OPEP du gaz: la Russie en pole position pour mettre sur pied un organisme de régulation?

© REUTERS / Leonhard FoegerLa bandera de Rusia y el logo de OPEP
La bandera de Rusia y el logo de OPEP - Sputnik Afrique, 1920, 15.10.2021
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Sur fond de crise des prix de l’énergie, l’idée d’un OPEP du gaz, régulateur des cours, refait surface. Un projet qui a de l’avenir, explique Pierre Fabiani, ex-responsable chez Total. À condition de ne pas être calqué sur son modèle pétrolier.
La semaine russe de l’énergie, forum tourné sur l’avenir de l’industrie russe des carburants et de l’énergie, les perspectives de coopération internationale et de développement dans le secteur de l’énergie, est secouée par l’explosion récente du prix des hydrocarbures. Un responsable saoudien a ainsi remis au goût du jour la proposition de créer un OPEP du gaz.
"Nous voyons déjà une hausse des prix du gaz de 500%, des prix très élevés du charbon et une augmentation des prix du GNL de 200%. Si ces marchés bénéficiaient du même niveau d’attention que celui que nous avons accordé au secteur pétrolier, comme l’OPEP+, la situation y serait incontestablement meilleure", a plaidé le prince Abdelaziz Ben Salmane, ministre saoudien de l’Énergie.
Les officiels russes ont accueilli la proposition saoudienne d’OPEP du gaz avec enthousiasme. "Il y a là une pépite rationnelle, mais il faut travailler dessus plus en détail", a réagi Alexandre Novak, vice-Premier ministre russe, ce 14 octobre. Il faut dire que lui-même avait déjà formulé cette idée en juillet 2020, alors qu’il était ministre de l’Énergie.

Marché régionalisé

L’idée est effectivement loin d’être farfelue, estime Pierre Fabiani, ancien numéro un de Total Iran. "Avoir un club avec des contraintes régulatrices concernant les prix du gaz est au moins aussi pertinent que d’avoir l’OPEP pour le pétrole", résume-t-il. Pour lui, "rien d’intrinsèquement différent, sauf l’aspect technique". Un détail qui rend toutefois les choses plus complexes:
"Il y a des contraintes qui font que le marché du gaz n’est pas aussi simple que celui du pétrole", prévient Pierre Fabiani.
Car contrairement au pétrole, le gaz liquéfié ne peut pas simplement être transporté et stocké dans des cuves. Pour le gaz, il faut impérativement que les stocks transportés ou stockés soient refroidis en permanence. Un processus extrêmement coûteux qui fait que la régulation du prix de cette énergie n’est pas comparable à la régulation du tarif de l’or noir.
Une station de compression de gaz (image d'illustration) - Sputnik Afrique, 1920, 15.10.2021
Crise du gaz 2021
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"Un tanker rempli de pétrole peut aller à une destination, finalement être racheté, puis transporté à un autre endroit, sans que cela n’engendre des coûts de conservation faramineux", rapporte notre interlocuteur. Il ne peut donc pas y avoir de "vrai trading" avec le gaz.
Ainsi le marché gazier est-il, pour ces raisons, essentiellement régionalisé. La plupart des échanges se font via gazoduc, entre voisins. De plus, nombre d’acteurs du marché militent pour ne pas réguler les prix du gaz, estimant qu’ils auraient plus à perdre qu’à y gagner.

Forum des pays exportateurs de gaz

Toutefois, rien ne semble empêcher la réflexion autour d’un OPEP du gaz, sous une nouvelle forme, avec un aspect spéculatif moindre. Et "les Russes seraient parfaitement légitimes pour monter ça. Ce sont eux qui devraient le faire", estime Pierre Fabiani.
"Quand on regarde la puissance gazière et les ressources économiques et politiques des différentes puissances gazières, la Russie semble idéalement placée", poursuit-il.
En effet, la Russie avec 37,4 milliards de m3, l’Iran avec 32 milliards de m3 et le Qatar avec 24 milliards de m3 disposent des plus importantes ressources gazières prouvées, loin devant leurs concurrents. Or, de ces trois pays, seule Moscou jouit, selon notre expert, d’une légitimité politique, géopolitique et énergétique permettant de mener ce projet d’OPEP du gaz.
D’autant qu’une structure de ce type existe déjà: le Forum des pays exportateurs de gaz, ou FPEG, fondé en 2001 à Téhéran et dont le siège est au Qatar. Son objectif est d’aider ses membres à anticiper les évolutions du marché du gaz naturel et à développer l’exploitation des ressources dans les meilleures conditions financières, économiques et environnementales.

États-Unis absents

Douze pays en font partie: l’Algérie, l’Égypte, la Guinée équatoriale, la Libye et le Nigeria pour l’Afrique. L’Iran, le Qatar, les Émirats arabes unis pour le Moyen-Orient. Le Venezuela, la Bolivie et Trinité-et-Tobago pour l’Amérique du Sud. Et la Russie pour l’Europe.
Néanmoins, cette structure semble manquer d’ambition. L’organisme assure n’avoir aucune envie de fixer de quotas de production et ne possède aucun mécanisme de contrôle efficace sur le prix du gaz à l’international.
D’ailleurs, les États-Unis, qui figurent parmi les trois premiers exportateurs de gaz au monde, ne font pas partie de cet organisme. C’est comme imaginer l’OPEP sans l’Arabie saoudite ou le Venezuela: un non-sens total.
La marche est donc haute avant d’arriver à ce qui serait l’OPEG (Organisation des pays exportateurs de gaz), mais la récente crise des hydrocarbures rappelle que le marché de cette énergie fossile ne peut rester éternellement dérégulé.
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