La Russie souhaite soutenir les pays du Sahel mais "la France joue à écarter ses concurrents"

© AP Photo / Sunday AlambaUn soldat burkinabé
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Le chef de la diplomatie russe a annoncé au sortir d’un entretien avec son homologue tchadien que Moscou continuera à soutenir le G5 Sahel dans la lutte contre le terrorisme, en fournissant des armes et en formant des soldats. Une démarche vue d’un mauvais œil par Paris qui considère "la région comme sa zone d’influence".
Moscou est déterminé à accompagner les pays du Sahel dans leur lutte contre le terrorisme. Au cours d’une conférence de presse tenue à Moscou le 7 décembre, entre Cherif Mahamat Zene, le ministre tchadien des Affaires étrangères, - dont le déplacement visait à examiner les questions liées aux relations russo-tchadiennes, - et le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, celui-ci a déclaré que Moscou continuera de soutenir le groupe du G5 Sahel (Mali, Burkina Faso, Niger, Tchad et Mauritanie) en fournissant des armes, des équipements et une formation de Casques bleus.
"Dans ce combat contre la grande criminalité et le terrorisme dans cette région, la Russie apporte son expertise et sa technologie. Mais elle peut aussi constituer un obstacle au déploiement des agendas cachés de ses concurrents ou adversaires ", souligne d'emblée pour Sputnik joseph Vincent Ntuda Ebode, directeur du Centre de recherches d’études politiques et stratégiques de l’Université de Yaoundé II.
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Et pour cause, "la Russie est un acteur important sur la scène mondiale et se déploie comme les autres acteurs, des fois à leurs côtés et dans le même sens, des fois dans un sens opposé ", commente l’analyste.
C'est le cas au "Sahel, une zone ouverte au propre comme au figuré, où transitent bon nombre d’acteurs transnationaux de la criminalité organisée. C’est aussi une zone ouverte à l’affrontement entre différents Etats depuis la déstabilisation de la Libye " poursuit le spécialiste camerounais en relevant dans la région "une lutte d’influence entre la Russie et les pays occidentaux, notamment la France."

Sentiment anti-français

Dans le Sahel, où la plupart des pays sont réputés relever du pré carré de la France, l’opération française Barkhane est déployée depuis 2014 pour lutter contre les groupes armés djihadistes. Or cette opération fait face à une hostilité de plus en plus visible, illustrée rien que ces derniers jours au Burkina Faso puis au Niger par la mobilisation populaire contre le passage d’un convoi militaire en route pour le Mali.
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Face à cela, Paris voit d’un très mauvais œil une implication dans la région de Moscou, qu'il n'hésite pas à charger et rendre coupable de ses déboires sahéliens, confondantdans la foulée Étatrusse et entreprises de sécurité privée comme Wagner. Pour Joseph Vincent Ntuda Ebode même si "la France seule ne pourrait mettre fin à l'insécurité dans une région aussi grande que le Sahel, ouverte à tous les trafics",Paris "considère cette région comme sa zone d’influence et donc joue à écarter les éventuels concurrents",
Ainsi, le Mali voit sa relation, autrefois privilégiée avec son partenaire historique français, se dégrader à mesure notamment qu'il renforce sa coopération avec la Russie. Un pays qui "a toujours été avec nous chaque fois que le Mali a été dans des situations difficiles depuis notre indépendance", a récemment déclaré le ministre malien des Affaires étrangères, Abdoulaye Diop.
La tension s'est exacerbée entre Bamako et Paris qui a accusé la Russie de vouloir déployer au Mali une société de sécurité privée "Wagner". Bien que l'information ait été finalement démentie, la France continue de suspecter "une intention" des autorités maliennes de faire venir le groupe Wagner.
Pour leur part, Bamako et Moscouont justifié le renforcement de leur coopération militaire par le retrait des troupes françaises dans le nord du Mali, ayant favorisé le risque terroriste.
Dans une récente sortie, à la suite de l’attaque terroriste du 3 décembre ayant fait une trentaine de morts au Mali, le chef de la diplomatie russe a affirmé que son pays va continuer d’aider le Mali dans sa lutte contre le terrorisme et contribuera encore à améliorer l’efficacité au combat de son armée.

"La solution est donc dans la collaboration entre différents acteurs ayant, en plus d’une volonté politique affichée, une expertise avérée et une technologie appropriée aux côtés des acteurs africains eux-mêmes, à qui appartient le dernier mot, puisque qu’il s’agit bien de l'Afrique ", martèle le directeur du Séminaire de géopolitique "l'Afrique de la Défense" à l’École internationale de guerre de Yaoundé.

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Une vision respectant les souverainetés nationales des pays concernés, et à ce titre populaire au sein des opinions publiques africaines, et qui entre en résonnance avec le discours officiel russe. Dans sa récente sortie aux côtés de son homologue tchadien, Lavrov a en effet insisté sur le fait que "les pays africains doivent trouver des moyens de résoudre eux-mêmes leurs problèmes et que la communauté internationale doit leur fournir un soutien par l'intermédiaire du Conseil de sécurité de l'ONU et d'autres agences".
Créé en février 2014 pour maintenir la sécurité dans la partie ouest de la région du Sahel et coordonner la lutte contre le terrorisme international, le groupe G5 Sahel devrait être un des instruments privilégiés de cette vision.
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