Achat de F35: les Émirats arabes unis s’impatientent et le font savoir à Washington

Un chasseur F-35 - Sputnik Afrique, 1920, 16.12.2021
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Les Émirats arabes unis suspendent les pourparlers sur les F-35 américains. Une manière de titiller Washington dans un dossier qui stagne, explique le géopolitologue Gérard Vespierre.
Abou Dhabi ne se laisse pas faire. Un responsable émirati a annoncé mardi avoir informé les États-Unis de l'arrêt des discussions sur l'achat de cinquante chasseurs furtifs F-35 et dix-huit drones Reaper. Le tout pour un montant total estimé à 23 milliards de dollars.

La coopération sino-émiratie dérange Washington

Le motif de l'abandon de l'accord, selon une source proche du dossier, serait de préserver la souveraineté d'Abou Dhabi. Celle-ci serait entravée par les conditions que les États-Unis tentent d'imposer à l’acheteur et ce pour protéger l'équipement qu’ils vendent, en particulier le F-35 furtif de cinquième génération. En fait, c’est l’ombre de la Chine qui plane derrière le dossier.
F-35 - Sputnik Afrique, 1920, 15.12.2021
Les USA prêts à avancer sur la vente de F-35 aux ­Émirats
Les Américains s'opposent au contrat passé par les EAU avec le fournisseur chinois de 5G Huawei. Ils craignent que le réseau chinois ne compromette technologiquement le F-35. Ils s'inquiètent également de ce qu'ils pensent être une installation militaire chinoise construite dans un port des EAU. Les États-Unis se demandent si Abou Dhabi peut protéger les technologies militaires américaines tout en travaillant aussi étroitement avec la Chine, rapporte le Wall Street Journal. Washington souhaite également s’assurer qu’Israël garde un avantage compétitif avec ses F-35, avant d’en livrer aux Émirats.
"Les Émiratis veulent reprendre l’initiative de la décision. C’est de la négociation pour avoir le meilleur “deal” possible, le plus rapidement possible", estime Gérard Vespierre, chercheur associé à la Fondation d’études pour le Moyen-Orient (FEMO).
La stratégie des Émirats semble fonctionner. La réponse américaine ne s’est guère fait attendre.
"Nous avons voulu nous assurer que notre engagement envers l'avantage militaire d'Israël est assuré, nous avons aussi voulu nous assurer que nous pourrions faire un examen approfondi de toutes les technologies qui sont vendues ou transférées à d'autres partenaires dans la région, y compris aux Émirats", a déclaré le secrétaire d'État américain Antony Blinken. Et d’ajouter précipitamment que les États-Unis sont "néanmoins prêts à aller de l'avant si les Émirats décident de poursuivre ces projets".

Rafale vs F-35?

La suspension des négociations intervient quelques semaines seulement après la signature d'un accord de 19 milliards de dollars entre Abou Dhabi et Paris portant sur quatre-vingts avions de combat Dassault Rafale. Le timing a-t-il été voulu? C’est ce que soupçonne en tout cas le portail américain Breaking Defense qui donne la parole à une source US proche du dossier.
Abou Dhabi voudrait ainsi faire monter la pression, en menaçant les parts de marché américaines sur le juteux marché des armes émiraties. Washington a toutefois de la marge avant que sa domination y soit compromise. Entre 2000 et 2019, les Émirats ont importé 55,7% de leurs armes des États-Unis, selon les chiffres de Statistas. Sur la même période, seule la France parvient à concurrencer le mastodonte américain avec 25,8% des importations.
Conférence de presse conjointe d'Emmanuel Macron et Mohamed Ben Salmane - Sputnik Afrique, 1920, 17.03.2021
Vente de F-35 et d’armes de précision: la France pourra-t-elle doubler les Américains dans le Golfe persique?
Ces parts de marché américaines pourraient-elles diminuer? Un responsable du ministère émirati de la Défense a assuré à Reuters que l'achat des Rafale venait en complément de celui des F-35. En effet, les appareils français viennent essentiellement remplacer une flotte vieillissante de Mirage 2000.
Néanmoins, l’émirat du golfe Persique commence à perdre patience. Cela fait désormais plus d’un an que l’Administration Trump a donné son feu vert pour la vente de ces F-35. En contrepartie, les EAU avaient normalisés leurs relations avec Israël au mois d’août 2020. Un accord qu’a balayé d’un revers de main l’équipe Biden. Sur fond de commerce émirati avec la Chine et en raison de l’implication d’Abou Dhabi dans la guerre au Yémen, elle a suspendu la livraison des chasseurs US aux Émirats.
Une situation inconfortable pour Abou Dhabi, qui tente d’accélérer la vente des F-35. Des appareils que l’Émirat attend depuis fort longtemps, affirme Gérard Vespierre. Mais jusqu’à quand patientera Abou Dhabi avant d’aller voir si l’herbe n’est pas plus verte ailleurs?
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