Covid: les Tunisiens doivent choisir, le pass ou l’emploi

© Photo Pixabay / fotoblendUne seringue pour un vaccin
Une seringue pour un vaccin  - Sputnik Afrique, 1920, 25.10.2021
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Le pass sanitaire sera imposé en Tunisie à toute personne souhaitant accéder à une administration, un établissement d’enseignement ou un espace de consommation. Une mesure qui a soulevé certaines critiques, puisque le document est obligatoire pour tous les salariés. Le défaut de présentation engendre la suspension de toute activité professionnelle.
Après le Maroc, la Tunisie est le second pays du Maghreb à imposer un pass sanitaire pour l’accès aux espaces publics. La procédure a été annoncée, vendredi 22 octobre 2021, par le décret-loi "relatif au pass vaccinal concernant le virus SARS-CoV-2". Le texte précise qu’il est attribué un pass vaccinal à chaque personne de nationalité tunisienne ou résidant en Tunisie, âgée de 18 ans et plus et ayant achevé son schéma vaccinal. Le principe est le même que dans de nombreux pays qui ont mis en œuvre cette procédure: le pass sera exigé à toute personne majeure souhaitant accéder aux espaces publics couverts. L’article 2 dresse une longue liste de lieux, notamment "les structures et sièges relevant de l’État, des collectivités locales et des instances, les établissements éducatifs et universitaires, les structures de santé publiques, les prisons, les centres de rééducation des enfants délinquants, les cafés, restaurants ainsi que les espaces réservés aux activités de loisirs et des fêtes, et à l’accueil des foires, colloques, manifestations artistiques".

Booster la vaccination

Contacté par Sputnik, le docteur Rafik Boujdaria, chef de service de médecine d'urgence à l'hôpital Abderrahmen Mami, dans la région de Tunis, estime que l’entrée en vigueur du pass vaccinal permettra "d’augmenter le nombre de personnes vaccinées et d’atteindre une immunité collective élevée qui pourrait être d’un niveau de 75%".

"Il faut dire que la situation était catastrophique, car sur les 80.000 convocations quotidiennes pour la première dose seules 11.000 personnes se présentaient, en moyenne. Ensuite pour la deuxième dose, il y avait 30% d’absents. Cela signifie que l’insouciance, l’inconscience et les positions négatives au sujet du vaccin anti-Covid sont ancrées dans la société. Avec 25.000 décès dus au Covid-19 enregistrés depuis le début de la pandémie, il était nécessaire de prendre des mesures urgentes et fermes. Même si on est libre de son corps, on n’est pas libre de contaminer les autres. Nous avons tous une responsabilité", souligne le médecin urgentiste.

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La mesure, qui était attendue depuis plusieurs semaines, a toutefois donné lieu à quelques critiques sur les réseaux sociaux.
Des voix se sont élevées contre certaines dispositions du décret-loi instituant le pass vaccinal, et notamment l’article 6: "le défaut de présentation du pass vaccinal entraîne la suspension de l’exercice de fonctions pour les personnels de l’État, des collectivités locales et des instances, entreprises et établissements publics, et le contrat de travail pour les salariés du secteur privé, et ce, jusqu’à la présentation du pass vaccinal". Parmi elles, celle de Sami Tahri, le porte-parole de l’Union générale des travailleurs tunisiens (UGTT) qui a été particulièrement critique sur sa page Facebook:

"L’article 6 de ce décret sur la vaccination, ou plutôt sur la perte d’emploi des citoyens, va nous transformer en robot ou en machine qu’il faut graisser juste pour qu’elles continuent à fonctionner. La menace de couper les moyens de subsistance à cause de la vaccination n’a pas été appliquée contre ceux qui ne paient pas les salaires [de leurs employés, ndlr] et ceux qui s’abstiennent de se soumettre à l’impôt et au devoir social".

Pourtant, le docteur Rafik Boujdaria relève que l’article 6 a fait son effet dès les premières heures de l’entrée en vigueur de cette mesure. "Les mesures prises sur le plan de l’emploi ont provoqué une affluence de nombreux Tunisiens dans les centres de vaccination. Il est évident que les gens ne veulent pas perdre leur travail", raconte-t-il en précisant que les antivax sont minoritaires dans le pays.

Aucun recours

Le journaliste politique Hichem Hajji explique à Sputnik que les dispositions contraignantes liées à l’emploi ne peuvent être modifiées et ne peuvent faire l’objet d’un recours. "Il y a certainement des personnes qui considèrent que ces mesures sont contraires au droit du travail. Mais nous sommes dans une situation exceptionnelle qui se caractérise par un gel de la majorité des lois. Le pays est actuellement régi par le Président de la République, le décret n°2021-117 du 22 septembre 2021 qui lui permet de prendre des mesures exceptionnelles. Le décret-loi relatif au pass vaccinal a pour fondement juridique ce décret présidentiel", note Hichem Hajji. Selon lui, toute procédure engagée par un employé devant un tribunal n’aura aucune chance d’aboutir, car les décrets-lois "ne sont pas susceptibles de recours en annulation".
À noter que les principales dispositions de ce décret-loi entreront en vigueur dans deux mois et le resteront pendant une période de validité de six mois.
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