Général émirati président d’Interpol: "très utile" pour la lutte contre le djihadisme international

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La nomination de l’Émirati Al-Raisi, accusé de torture, à la tête d’Interpol suscite la controverse depuis plusieurs jours. À contre-courant, le général Dominique Tinquand juge que c’est plutôt une bonne nouvelle.
"Nous sommes profondément convaincus que l’élection du général Al-Raisi porterait atteinte à la mission et à la réputation d’Interpol et affecterait lourdement la capacité de l’organisation à s’acquitter efficacement de sa mission", écrivaient mi-novembre à la présidente de la Commission européenne trois députés européens. Parmi eux Marie Arena, présidente de la sous-commission des droits de l’Homme du Parlement européen.
Quelques jours plus tard, le général émirati Ahmed Naser Al-Raisi, accusé de torture, a été élu président d’Interpol. Il a obtenu la majorité des deux tiers (68,9 %) au troisième tour du vote des États membres, face à sa seule adversaire, la Tchèque Sarka Havrankova.

Nomination "bénéfique" pour Abu-Dhabi

Le choix a suscité de vives critiques de la part de nombreuses ONG comme Human Rights Watch et Gulf Centre for Human Rights. En effet, la "police criminelle" n'aura jamais aussi bien porté son nom, dirait-on.
Plus pragmatique, le général Dominique Trinquand, ancien chef de la mission militaire française auprès de l'Onu, préfère regarder le verre à moitié plein concernant cette nomination:
"Interpol est une organisation internationale qui a pour but de lutter contre le crime organisé et contre le terrorisme, qui est une expression du crime organisé. Or les Émirats arabes unis, État musulman tolérant, sont un des pays qui permettent de lutter contre le terrorisme djihadiste, en particulier parce qu’ayant une pratique de l’islam et une maîtrise de la langue arabe. Ils pourraient s’avérer très utiles dans cette lutte", avance-t-il au micro de Sputnik.
De plus, l’ancien conseiller défense d’Emmanuel Macron constate qu’à quelques exceptions près, "les critiques émanent essentiellement des ONG". Or, "si on écoutait les ONG, il n’y aurait que des Suisses à la tête des instances internationales de ce type, ce qui ne paraît pas politiquement acceptable".
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Interpol: Al-Raissi élu président malgré les critiques des groupes de défense des droits
En octobre 2020, 19 organisations non gouvernementales s'inquiétaient déjà du choix possible du général émirati, "membre d'un appareil sécuritaire qui prend systématiquement pour cible l'opposition pacifique". "Bien sûr, il ne faut pas être naïf", prévient l’ancien chef de la mission militaire française auprès de l'Onu, "chacun cherche à placer ses pions", les Émirats arabes unis en tête:
"Les Émirats sont un petit pays, puissant par sa production de pétrole, qui cherche à acquérir une place dans le concert des nations. Donc diriger une organisation internationale comme Interpol, même si ce n’est pas un poste de direction directe, c’est bénéfique."
Conscient du fait que les Émirats ne "sont pas une démocratie aux standards occidentaux", Dominique Trinquand se "félicite qu’un pays comme les Émirats cherche à se positionner sur des sujets d’intérêt commun".

Don de 50 millions d’euros

La controverse autour de cette nomination émane du fait que le général émirati est visé par plusieurs plaintes pour "torture" en France, où siège Interpol, et en Turquie, pays hôte de l’assemblée générale de l’instance qui se tient à Istanbul.
Elle serait aussi le fait des récents dons envoyés par Abou Dhabi à l’organisme. Une première enveloppe de 50 millions d’euros a été envoyée à Interpol en 2017. Une somme presque équivalente aux contributions statutaires (environ 231.000 euros annuels) des 195 pays membres de l'organisation, qui s'élevaient à 60 millions d'euros en 2020.
Ceux-ci ont remis le couvert en 2019 en donnant ou prêtant 10 millions. Soit près de 7% du budget annuel d'Interpol. "De tels financements réduisent la capacité des autres membres à influencer l'organisation", prévient Edward Lemon, enseignant à l'Université A&M du Texas et spécialiste des régimes autoritaires, cité par l’AFP.
Désigné pour quatre ans, le président d’Interpol occupe son poste à temps partiel, de façon bénévole, et conserve ses fonctions dans son pays d’origine. Ahmed Naser Al-Raisi restera donc inspecteur général du ministère de l’Intérieur des Émirats arabes unis le temps de sa présidence. Les statuts d'Interpol accordent au président un rôle avant tout honorifique. C'est l’Allemand Jürgen Stock, secrétaire général, qui assure la gestion des affaires en pratique.
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