Vaccination des 5-11 ans: les jeunes enfants, "machines à variants"?

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Un enfant (image d'illustration) - Sputnik Afrique, 1920, 20.10.2021
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L’Agence européenne des médicaments a débuté l’examen du vaccin Pfizer pour les 5-11 ans. La vaccination des jeunes enfants serait "utile" pour eux et "nécessaire" pour stopper l’épidémie, affirme le Dr Hautemanière.
Une étape est franchie dans la politique vaccinale contre le Covid-19: l’Agence européenne des médicaments s’attèle à l’évaluation du vaccin de Pfizer pour les 5-11 ans. Début septembre, Jérôme Salomon, directeur général de la santé, avait pourtant écarté cette hypothèse. La décision risque donc de venir du régulateur européen.
De point de vue des épidémiologistes, la question de la vaccination des enfants peut s’envisager sous deux angles: quelle est l’utilité de faire vacciner les plus jeunes et que faut-il faire pour endiguer l’épidémie? Et pour Alexis Hautemanière, médecin spécialiste en santé publique et en médecine communautaire, "la réponse est quasiment la même".

Arrêter la fabrication de variants

Depuis le début de la pandémie, on observe que les enfants développent très rarement la maladie, du moins sous une forme symptomatique. Au 15 juillet selon l’INED (Institut national d’études démographiques), six enfants de zéro à neuf ans sont morts du Covid-19 depuis le début de l’épidémie, tous souffrant de comorbidités. Ainsi, la question de l’utilité individuelle est beaucoup moins flagrante que pour des sujets de plus de 65 ans ou présentant des comorbidités.
"En revanche, l’utilité collective est liée au fait que les enfants sont “porteurs sains” et, par conséquent, sont transmetteurs", rétorque Alexis Hautemanière au micro de Sputnik.
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Ces populations contribuent à transmettre le virus, l’aident à circuler, accroissant ainsi le risque de fabriquer des variants, explique le médecin en santé publique. N’en déplaise aux parents, il rappelle le mécanisme de reproduction du virus dans l’organisme des enfants sans les rendre malades. Un variant est une "erreur de réplication" du virus: "si on fait des photocopies de photocopies, vous avez au final quelque chose qui ne ressemble pas à l’original", explique-t-il.
"Ainsi, plus vous avez d’enfants qui vont acquérir la maladie et répliquer le virus, plus vous avez potentiellement de “machines à fabriquer des variants”. Et la “machine à variants” est une “machine à contamination”", détaille le médecin.
Par conséquent, pour l’intérêt individuel, la réponse sur l’utilité de la vaccination "est oui" pour Alexis Hautemanière. En plus, "scientifiquement, cela ne serait pas correct de dire le contraire", parce qu’il est probable qu’un jour, l’un des variants soit dangereux pour les enfants, ajoute-t-il. Un avis que tous les médecins ne partagent pas. "On doit rester prudent. Pour l’instant, nous n’avons pas de données", préconisait sur France Info l’infectiologue Odile Launay après l’annonce par Pfizer/BioNTech que son vaccin était "sûr" et "bien toléré" par les enfants de 5 à 11 ans.

Vaccination des enfants, remède à l’épidémie chronique?

La deuxième question qui se pose est celle de la sécurité collective: "veut-on arrêter cette épidémie?" Alexis Hautemanière rappelle que "dans l’épidémiologie pure, vous avez plein de formules mathématiques". L’une d’elles –la fameuse immunité collective– dépend du taux R0, qui caractérise l’autoréplication du virus en absence de toute mesure barrière. "À ne pas le confondre avec le R effectif, un indicateur de la dynamique de transmission du virus, que l’on obtient en mettant en place les mesures barrière", remarque notre interlocuteur.
"Le R0 du variant Delta est égal à six. C’est-à-dire qu’il faut plus de 90% de la population transmetteuse qui ait une immunité. Comme les enfants transmettent, ils ne peuvent pas être exclus des dispositifs", insiste le médecin.
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Le spécialiste en médecine communautaire précise également d’autres facteurs qui nuancent sa position: les formules mathématiques de l’épidémiologie évoluent en permanence, l’efficacité du vaccin et le taux de réponse immunitaire de la population. "Si vous mettez ces trois autres paramètres dans l’équation, on ne pourra pas atteindre l’immunité collective. Puisque l’efficacité du vaccin est tombée à 50%, notamment."
"On ne peut pas se passer de la vaccination des enfants. C’est pour cela que Pfizer a déposé une demande de vaccination. J’espère que la réponse sera positive. Et c’est pour cela que Pfizer a deux autres études en cours pour aller jusqu’aux plus jeunes âges de la vie, y compris des nourrissons", argumente Alexis Hautemanière.
Il affirme également que "la grippe espagnole a eu sept vagues. Si on ne vaccine pas suffisamment –et toute la population– vous ne vous en sortirez jamais". Et pourtant, la grippe espagnole s’est éteinte sans aucune campagne de vaccination de la population.
"Si on se prive des enfants, de tous les enfants, on ne freinera pas suffisamment la propagation du virus et on va arriver à une circulation chronique au niveau français et mondial", insiste le médecin.
Après la demande d’autorisation d’utiliser leur vaccin pour les 5–11 ans, déposée le 28 septembre dernier par les laboratoires Pfizer et BioNTech auprès de la FDA –le régulateur américain–, faut-il s’attendre à ce que cette tendance gagne l’Europe?
Elle est en tout cas déjà partagée par plusieurs pays: dès le 17 septembre, le Cambodge a commencé à vacciner les enfants dès l’âge de six ans contre le coronavirus, Israël vaccine les 5-11 ans "à risque" depuis août dernier, la Chine a déjà injecté son vaccin à des millions d’enfants entre 3 et 17 ans.
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