Vente de Rafale: après l’humiliation du "contrat du siècle", Macron veut se rattraper dans le Golfe

© AFP 2023 THOMAS SAMSONLe président français Emmanuel Macron (à gauche) est salué par le prince héritier d'Abou Dhabi Mohammed bin Zayed al-Nahyan
Le président français Emmanuel Macron (à gauche) est salué par le prince héritier d'Abou Dhabi Mohammed bin Zayed al-Nahyan - Sputnik Afrique, 1920, 03.12.2021
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En tournée dans le Golfe, le Président Macron a obtenu aux émirats la signature d’un contrat de 17 milliards d’euros pour 80 rafales et 12 hélicoptères. Une manière de faire oublier la perte du "contrat du siècle", estime le chercheur Riadh Sidaoui.
"Le Président Macron a été profondément humilié par les Anglais, les Australiens et les Américains lorsqu’ils ont annoncé l’annulation du ‘contrat du siècle’, d’une valeur de 56 milliards d’euros. Ça a été un coup dur pour l’industrie militaire, la diplomatie française, et surtout pour le Président", explique à Sputnik le chercheur Riadh Sidaoui.
Le chef de l’État chercherait donc à se racheter, estime le directeur du Centre arabe de recherches et d’analyses politiques et sociales (Caraps). Et quoi de mieux qu’une tournée chez les meilleurs clients d’armes françaises pour faire oublier la terrible déroute du "contrat du siècle"?
C’est dans ce contexte qu’Emmanuel Macron entame ce 3 décembre une tournée diplomatique qui le mènera aux Émirats arabes unis, au Qatar et finalement en Arabie saoudite où il y rencontrera le prince héritier Mohamed Ben Salmane (MBS), paria du monde occidental depuis l’assassinat du journaliste Jamal Khasshogi.
Le Président français peut déjà se féliciter de la vente de 80 avions Rafale et 12 hélicoptères Caracal pour un pactole de 17 milliards d’euros. "Une très bonne nouvelle pour la France", se réjouit-on du côté du ministère des Armées. Celui-ci prévoit la création de milliers d’emplois puisque 90% du Rafale est fabriqué sur le sol français.

17 milliards d’euros de contrats

L’objectif affiché de la tournée: obtenir de juteux contrats certes, mais aussi discuter de "la lutte contre le terrorisme, l’islamisme radical et leur financement" car "coopérer avec ces États, en particulier contre Daech*, est essentiel pour garantir la sécurité des Français et Européens", selon l’Élysée.
Cette question de la lutte contre l’islamisme reste toutefois secondaire, estime notre interlocuteur. D’ailleurs, ses homologues du Golfe ne sont pas tout blancs sur ce sujet. Bien qu’ils affichent tous publiquement une opposition frontale à l’islamisme, le Qatar est le parrain international des Frères musulmans*, et le wahhabisme, courant de pensée ultra-rigoriste, est toujours bien présent au sein de l’Arabie saoudite et de ses élites. Seuls les Émirats constituent un partenaire sérieux dans cette lutte contre l’islamisme. Depuis 2011, Abou Dhabi combat en son sein et à l’étranger l’islam politique des Frères musulmans* promu par son voisin et rival qatari.
Un Rafale - Sputnik Afrique, 1920, 03.12.2021
"La France nous fait honte": la gauche fustige la vente record de Rafale aux Émirats
Le cœur de cette visite éclair est donc "le pognon", tance Riadh Sidaoui. Et pour l’heure, l’objectif initial semble atteint: treize ans après la première évocation de l’achat de Rafale par les Émirats arabes unis, le contrat vient finalement d’être signé par Emmanuel Macron et le prince héritier Mohammed ben Zayed (dit MBZ), ce 3 décembre.
Un bol d’air pour le chef d’État, à quelques mois d’une élection présidentielle décisive:
"À la veille de l’élection présidentielle française, Macron est dans une très mauvaise position sur le plan international. Il veut se racheter et montrer qu’il rapporte de gros contrats et sauve l’industrie militaire française. Il a réussi pour le moment avec les Émirats", constate le directeur du Caraps.
Emmanuel Macron peut remercier son homologue et ami émirati. Les deux hommes sont en effet très proches: "Il est évident qu’il existe une proximité entre lP président de la République et MBZ", reconnaît-on à l’Élysée.

Droits de l’homme mis entre parenthèses?

Ce voyage pourrait toutefois avoir un contrecoup politique pour le Président français. De nombreuses voix, les ONG en tête, n’ont pas fait l’économie de lourdes critiques concernant cette tournée. "La France ne devrait pas participer à la réhabilitation d’un prince tueur", a dénoncé dans les colonnes du Monde Agnès Callamard, secrétaire générale d’Amnesty International, en référence à sa rencontre avec MBS.
"Nous vivons donc à une époque dans laquelle on peut faire découper un journaliste à la scie et rester un interlocuteur valable", a regretté de son côté l’éditorialiste géopolitique de France Inter, Pierre Haski.
Si la plupart des critiques sont dirigées contre la rencontre entre Emmanuel Macron et son homologue saoudien, les autres ne sont pas en reste. Les deux émirats qatari et émirati font également l’objet d’accusations concernant leurs manquements aux droits humains. Doha en particulier, alors que dans quelques mois se tiendra la controversée Coupe du monde au Qatar.
Reste à savoir si la relégation au second plan des droits de l’homme au profit d’un pragmatisme géopolitique et commercial rapportera plus de points politiquement au Président-candidat.
*Organisation terroriste interdite en Russie
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