, a indiqué, sans citer l’Algérie et le Maroc, que «des États arabes œuvreront à renforcer l’entente arabe».
«Le sommet de début janvier dernier a mis fin à la crise du Golfe [entre le Qatar d’un côté et d’autres États du Golfe et l’Égypte de l’autre, ndlr]. Il règne depuis un nouvel esprit pour la réconciliation entre les frères. Le Koweït et d’autres États arabes rempliront leur rôle pour consolider l’entente arabe», a-t-il ajouté.
Concernant Riyad, au-delà des considérations chronologiques, Yahia Zoubir, spécialiste de la géopolitique du Maghreb, précise au micro de Sputnik que l’Arabie saoudite n’est pas considérée par l’Algérie comme un candidat neutre dans cette médiation.     
«Je ne pense pas que cette médiation puisse venir de Riyad, étant donné les relations de cette puissance régionale avec Israël», explique-t-il.
En effet, l’un des griefs algériens vis-à-vis du Maroc est son rapprochement avec Israël, considéré comme une menace par l’état-major et la diplomatie algérienne. À Casablanca le 12 août, Yaïr Lapid, ministre israélien des Affaires étrangères, avait exprimé ses inquiétudes «au sujet du rôle joué par l’Algérie dans la région, son rapprochement avec l’Iran et la campagne qu’elle a menée contre l’admission d’Israël en tant que membre observateur de l’Union africaine» (UA). En réponse, le chef de la diplomatie algérienne avait fustigé le 23 août «des accusations insensées et des menaces à peine voilées.»

Le Koweït, candidat crédible à la médiation?   

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À la différence de plusieurs de ses voisins, l’Arabie saoudite n’a pas normalisé ses relations avec Israël. Cependant, plusieurs événements récents attestent une forme de rapprochement. Les dirigeants des deux pays s’étaient rencontrés au mois de novembre 2020 à Neom en Arabie saoudite, dans le cadre de l’élan de réchauffement des relations d’Israël avec plusieurs pays arabes. Un positionnement régional qui, pour Alger, discrédite l’Arabie saoudite en tant qu’intermédiaire entre les deux adversaires maghrébins.  

Pourtant, Riyad peut se targuer d’un passé en tant que conciliateur entre l’Algérie et le Maroc. La médiation du roi Fahd d'Arabie saoudite durant cinq années avait permis en mai 1988 de rétablir les relations rompues en 1976 entre Rabat et Alger.
«Le Koweït est un candidat plus crédible à cette médiation», estime le professeur de géopolitique.   
Fort de son expérience dans la médiation dans la sorte de guerre froide qui opposait l’Arabie saoudite et le Qatar, l’émirat du Koweït estime sa position neutre et crédible entre les deux acteurs. Pour le Koweït, assurer cette médiation conforterait son rôle de pacificateur au sein du monde arabe, après avoir permis la reprise des relations diplomatiques entre Doha et ses voisins. Notre interlocuteur juge toutefois qu’il est encore «trop tôt» pour que le Koweït puisse mener à bien cette mission. Avant cela, deux obstacles majeurs se dressent toujours entre ces deux pays, du point de vue algérien.

MAK et Israël

D’une part, Alger attend du Maroc que le royaume clarifie sa position sur les propos tenus par l'ambassadeur du Maroc auprès de l'ONU, en soutien aux autonomistes kabyles. Rabat n’a toujours pas précisé si ces termes engageaient la responsabilité d’une personne ou d’un État. En l’absence de réponse, «aucune reprise des relations ou des discussions n’est envisageable», affirme Yahia Zoubir.       
D’autre part, notre interlocuteur explique qu’Alger attend également une clarification marocaine sur les propos tenus sur son sol par le chef de la diplomatie juive, Yaïr Lapid, à l’égard de l’Algérie.      
Deux griefs sur lesquels le Maroc n’a pas pris publiquement position. Or aucun élément de notoriété publique n’indique que la situation puisse évoluer dans un avenir proche. Les deux pays ne partageront pas de sitôt le lait et les dattes, comme ils l’avaient fait lors de la réouverture de la frontière entre les deux pays en 1988.
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