Le virage à gauche des élites américaines, une future chance pour la Palestine?

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LGBT Palestine - Sputnik Afrique, 1920, 07.01.2022
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Les artistes soutiennent la Palestine. Dans le sillage de la pensée progressiste américaine, Israël passe au crible de la critique. Cette nouvelle tendance s’inscrit dans la durée et commence à influencer petit à petit le parti démocrate. Analyse.
Le conflit israélo-palestinien serait-il la nouvelle ivresse du showbizz anglo-saxon? Féministe, défenseur des droits des minorités sexuelles, Emma Watson, actrice britannique célèbre pour avoir incarné Hermione dans la saga Harry Potter, s’est trouvé un énième combat: celui de la Palestine. Elle a partagé sur son compte Instagram une photo d’un rassemblement propalestinien avec le slogan "La solidarité est un verbe". En légende, elle a repris une citation de l’activiste anglo-australienne Sara Ahmed: "La solidarité ne suppose pas que nos luttes sont les mêmes, que notre douleur est la même ou que notre espoir concerne un même avenir."
Rien de tel pour provoquer l’ire de la classe politique israélienne. Gilad Erdan, ambassadeur d’Israël auprès de l’Onu, a critiqué les propos de l’actrice sur Twitter: "La fiction peut fonctionner dans Harry Potter, mais pas dans la réalité". "Dans le cas contraire, la magie utilisée dans le monde des sorciers pourrait éliminer les maux que représentent le Hamas (qui opprime les femmes et cherche l’anéantissement d’Israël) et l’AP (qui soutient le terrorisme). Je serais pour!", a-t-il ajouté. Même son de cloche pour l’ancien ambassadeur israélien à l’Onu, Danny Danon, mais avec un brin d’humour. "10 points pour Gryffondor pour antisémitisme", a-t-il tweeté.

Pas de glaces Ben & Jerry’s dans les territoires occupés

Ce vent de solidarité envers la cause palestinienne touche également des artistes australiens. Une vingtaine de comédiens a récemment décidé de boycotter le festival de Sydney en signe de protestation contre le financement d’un spectacle de danse par l’ambassade d’Israël en Australie. Ainsi, la solidarité avec la Palestine est-elle loin de s’essouffler. "Il y a une nouvelle tendance qui s’inscrit dans le temps long", estime Sylvain Cypel, ancien rédacteur en chef au Monde et spécialiste de la question israélienne.
"Aujourd’hui, on constate quelque chose qui était presque invisible jusqu’à peu. La pensée progressiste américaine sur les campus au travers de l’idéologie Woke ou encore Black Lives Matter est sensible à la Palestine, qui représente le dernier cas colonial. Cette montée en puissance de ce mouvement est à mettre en opposition avec la politique de Trump", souligne-t-il au micro de Sputnik.
"Il y a une forme de légitimation de la critique d’Israël", ajoute-t-il. Et pour cause, même les organisations américaines commencent à pointer du doigt les exactions israéliennes. C’est notamment le cas Human Rights Watch, qui a publié le 27 avril un rapport intitulé "un seuil franchi", dans lequel elle accuse les autorités de l’État hébreu de commettre des "crimes d’apartheid" et de "persécutions" à l’encontre des Palestiniens vivant dans les territoires occupés. "Les langues se délient parce que les gens s’informent", estime l’auteur de L’État d’Israël contre les Juifs(Éd. La Découverte).
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Certaines entreprises américaines se sont également lancées dans ce soutien à la Palestine. C’est notamment le cas du fabricant de glaces Ben & Jerry’s, qui refuse catégoriquement de poursuivre ses activités dans les territoires palestiniens occupés. Par ailleurs, deux employés de confession juive ont fait pression sur Google pour que la compagnie annule un contrat de 1,2 milliard de dollars avec Israël.

"Palestinian lives matter"

Outre la société civile américaine, fait rare dans l’histoire des États-Unis, plusieurs voix politiques se sont récemment élevées pour dénoncer la politique israélienne. Au sein de l’aile progressiste du parti démocrate, vingt-cinq élus ont fermement condamné la politique de l’État hébreu. Ils demandent la suspension de l’aide américaine à leur principal allié de la région.
Ainsi, lors du dernier affrontement entre le Hamas et Tsahal en mai dernier, Bernie Sanders, sénateur Démocrate du Vermont, avait-il écrit "Palestinian lives matter". Figures de proue de la lutte pour les droits des Palestiniens, Rashida Tlaib, élue du Michigan d’origine palestinienne, Ilhan Omar, élue du même État et réfugiée somalienne, ou encore Alexandria Ocasio-Cortez, élue de New York, font partie de cette nouvelle génération de Démocrates qui n’hésitent plus à s’engager pour cette cause. "Ça ne représente que 10%, mais c’est la première fois que ça arrive", fait remarquer Sylvain Cypel. On remarque "un début de distanciation au sein du parti démocrate".
Un soutien à la Palestine qui met Joe Biden dans l’embarras.
"Malgré son positionnement en faveur d’Israël, il doit tenir compte de l’aile gauche de son électorat. Pour preuve, il s’est rendu à Détroit, pôle de la diaspora palestinienne aux États-Unis. C’est évidemment politique, mais ça veut dire que les lignes commencent à bouger en interne", indique le spécialiste de la question israélienne.
Et c’est peu dire, Washington a exprimé sa vive opposition au projet d’Israël de construire des milliers de logements dans les colonies de Cisjordanie. Mardi 26 octobre, Ned Price, porte-parole de la diplomatie américaine, a jugé cette perspective "totalement contraire aux efforts pour faire baisser les tensions et garantir le calme, et [cela, ndlr] nuit aux perspectives de solution à deux États".

Israël, État d’apartheid? Oui, pour 1/4 des juifs US

Le positionnement de certains Démocrates a même failli faire capoter un contrat militaire avec Israël. Alors que le Congrès s’apprêtait à voter une enveloppe d’un milliard de dollars pour qu’Israël puisse refaire le plein de missiles d’interception, un groupe d’élus favorable à la cause palestinienne a paralysé les débats… pendant quarante-huit heures. Mais ce qui est encore plus surprenant, c’est le changement de posture de la part de la communauté juive américaine elle-même.
"Ce n’est pas uniquement le militantisme de quelques gauchistes dans les facs, le soutien à Israël est débattu au sein même de la communauté juive. Un sondage de juillet dernier révèle qu’un quart des juifs américains considèrent qu’Israël est un “État d’apartheid”. C’est ça le véritable changement", souligne Sylvain Cypel.
"La question palestinienne s’impose petit à petit dans le débat", ajoute-t-il. Mais pour l’instant, les États-Unis, Démocrates et Républicains confondus, restent favorables à Israël. Pour preuve, Tel-Aviv a signé un accord avec Washington pour acheter 12 hélicoptères Lockheed Martin-Sikorsky CH-53K et deux avions de ravitaillement Boeing KC-46, pour un montant de 3,1 milliards de dollars, a annoncé le 31 décembre le ministère israélien de la Défense. Mais pour Sylvain Cypel, le changement ne fait que commencer.
"Les germes sont en train d’être posés pour un changement à venir", conclut-il.
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