Lettre ouverte à Macron: les riverains vent debout contre les salles de shoot

© SputnikÀ Stalingrad (Paris), des habitants de divers quartiers se sont rassemblés pour la manif afin de dénoncer le problème de la consommation de crack dans la ville
À Stalingrad (Paris), des habitants de divers quartiers se sont rassemblés pour la manif afin de dénoncer le problème de la consommation de crack dans la ville - Sputnik Afrique, 1920, 04.11.2021
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La gronde contre la drogue ne faiblit pas. Vingt-six collectifs et associations ainsi qu’un musée adressent une lettre ouverte à Macron. L’objectif: ramener le calme dans les quartiers et sortir les consommateurs de leur addiction.
Face à la toxicomanie qui gangrène plusieurs quartiers du nord-est de la capitale, les solutions mises en œuvre par les pouvoirs publics inquiètent les riverains. Pourtant, en juillet dernier, "un collectif d'élus, d'intellectuels, de scientifiques, et de citoyens" a déclaré ne voir qu’une solution pour éradiquer la consommation de la drogue dans la rue : ouvrir des "salles de consommation à moindre risque" (SCMR). Mais, sur le terrain, les voisins de ces salles de shoot s’opposent farouchement à une mesure plébiscitée par la Mairie de Paris et soutenue par le gouvernement. En septembre, le Premier ministre a assuré que les services de l’État soutiendraient la création de lieux dédiés à l’accueil et au repos des consommateurs de stupéfiants. À condition qu’ils proposent "un parcours de sevrage de qualité", avait toutefois précisé le chef du gouvernement.
Pour contrer ces projets, dix-sept collectifs, neuf associations et un musée en appellent au Président de la République dans une lettre ouverte:

"On veut que le Président se positionne et qu’il nous réponde. Il est pour ou contre? Macron annonce une politique contre la drogue. Mais voilà ce qui se fait lors de son mandat: la création de salles où on peut consommer et entretenir le trafic de drogues aux alentours", explique Frédéric Francelle, porte-parole du Collectif19.
Pour ce riverain, les signataires de "tribunes pro-salles de shoot" appartiennent aux "partis de gauche" qui soutiennent Anne Hidalgo. Laquelle prône une réduction des risques, mais non un combat contre l’addiction.
"On aimerait qu’ils sortent des clivages idéologiques gauche-droite et qu’ils deviennent pragmatiques. Il faut ouvrir les yeux et accepter que certaines expériences ne fonctionnent absolument pas", dénonce M. Francelle.
Depuis l’ouverture de la première SCMR cinq ans auparavant, les associations ont introduit des recours auprès des instances à tous les niveaux: la mairie, la préfecture, le ministère de l’intérieur. Pour Tarak Sassi, fondateur de Paris anti-crack, "Macron c’est le décideur ultime, il peut donner des ordres, sachant que les ministres sont de sa majorité".

Déplacé, le problème gangrène Paris

Sur les réseaux sociaux, les opposants aux SCMR n’hésitent pas à retracer l’historique des nuisances qu’ils subissent depuis 2016.
La saison estivale a été marquée par les vives tensions à Stalingrad et autour des jardins d’Éole, ainsi que par l’opposition entre la mairie de Paris et la préfecture au sujet de l’ordre sur la voie publique. Mais le froid et le déplacement des toxicomanes vers la porte de la Villette ont apporté leur lot de difficultés.
"Là-bas, ça se passe très mal. Comme au temps des jardins d’Éole. Il fait froid, avec le mauvais temps, c’est de la boue dans le parc. Il y a des seringues et des pipes à crack un peu partout dans le campement", se désole le porte-parole du Collectif19.
D’après les associations de riverains, le campement aux portes de Paris s’est étendu à l’approche de l’hiver et "les hôtels sociaux sont toujours remplis de dealers et de toxicomanes". La mort d’une jeune femme d’overdose fin octobre a rallongé la liste de victimes tenue par les associations. Ils considèrent que le moment est propice pour alerter les échelons suprêmes du pouvoir.
"Il faut que Macron fasse quelque chose sur cette situation qui ne fait qu’empirer depuis ces cinq dernières années. En particulier, sur les deux dernières années de la crise sanitaire où le nombre de toxicomanes a augmenté de 30%", insiste Tarak Sassi.
Face à l’insécurité grandissante autour du parc de la Villette, "qui infecte surtout le XIXe arrondissement", mais "touche aussi Pantin, Saint-Denis, Le Pré-Saint-Gervais", les associations demandent d’envisager d’autres solutions au problème de la drogue en milieu urbain. "Certains s’aveuglent à dire que c’est devenu mieux dans Paris, mais la ligne 12 du métro est pire que jamais et Châtelet est devenue une place forte de la toxicomanie et de la drogue", dénonce M. Sassi.

Faire front pour le recours ultime

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Dans Paris, dont "la moitié est touchée" par le problème, les associations ont décidé de faire front contre l’article 43 de la Loi de modernisation du système de santé qui met en place le concept des SCMR. Par exemple, le collectif SOSPajolGirard s’y est joint pour que "le XVIIIe, qui est trop fréquemment oublié", ne le soit plus. Parmi les signataires, on découvre aussi le Musée du chocolat, dans le Xe. Une grande première pour cet établissement qui propose aussi une programmation théâtrale!
"C’est un fait inédit que vingt-six groupement et un musée se fédèrent pour dire non au projet de multiplication d’espaces de consommation supervisés au cœur des quartiers habités. Appelés désormais HSA (Haltes soin addiction) par la majorité municipale [et le ministère de la Santé, ndlr], ces lieux n’ont jamais sorti aucune personne de l’addiction", détaille Patricia, cofondatrice du Collectif19.
Pour sortir du système de "consommation supervisé" qui attire le deal et la délinquance, "un cauchemar pour les riverains", notre interlocutrice rappelle la requête formulée, "auprès du président Macron, d’aller vers d’autres solutions". D’ailleurs, elle ne manque pas d’idées en la matière.
"Parlons des expériences durables des communautés thérapeutiques. Elles obtiennent des résultats, parce qu’elles sont éloignées des concentrations urbaines et permettent non seulement la rupture avec les lieux de consommation et de trafic, mais aussi la réinsertion sociale et professionnelle. Ce qui est capital. Mais ça, on ne nous le propose pas", conclut Patricia.
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