Militaires au pouvoir: le Burkina Faso pourrait-il emboîter le pas au Mali et à la Guinée?

© AP Photo / Theo RenautUn militaire burkinabé, image d'illustration
Un militaire burkinabé, image d'illustration - Sputnik Afrique, 1920, 12.01.2022
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Une tentative présumée de coup d’État a été déjouée au Burkina Faso, où huit militaires ont été interpellés. Dans un contexte ouest-africain marqué par les récentes prises de pouvoir de militaires, cet événement interroge inévitablement.
Que se passe-t-il réellement au Burkina Faso? C’est la question que continuent de se poser les habitants, malgré l’annonce du parquet militaire.
En effet, le parquet militaire a diffusé sur les réseaux sociaux, dans l’après-midi du 11 janvier, un communiqué annonçant l’interpellation de huit militaires qui feraient partie d’un groupe qui "projetait de déstabiliser les institutions de la République". Ces arrestations, précise le communiqué, ont été possibles à la suite d'une "dénonciation d'un membre de la bande", le 8 janvier.
Selon des médias locaux, parmi les militaires interpellés figure le lieutenant-colonel Emmanuel Zoungrana, chef de corps du 12e régiment d’infanterie commando. Ce dernier officiait également en tant que commandant du secteur ouest du groupement des forces de sécurisation du nord du pays. Contactée par Sputnik, une source sécuritaire confirme l’arrestation de cet officier, qui serait une pièce maîtresse du coup en préparation.
C’est là une affaire qui évoque inévitablement l’interpellation fin décembre 2017 du colonel Denise Auguste Barry, ancien ministre de la Sécurité dans le gouvernement de transition au Burkina Faso, pour "tentative de déstabilisation". Et qui au passage interroge sur l’atmosphère au sein des forces armées.

"Il faut être honnête et réaliste, notre pays est dans une situation délicate. Il y a effectivement du tumulte au sein de la troupe, c’est un fait, du reste compréhensible. Mais ce qui nous préoccupe, c’est que le malaise se fait manifestement grandissant à mesure que nous comptons des morts dans nos rangs. Les événements d’Inata ont, notamment, particulièrement marqué les esprits. Et dans le même temps, les paroles de nos autorités semblent de moins en moins trouver d’écho. C’est là une situation qu’il convient de rectifier au plus vite par tous les moyens possibles, avant que l’irréparable ne se produise. Et les moyens, il y en a toujours quand on veut bien", confie la source sécuritaire.

Si les révélations du parquet militaire sont venues éclairer les Burkinabè, un point d’ombre subsiste. En effet, ceux-ci, privés de la moindre explication, se demandent toujours si la coupure d’Internet mobile observée depuis l’après-midi du 10 janvier est liée aux évènements en cours. Brièvement rétablie dans la matinée du 11, la connexion connaît depuis des perturbations. L’accès aux réseaux sociaux, notamment Facebook et WhatsApp, était encore restreint au matin du 12 janvier, et les utilisateurs passent par des VPN pour faciliter la navigation.
Cela dit, ce n’est pas la première fois qu’une telle situation se produit. En novembre dernier déjà, le gouvernement avait interrompu pendant huit la connexion Internet, avançant "des raisons de défense et de sécurité" qui ont peu convaincu l’opinion.

Comprendre la tentation militaire au Burkina et dans la région

L’Afrique de l’Ouest connaît ses dernières des années des bouleversements sociopolitiques et sécuritaires majeurs. Au Mali, en août 2020, puis en Guinée, en septembre 2021, les militaires ont pris le pouvoir, avec plus ou moins d’assentiment des populations. Et selon des observateurs, le Burkina Faso qui fait face à la plus grave crise sécuritaire de son Histoire pourrait lui aussi être aspiré par cette spirale ayant déjà englouti ses deux voisins.
Interrogé par Sputnik, Sylvain Nguessan, analyste politique et sécurité, directeur de l’Institut de stratégies d’Abidjan, explique que pour comprendre les bouleversements en cours et cette tentation militaire en particulier, il faut se pencher sur l’Histoire des États ouest-africains, qui évoluerait par vagues.

"Dans les années 1990, c’était la période du multipartisme avec la crise économique qui datait des programmes d’ajustement structurel. Les pays recherchaient alors des technocrates -ce fut notamment le cas d’Alassane Ouattara en Côte d’Ivoire- qui ont fait la finance internationale et qui paraissaient comme des interlocuteurs crédibles pour la communauté internationale, pour diriger leur gouvernement. Ceux-ci ont finalement montré leurs limites. À partir des années 2000, des hommes politiques purs -comme Laurent Gbagbo et Mahamadou Issoufou- sont arrivés au pouvoir. Et depuis 2018, avec l’expansion massive des terroristes, les peuples sont plus ou moins tentés par l’idée de voir des sécurocrates les diriger", analyse-t-il, concluant que "l’imaginaire collectif tend à penser que les civils ne viendront pas à bout du terrorisme."

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