Installés depuis 10 ans en Turquie, les réfugiés syriens et arabes sont de plus en plus rejetés

© AP Photo / IHA via APLa frontière entre la Turquie et la Grèce à Edirne
La frontière entre la Turquie et la Grèce à Edirne - Sputnik Afrique, 1920, 18.01.2022
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Le sentiment de rejet de la population turque à l’égard des réfugiés arabes croît de plus en plus, selon France 24. Une situation qui serait due en partie à la dégradation de la situation économique du pays.
Plus de 10 ans après le début de la crise syrienne, laquelle a conduit au déplacement de millions de réfugiés vers la Turquie, les actes et discours anti-arabes se multiplient dans le pays, selon un reportage diffusé le 17 janvier sur France 24. Ils réclament un retour de ces populations dans leurs pays d’origine, jugeant que les conflits y sont terminés.
"La guerre psychologique c’est encore pire que la vraie guerre", lance un réfugié irakien auprès de la chaîne. "Au travail ils nous regardent comme si on était des privilégiés, des gens très riches, comme si on leur volait leur boulot. Ils nous reprochent tout", témoigne-t-il.
À Bolu, où s’est tourné le reportage de France 24, le premier parti d’opposition en Turquie, le Parti républicain du peuple (CHP), a tenté d’imposer un couvre-feu et de majorer les factures d’eau et d’électricité pour les étrangers, mais a suspendu ces mesures jugées trop controversées. "70% des étrangers à Bolu sont irakiens, y a-t-il une guerre en Irak?", a interrogé le maire de la ville à la télévision turque, réclamant le départ de ces réfugiés.

Ressentiment

Depuis 2011, la Turquie propose non seulement d’héberger les réfugiés, mais aussi de leur octroyer un statut leur donnant accès gratuitement aux hôpitaux ainsi qu’au marché du travail afin de les intégrer dans la société. Mais les récentes difficultés économiques de la Turquie, pays qui a enregistré une inflation de 36% l’année dernière, semblent accentuer un sentiment de rejet anti-migrants.
Un signe de ce sentiment de réfugiés "privilégiés" s’est notamment manifesté en octobre dernier avec l’histoire des vidéos de réfugiés syriens mangeant des bananes, un produit que tous les Turcs ne peuvent s’offrir. Plusieurs Syriens avaient été arrêtés après avoir diffusé un tel contenu sur les réseaux sociaux.
En août dernier, le décès d’un citoyen turc lors d’une bagarre contre des réfugiés syriens près d’Ankara avait mené à de multiples attaques contre la population arabe, détruisant des voitures et des magasins. Une partie de la population turque craignait également un afflux de migrants afghans fuyant leur pays tout juste repris par les talibans*. Durant cette période, un sondage national avait évalué à 70% la proportion de Turcs qui réclament le renvoi des Syriens chez eux.
Le 10 janvier, un jeune réfugié syrien a été tué de plusieurs coups de couteau à Istanbul, poussant les militants pour les droits des réfugiés à alerter sur le sentiment de haine à leur égard qui se développe en Turquie, rapporte Al Jazeera. La veille, dans la banlieue de la ville, un centre commercial réputé pour abriter commerces et clientèle syriens avait été attaqué.

Politique d’accueil

Pour rappel, l’Union européenne et Ankara ont signé en 2016 un accord visant à limiter le flux migratoire, en particulier de réfugiés syriens, vers l’Europe, moyennant une aide financière européenne. Selon un rapport du 4 janvier de l’ONG Refugees Association, la Turquie accueille quelque 3,7 millions de Syriens.
En juin dernier, Bruxelles a annoncé une aide de trois milliards d’euros à la Turquie, dont 325 millions ont été débloqués en décembre, lui permettant d’offrir une aide à ces personnes. À plusieurs reprises, le pays a menacé l’Europe d’ouvrir ses portes pour faire déferler les arrivées de migrants sur le continent.
Comme l’explique Fabrice Leggeri, le patron de Frontex, l'agence européenne en charge de sécuriser les frontières extérieures de l'UE, "la Turquie utilise l'arme migratoire pour des motivations financières, pour discuter des rallonges budgétaires. Pour elle, c'est une question à 6 milliards d'euros, à l'échelle de millions de réfugiés, donc la menace est prise au sérieux".
*Organisation sous sanctions de l'Onu pour activités terroristes
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