Au Cameroun, "l’impunité" a fait exploser les violences contre les homosexuels

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Bandera arcoíris, symbole du mouvement LGBT - Sputnik Afrique, 1920, 01.12.2021
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De nombreux cas d’agressions contre la communauté LGBT ont été enregistrés cette année au Cameroun. Alors que les défenseurs des droits de l’homme pointent du doigt "l’impunité" comme cause de cette flambée des violences, Yaoundé vient de faire une sortie pour condamner ces actes rappelant tout de même que l’homosexualité est interdite dans le pays
Si les violences homophobes ne sont pas une nouveauté au Cameroun, cette année, la traque de la communauté LGBT s’est amplifiée avec des images terrifiantes, fièrement brandies sur les réseaux sociaux tel un trophée de guerre. Dans les principales villes du pays que sont Douala, Yaoundé et Bafoussam, de nombreux cas ont été enregistrés, déclenchant des réactions de la part des organisations de défense des droits de l’homme.

"S’il est vrai que les violences homophobes existent depuis bien longtemps au Cameroun, ce que nous avons vécu cette année n'est que la persistance et la récurrence d'un phénomène amplifié par l’impunité. C’est bien l’impunité qui fait exploser les violences. Car généralement les auteurs de ces actes ne sont pas inquiétés et cela peut donner l’impression que cette traque est normale",se désole Cyrille Rolande Bechon, directrice exécutive de l'ONG Nouveaux Droits de l'homme Cameroun au micro de Sputnik.

Dans l’optique de stopper la saignée, René Emmanuel Sadi, ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement, a constaté, pour le regretter, "la récurrence de ces actes […] à l’encontre de personnes soupçonnées à tort ou à raison, de pratiques homosexuelles", dans un point de presse le 26 novembre à Yaoundé.

"Que les violences décriées ici soient dirigées contre des personnes soupçonnées d’homosexualité ou non, elles constituent des voies de fait, condamnées elles aussi par la loi. Notre pays est et demeure un État de droit respectueux des droits humains, où seule la justice institutionnelle a droit de cité, pour constater les infractions et les sanctionner le cas échéant, conformément à la loi", a martelé le ministre de la Communication.

Une réaction suffisante?

Dans une récente note publiée fin novembre, Human Right Watch (HRW) relevait de nombreux cas de violences homophobes dans le pays. L’organisation signalait alors des agressions récurrentes contre la communauté LGBT "non seulement de la part des citoyens, mais aussi, et de plus en plus, par des policiers". Par exemple, entre février et avril, souligne HRW, "les forces de sécurité ont arrêté au moins 27 personnes, dont un enfant, pour comportement homosexuel consensuel présumé ou variance de genre, en passant à tabac et en soumettant certaines personnes à des examens anaux forcés alors qu’elles se trouvaient en détention".
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«Aux yeux de beaucoup de Camerounais, l'homophobie est un acte de défense patriotique»
L’un des cas les plus récents: mi-novembre à Yaoundé, une foule violente a agressé sexuellement, et roué de coups, une personne intersexe âgée de 27 ans. Les agresseurs ont filmé l’attaque, qui a duré plusieurs heures, dans deux vidéos effrayantes qui ont circulé sur les réseaux sociaux. En août, une scène similaire s’est déroulée à Douala. Le célèbre transgenre Shakiro a été violemment agressé dans les rues de la capitale économique alors qu’il venait d’être libéré après un emprisonnement pour "tentative d’homosexualité". Il était devenu l'objet de menaces et de railleries sur la Toile. Des actes de violence récurrents qui mettent en cause, selon HRW "l’absence de réaction des autorités". Jusqu’à présent dans le pays, les auteurs de ces nombreuses violences n’ont pas été inquiétés. Une attitude, dénonce Ilaria Allegrozi, la chercheuse sur l’Afrique centrale pour HRW, qui "risque d’adresser un message selon lequel de tels abus peuvent être tolérés et met en évidence l’échec du gouvernement à protéger les membres de cette communauté au Cameroun".
Cependant, dans sa récente communication, René Emmanuel Sadi a rappelé qu’"il n’appartient pas à tout un chacun de se substituer à la justice, pour punir ceux ou celles qui pourraient en être convaincus [d’homosexualité]". Le porte-parole du gouvernement a souligné pour le rappeler que "l’homosexualité, il faut le redire, demeure une orientation sexuelle réprimée par nos lois, parce que contraire à nos réalités, à nos convictions et à notre culture, ainsi qu’aux exigences de la procréation". Une sortie qui pour Cyrille Rolande Bechon, bien qu’"insuffisante", arrive à point nommé.
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Au Cameroun, la condamnation de deux transgenres au cœur d’une controverse

"Le silence du gouvernement était lourd et pesant, ce silence pouvait donner lieu à des interprétations de tous ordres. Je crois que c'est davantage dans ce sens que s'inscrit la sortie du gouvernement, surtout que les médias internationaux en ont fait largement écho. Cependant, c'est une sortie sans enjeu réel. La justice doit sévir, les auteurs de ces violences doivent répondre de leurs actes. Il s’agit de mettre un terme à l’impunité", poursuit la militante des droits de l’homme.

Au Cameroun, la pratique de l’homosexualité est incriminée depuis 1972. L'article 37-1 du Code pénal camerounais punit d'un emprisonnement de six mois à cinq ans, ainsi que d'une amende de 20.000 (36 dollars) à 200.000 FCFA (368 dollars), "toute personne qui a des rapports sexuels avec une autre de même sexe". Fin avril, Human Rights Watch (HRW) avait déjà dans un communiqué dénoncé des vagues d'arrestations visant la communauté LGBT au Cameroun, en exhortant les autorités camerounaises à abroger cet article du Code pénal camerounais.
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