Au Maroc, le chef du parti islamiste tente "un retour messianique"

© AFP 2023 FADEL SENNAAbdellah Benkirane
Abdellah Benkirane  - Sputnik Afrique, 1920, 08.12.2021
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De retour à la tête du parti islamiste, Abdellah Benkirane a tenu sa première réunion en tant que nouveau secrétaire général. Fidèle à ses positions, il revient une nouvelle fois en "sauveur". Algérie, valeurs islamiques, élections… détails d’une sortie retentissante.
C’est à l’occasion de la première réunion avec le Comité national du parti, tenue samedi 4 décembre, que le secrétaire général du Parti de la justice et du développement (PJD) Abdellah Benkirane a fait son come-back. Une sortie médiatique qui aura eu, au moins, le mérite d’avoir marqué les esprits des Marocains, mais aussi de leurs voisins.
Dès cette première conférence de presse en tant que "nouveau" secrétaire général du PJD, (poste qu’il occupait également de 2008 à 2016), Abdellah Benkirane n’a pas manqué de commenter les tensions croissantes entre les deux voisins d’Afrique du Nord. Pointant du doigt "le harcèlement" de l’Algérie à l’égard du Maroc "depuis 1974", l’homme politique a dénoncé un régime qui selon lui "consacre l’argent du pétrole pour causer du tort au Maroc". En s’assurant de mentionner qu’aucun problème n’existe entre les peuples des deux pays, "les Algériens aiment les Marocains et c'est pour cela que le régime a fermé les frontières", il a appelé au calme et prié le gouvernement algérien de revenir à "la raison".
"Je vous conseille de revenir à la sagesse et à Dieu [...]. Si guerre il y a, nous sommes avec notre pays et notre roi [...] et vous ne gagnerez pas la guerre".
Des déclarations qui ont aussitôt trouvé écho chez les voisins, dont certains sites d’informationont dénoncé des idées "provocatrices", voire un "dérapage", de l’homme politique qui "parle de guerre".
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Commentant la sortie d’Abdellah Benkirane pour Sputnik, le professeur en science politique Ali Lahrichi estime qu’il n’y a rien de nouveau sous le soleil, pour ces propos qui ont pourtant agité la Toile iciet ailleurs: "C’est un discours plutôt normal, qui s’inscrit dans le consensus général national par rapport à l’intégrité territoriale du pays et l’affaire du Sahara [...] il s’aligne sur la position de l’État".
Le politologue relève néanmoins une certaine "dichotomie" dans les propos du personnage qui a également mentionné les relations du Maroc avec Israël. En admettant que ces dernières ne datent pas d’aujourd’hui, il a ajouté qu’il ne compte "ni les cautionner ni s’y opposer" […]. En effet, alors qu’il disait craindre quelques jours auparavant "l’intrusion de l’entité sioniste", il a affirmé ce week-end: "nous allons toujours défendre notre pays".

Ferme attachement du parti au référentiel islamique

Lors de son discours, celui qui avait gelé son adhésion au PJD pour contester la légalisation du cannabis a mis fin au suspense d’un éventuel assouplissement de la ligne politique du parti. Il a affirmé qu’il restera fidèle à lui-même et à sa ligne idéologique. Et c’est même en plaidant pour le respect des valeurs islamiques qu’il compte mettre fin à cette mort cérébrale dans lequel le parti est plongé depuis le 8 septembre 2021, date à laquelle il a essuyé une cinglante défaite face au parti "libéral" du Rassemblement national des indépendants (RNI), mené par l’homme d’affaires Aziz Akhannouch.
Fermement attaché au référentiel islamique, le "nouveau" secrétaire général ne compte pas se défaire de ce principe de sitôt.
"Nous resterons attachés à notre idéologie modérée et à notre patriotisme. Certains disent que nous exagérons dans notre adhésion au référentiel islamique. Mais nous continuerons sur cette même voie", a-t-il affirmé lors de sa sortie. De quoi satisfaire davantage ses plus fidèles alliés auxquels il s’adresse.
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Dans la foulée, le chef du parti évoque même plusieurs sujets sensibles comme celui de la communauté LGBT, qu’il refuse de "traiter comme en Europe".
"Allons-nous accepter l’homosexualité et, ainsi, clamer ouvertement cette turpitude de désobéissance divine? [...] Mais tout renouveau qui permettrait de changer d’attitude envers les homosexuels, à l’instar de ce qui se fait en Europe, n’arrivera jamais".
Même son de cloche au sujet des libertés individuelles, notamment les relations hors mariages consenties qu’il considère, au même titre que l’homosexualité, comme des cas spéciaux ne pouvant faire objet d’une "loi d’ordre général".
Pour le professeur Ali Lahrichi, "le PJD est sorti très diminué, [Benkirane] pense donc faire un retour messianique pour sauver le parti, ou du moins ce qu’il en reste". Mais sur les 1.600.000 voix obtenues en 2016, combien étaient réellement affiliées au référent religieux du parti? se demande-t-il.
"À l’époque, les votants pensaient plutôt aux symboliques des valeurs, la morale, parfois même sous l’influence d’un discours populiste. Mais en 2021, l’électeur marocain est rationnel. Il a choisi un projet", dit-il, perplexe à l’idée que le parti réussisse son pari.
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Le chef du parti est bien revenu, quant à lui, pour la première fois de façon officielle, sur la défaite du PJD lors des dernières élections. Avec à sa tête l’ex-chef du gouvernement Saad-Eddine El Othmani, le parti islamiste n’avait rallié que quelques 320.000 électeurs. C’est cet échec qui a conduit à la démission d’El Othmani du parti et au retour d’Abdellah Benkirane qui semble vouloir regarder l’avenir avec sérénité pour relever le défi de restaurer la confiance des citoyens dans son parti.
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