Algérie: le système politique convoqué à la barre durant le procès d’un opposant

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Le drapeau de l'Algérie - Sputnik Afrique, 1920, 28.12.2021
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Le procès de Fethi Ghares, porte-parole du Mouvement démocratique et social (MDS), a fini par se dérouler en présentiel après deux tentatives de la justice de le tenir par vidéoconférence. Le procureur a requis trois ans de prison ferme contre l’homme politique qui a réussi à transformer l’audience en tribunal contre le système algérien.
Le porte-parole du Mouvement démocratique et social (MDS), héritier du Parti communiste algérien (PCA), a été présenté, dimanche 26 décembre 2021, devant la section correctionnelle du tribunal de Bab El Oued à Alger. Fethi Ghares, 48 ans, avait refusé d’assister aux deux audiences via vidéoconférence programmées les 6 et 12 décembre par cette juridiction. Il est poursuivi pour "publications ayant pour but de porter atteinte à l’unité nationale", "publications ayant pour but de porter atteinte à l’intérêt national", "publications ayant pour but de porter atteinte à l’ordre public", "incitation à la haine", "outrage à corps constitué" et "atteinte à la personne du Président de la République". L’essentiel de ces chefs d’inculpation ont été retenus contre lui suite à une intervention qu’il a eue lors de la conférence de presse animée par les avocats du journaliste Rabah Karèche le 28 juin 2021 au siège du MDS. Fethi Ghares avait alors critiqué ouvertement les responsables politiques et militaires algériens, notamment le Président Abdelmadjid Tebboune et le chef d’état-major, le général Saïd Chengriha.
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Ghares aux commandes

Le porte-parole du MDS était défendu par une vingtaine d’avocats, tous membres du collectif des défenseurs du Hirak, le mouvement de contestation citoyen. L’épouse de Fethi Ghares, Messaouda Cheballah, était dans la salle aux côtés de militants du MDS venus de toutes les régions du pays ainsi que de Louisa Hanoune, la secrétaire générale du Parti des travailleurs, et de quelques journalistes. La police a cependant refusé l’accès à plusieurs personnes en mettant en avant les mesures anti-Covid. L’audience, qui a débuté à 11 heures, a très vite été quasiment dirigée par le prévenu. L’avocate Halima Benabderrahmane explique à Sputnik avoir assisté à un véritable "procès politique". Un procès contre le système politique.
"En se présentant face au juge, Fethi Ghares a dit qu’il dirige un parti politique agréé et que c’est en tant que tel qu’il est dans ce tribunal. Il a expliqué au magistrat que le MDS active toujours dans la plus totale légalité et qu’il continue d’avoir la même ligne politique. Le magistrat lui a reproché d’avoir évoqué l’affaire des 1.000 milliards de dollars dépensés durant les mandats d’Abdelaziz Bouteflika. Fethi a indiqué que ce chiffre avait été annoncé publiquement par l’ancien Premier ministre Ahmed Ouyahia, qui est en prison pour corruption. Il a rappelé que le Président Tebboune a désigné le clan Bouteflika et ses ministres de +îssaba+ (gang) et il s’est engagé à rapatrier les fonds publics transférés illégalement vers l’étranger. Ghares a ajouté que deux années après son arrivée au pouvoir, personne n’a vu un dollar de cet argent et que le peuple ne sait toujours pas où sont ces fonds", rapporte Me Halima Benabderrahmane.
Outre ses propos lors de la conférence de presse du 28 juin, le juge lui a également reproché d’avoir dénoncé sur sa page Facebook les conditions de détention d’un militant du Hirak. Fethi a répondu, selon son avocate, qu’il s’était basé sur le témoignage d’une avocate et que maintenant qu’il est en prison il subit lui aussi les conditions de vie dans les prisons algériennes qui sont inhumaines.
"Fethi a dit qu’il avait tout vu durant son parcours, et qu’il ne lui manquait que la prison. Maintenant, il a pu constater que le milieu carcéral est dans un état catastrophique. Cette vérité a gêné le magistrat", note l’avocate. Fethi Ghares a également répété que le mandat d’Abdelmadjid Tebboune n’est que le "prolongement" du système d’Abdelaziz Bouteflika et que ce "système est criminel".
Durant les plaidoiries, l’avocat Heboul Abdallah a soulevé des vices de procédures dans le dossier du porte-parole du MDS, notamment le recours par le juge d’instruction d’un article du code pénal abrogé depuis plusieurs années par le législateur. Des avocats ont préféré ne pas plaider suite à la prestation de Fethi Ghares face au juge. "C’est une personnalité qui maîtrise parfaitement les sujets politiques. Même les policiers présents étaient captivés par son discours", a assuré Me Halima Benabderrahmane. L’audience s’est achevée vers 18h30 par l’intervention du procureur de la République qui a requis trois années de prison ferme ainsi qu’une amende de 100.000 dinars (635 euros). Le verdict sera rendu dimanche 9 janvier.
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