Bamako accuse Paris de le laisser tomber: "cet esprit de dépendance n’est pas bon"

© AFP 2023 MICHELE CATTANIEntraînement de soldats des pays issus du G5-Sahel
Entraînement de soldats des pays issus du G5-Sahel - Sputnik Afrique, 1920, 29.09.2021
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Le chef du gouvernement malien a accusé la France d’abandonner son pays, alors que Paris réorganise l’opération Barkhane. Une accusation infondée, répond au micro de Sputnik Moussa Mara, ex-Premier ministre malien.
Paris fulmine. Alors qu’un 52e militaire français a perdu la vie en opération au Sahel le 24 septembre, l’actuel Premier ministre malien, Choguel Maïga, a accusé la France depuis la tribune de l’Onu d’un "abandon en plein vol". En cause: la reconfiguration de l’opération Barkhane au sein de la force européenne Takuba.
"C’est beaucoup d’hypocrisie, c’est beaucoup de mauvaise foi, beaucoup d’indécence", a riposté Florence Parly, ministre des Armées.
Florence Parly - Sputnik Afrique
Florence Parly
Ministre des Armées
Cette dernière a ainsi accusé le pouvoir malien de "s’essuyer les pieds sur le sang des soldats français." "La transformation de notre dispositif militaire au Sahel ne constitue ni un départ du Mali ni une décision unilatérale, et il est faux d’affirmer le contraire", a déclaré de son côté la porte-parole du ministre des Affaires étrangères.

"L’évolution de la menace nécessite le changement de posture de Barkhane"

Au micro de Sputnik, Moussa Mara, ancien Premier ministre malien, estime qu’il n’est pas question d’"abandon en plein vol". Ce glissement serait en réalité dans l’ordre des choses:
"C’est la marche à suivre. En 2014, j’avais demandé la reconfiguration de Barkhane avant que la décision ne soit prise et avant qu’elle ne soit même évoquée entre dirigeants au sommet de Pau, en janvier 2020."
Cette réunion de travail entre Emmanuel Macron et ses homologues du G5 Sahel (Burkina Faso, Mali, Mauritanie, Niger et Tchad) avait posé les bases d’une prise en main par ces acteurs régionaux de la lutte contre les groupes djihadistes dans la zone sahélo-saharienne. L’ex-dirigeant malien estime ainsi que "l’évolution de la menace nécessite le changement de posture de Barkhane."
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Les armées locales peinent toutefois à assurer la sécurité régionale face aux groupes terroristes. Ceux-ci se fondent dans la population et profitent du relief dans une zone d’action aride et grande comme dix fois la France.

"La France devrait être en retrait sur le dossier malien et sahélien"

Malgré la montée en puissance espérée des armées locales, la présence de la force européenne Takuba, la MINUSMA de l’Onu et les 5.100 soldats de Barkhane, la menace s’est largement diffusée dans la région depuis l’intervention française de 2013. Le rayon d’action des groupes djihadistes dans la zone s’est considérablement agrandi. Alors que les groupes armés terroristes ne frappaient que les pays de bande sahélo-saharienne, leur rayon d’action se porte désormais jusqu’au golfe de Guinée, avec des attaques de ces mêmes groupes au Bénin ou en Côte d’Ivoire. Peu importe, aux yeux de Moussa Mara, la réponse apportée doit être locale, même si toute aide est la bienvenue.
"La sécurité du Mali doit être assurée par le Mali. Les partenaires extérieurs ne peuvent être que des partenaires extérieurs et des appoints. Nous devons nous demander ce que nous pouvons faire par nos propres moyens plutôt que de toujours compter sur des partenaires extérieurs. Cet esprit de dépendance n’est pas bon, il n’est pas durable", résume l’ancien chef du gouvernement.
Selon lui, "ce schéma n’est pas suivi au Mali, car l’esprit est de dire “les autres doivent faire notre job”." Au mieux, cet effort devrait être internationalisé pour que la France ne soit pas seule, tant sur le front militaire que médiatique:
"La France devrait être en retrait sur le dossier malien et sahélien, et laisser la communauté internationale prendre le relais. Cela ferait que la France serait moins en première ligne et ça limiterait en ce sens les critiques de son action. Il faut avoir recours au multilatéralisme", suggère Moussa Mara.
Pour lui, cela dissiperait sans doute les nombreuses critiques sur la stratégie française et les procès de néocolonialisme, alors même que des soldats français continuent de donner leur vie sur un théâtre à des milliers de kilomètres de chez eux. L’actuel pouvoir, issu de la junte militaire, ne serait toutefois pas prêt à prendre ses responsabilités en ce sens.
"C’est la gouvernance de notre pays qui n’est pas au niveau. Il faut que le pouvoir actuel s’inscrive dans une dynamique de recouvrement de la souveraineté du Mali. Or, la souveraineté, ce n’est pas dépendre de X ou Y, c’est dépendre de soi-même", souligne-t-il.
Une souveraineté que ne serait pas près de recouvrer l’actuel pouvoir à Bamako. En effet, le Mali, pays au cœur du bourbier sahélien, est aujourd’hui gouverné par une junte militaire née d’un deuxième coup d’État en moins d’un an. Des élections sont prévues pour le mois de février 2022, mais pour l’heure, cette junte décide de la stratégie de défense malienne et souhaiterait continuer de dépendre de l’aide extérieure, affirme Moussa Mara. Selon des informations révélées par Reuters, Bamako serait actuellement en discussion avec la société militaire privée russe Wagner pour l’envoi d’un millier de paramilitaires.
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