Cours d'Anti-néolibéralisme
Avec l’aide de l’économiste Omar Aktouf, professeur titulaire à HEC Montréal et membre du conseil scientifique d’ATTAC Québec, Sputnik entame une série d’émissions dans le but d’expliquer les fondements de ce néolibéralisme qui génèrent les crises répétitives.

Critique du néolibéralisme: Pourquoi les leaders sont-ils considérés comme "des surhumains?"

© Sputnik . Par Omar AktoufLe professeur Omar Aktouf
Le professeur Omar Aktouf - Sputnik Afrique, 1920, 14.12.2021
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Pourquoi les néolibéraux détestent-ils viscéralement l’État? Au nom de quoi les écoles d’économie et de gestion attribuent-elles des qualités quasi surhumaines aux dirigeants d’entreprises? Dans ce 27e cours d’"Anti-néolibéralisme", le professeur Omar Aktouf explique les origines historiques de ces questions, leur niant toute origine scientifique.
Dans le sillage du développement des entreprises modernes suite à la Révolution industrielle du XIXe siècle, notamment aux États-Unis, sont apparues toute une myriade de théories de la motivation et du leadership. Les écoles d’économie et de gestion à l’américaine, telles qu’elles sont aujourd’hui, enseignent des techniques et des procédures dans le seul et unique but de répondre à la question "how to make money (comment faire de l’argent)". Dans les enseignements dispensés, on n’y trouve guère les questions qui renvoient au sens de ce qui est accompli, à savoir le pourquoi des choses.
Dans ce 27e cours d’"Anti-néolibéralisme", Omar Aktouf, professeur titulaire à HEC Montréal et membre du conseil scientifique d’ATTAC Québec, affirme auprès de Sputnik que "la formation des leaders ou des chefs d’entreprises ne doit en aucun cas évacuer les questions liées au sens au profit de quelques techniques, aussi sophistiquées soient-elles".
Dans le même sens, il explique "les faits historiques ayant présidé à l’apparition, exclusivement aux États-Unis, des théories du leadership enseignées dans les écoles de commerce". Il indique également "d’où vient +le concept+ dans l’économie et la gestion du refus de l’intervention ou d’un rôle important de l’État dans les affaires économiques".

Les leaders sont-ils "surhumains?"

Les écoles de business, souligne le professeur Aktouf, "font comprendre à leurs étudiants que lorsqu’on est propriétaire, haut dirigeant, riche, même par simple hérédité, c’est parce qu’on est leader, désigné de fait et de droit, quasiment divin, par la providence pour décider, détenir pouvoir absolu et privilèges exclusifs, diriger, en toute souveraineté, son entreprise et la guider tout le temps vers plus de prospérité".
Pour Omar Aktouf, "loin d’être les émanations de théories économiques ou managériales, scientifiquement élaborées, aussi bien les attributs des leaders que la détestation du rôle de l’État ne sont que la continuation de faits historiques érigés en idéologie apparus dans l’Angleterre du XIVe siècle"
En effet, selon lui, "l’histoire du Royaume-Uni, faite de terribles guerres, de sang et de cruautés, a fait que le pouvoir central de Londres n’avait jamais été reconnu ni légitimé, ce qui engendrera des révoltes sans cesse renouvelées contre ce dernier". Ainsi, afin doter les souverains britanniques d’une dimension transcendantale, dont ils étaient dépourvus, pour rendre le pouvoir absolu acceptable auprès des sujets, les juristes des rois anglais ont doté les souverains d’un second corps +divin+ immortel et se transmettant par filiation. Ceci avait mis les rois au-dessus de la condition humaine, les rapprochant des Dieux, et ainsi légitimant, à la fois leur détention de pouvoir absolu et la capacité de le transmettre par hérédité".

L’immigration vers les USA

Étant donné que l’entreprise industrielle est née en Angleterre avec l’apparition de la manufacture puis de la Révolution industrielle, avant de se développer et élaborer ses doctrines et théories aux États-Unis, le concept de leadership a été inventé par la nouvelle aristocratie de propriété privée et d’argent, ayant fui l’Angleterre vers le Nouveau Monde, qui voulait s’y constituer et se doter de pouvoirs absolus et de privilèges comme l’ancienne noblesse anglaise, disposant de raison transcendantale pour exercer le pouvoir".
Enfin, l’interlocuteur de Sputnik indique que "tout comme le roi anglais c’est, en sa personne même, que le leader possède sa dimension transcendantale. On lui a attribué des caractéristiques de personnalité au-dessus du commun: charisme, don de la parole et de la persuasion, flair, vision, courage, prise de risque, intuition, intelligence aiguisée, sens des affaires, sens des opportunités, capacités de commandement et de mobilisation des autres. La détestation viscérale de l’État trouve également son origine dans les conflits ayant opposé la noblesse anglaise au pourvoir central de Londres, et non pas d’une quelconque théorie économique aussi mathématisée soit-elle".
"Le matraquage +scientifique+ des idéologues du néolibéralisme américain, les psychologues et sociologues du +leadership+, imprimant des tonnes de livres et d’articles conférant légitimité et héroïsme aux sublimes créateurs de richesses, d’emplois que sont les riches, doit impérativement cesser", conclut-il, affirmant que "les écoles de gestion sont malheureusement devenues des bras armés au service du néolibéralisme".
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