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EDF, le nouveau "quoi qu'il en coûte" de Macron à l'approche de la Présidentielle

© AFP 2023 GUILLAUME SOUVANT / AFPEmmanuel Macron, ministre de l'économie, à la centrale nucléaire de Civaux, 17 mars 2016.
Emmanuel Macron, ministre de l'économie, à la centrale nucléaire de Civaux, 17 mars 2016. - Sputnik Afrique, 1920, 19.01.2022
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Augmentation de l’Arenh, rachat des ex-activités nucléaires d’Alstom. Pour redorer son image en fin de mandat, l’exécutif multiplie les exigences auprès d’EDF. Derrière les caisses du groupe public, se trouve pourtant le portefeuille du contribuable.
Contenir la hausse de la facture d’électricité des Français en 2022, tel est le nouveau "quoi qu’il en coûte" de l’exécutif. À moins de cent jours des Présidentielles, le ministère de l’Économie et des Finances a annoncé une nouvelle mesure afin de limiter à 4% la hausse des prix de l’énergie pour les ménages.
En plus de la diminution de 90% de la taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité (TICFE) jusqu’à la fin de l’année, soit la ristourne maximale tolérée par Bruxelles, le gouvernement a décidé d’appeler EDF à la rescousse en rehaussant le plafond de l’Arenh (pour "accès régulé à l’électricité nucléaire historique"). En 2022, l’entreprise publique devra augmenter de 20 Térawattheures (TWh) le volume d’électricité qu’elle vend à ses concurrents.
Autrement dit, l’énergéticien devra augmenter de 20% les 100TWh qu’il brade déjà aux revendeurs privés. Le but de la manœuvre est d’inciter ces derniers à moins se fournir sur les marchés, où les prix se sont envolés ces derniers mois (+400% rien qu’entre juin et décembre). L’État entend ainsi inciter la quarantaine d’entreprises de ce secteur à épargner leurs clients français tout en leur garantissant une marge bénéficiaire. Une garantie prise sur le dos d’EDF, chargé de voler au secours des Français qui ne sont pas ses clients.

"Un abus de biens sociaux"

En effet, à l’heure où le mégawattheure flirte avec les 250 euros sur les bourses européennes, ce diktat du gouvernement va coûter très cher à l’entreprise. Et pas uniquement en termes de manque à gagner. En effet, il s’agit d’une "décision a posteriori" comme l’expliquait sur le plateau de BFMTV Nicolas Goldberg. "EDF a déjà vendu" ce supplément de 20 TWh d’électricité que le gouvernement lui demande de brader, "ils vont devoir le racheter sur les marchés qui sont extrêmement haut pour le revendre à 46 €", poursuit ce senior manager énergie de Colombus Consulting.
Autant dire que ce n’est pas le fait d’avoir obtenu de la Commission européenne le droit de rehausser le tarif ultra-préférentiel de revente à 46,2 € pour chaque mégawattheure additionnel (contre 42 € pour le reste) qui va permettre à EDF de s’y retrouver financièrement. Au-delà du risque que Bruxelles puisse exiger des contreparties en échange de cette revalorisation, EDF estime entre 7,7 et 8,4 milliards d’euros l’ardoise de la manœuvre exigée par l’Élysée.
Un effort clairement malvenu au moment où la dette du groupe public culmine à 42 milliards d’euros. Sans surprise, le lendemain de cette annonce gouvernementale, le cours en bourse d’EDF s’effondrait de 20% au cours de la seule journée du 14 janvier. Une perte de valeur de cinq milliards d’euros.

"Vous n’avez pas le droit de faire cela! L’actionnaire majoritaire ne peut pas prendre des décisions dans son intérêt contre l’intérêt des minoritaires", fulmine à notre micro un industriel. "Cette décision du gouvernement a fait infléchir le cours de bourse, il spolie donc de fait l’ensemble des actionnaires", poursuit-il.

"Il s’agit ni plus ni moins que d’un abus de biens sociaux", accuse le chef d’entreprise, qui a souhaité conserver l’anonymat. Ce connaisseur du marché de l’énergie… et des arcanes du pouvoir met en avant que "l’intérêt électoral" de l’actionnaire majoritaire derrière cette mesure ne coïncide en rien avec l’activité de l’entreprise. Selon lui, les autres actionnaires d’EDF doivent se rebiffer contre l’État (qui détient plus de 83% du capital de l’énergéticien).
Il souhaite au mieux que les investisseurs portent l’affaire en justice, à minima qu’ils demandent des comptes à Jean-Bernard Lévy, PDG du groupe. À ses yeux, ce dernier ne donne pas l’impression de défendre les intérêts de sa société. Une entreprise publique qui, in fine, ne fait qu’une avec le portefeuille des Français dès lorsqu’il s’agit de pertes financières.
Pour l’heure, le patron d’EDF fait profil bas, s’étant contenté de dénoncer un "véritable choc" dans un message interne destiné aux "managers" de l’entreprise. Bien loin d’être satisfaisant aux yeux de notre intervenant.

Quand l’État plombe les comptes d’EDF

Porter le dossier devant les tribunaux? Pas dit que la procédure n’aboutisse avant le scrutin. Il reviendrait donc à la future majorité d’assumer un éventuel revers juridique.
L’industriel évoque le cas d’école des sociétés d’autoroute. En 2014, Ségolène Royal avait annoncé le gel des tarifs des autoroutes. Cette mesure, paraphée par Emmanuel Macron, censée "rendre aux automobilistes un peu de justice et d’équité tarifaire" s’est soldée par des surcoûts aux péages entre 2019 et 2023 et une extension des concessions autoroutières afin de rattraper le manque à gagner pour les sociétés d’autoroutes. Une opération sur le moment bénéfique pour l’image du gouvernement… beaucoup moins pour les finances des automobilistes. Dans le cas présent, Bruno Le Maire a bien insisté sur le fait que le groupe public ne recevrait aucune compensation via un rattrapage sur les prix.
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En somme, tout semble être une question de timing, d’autant plus que les demandes de l’Élysée à EDF en cette veille d’élections ne se cantonnent pas à limiter l’impact de la hausse des prix de l’énergie sur les ménages, pendant que les prix flambent de 800% pour les entreprises qui, elles, ne votent pas.
Autre dossier sur lequel le sommet de l’exécutif entend capitaliser grâce aux caisses d’EDF: Alstom, véritable caillou dans la chaussure d’Emmanuel Macron qui entend se forger pour les élections une image de sauveur de l’industrie française. Le Palais a donc "tordu le bras" au groupe public pour qu’il accepte de racheter à l’américain General Electric les anciennes activités nucléaires d’Alstom… que lui avait cédé en 2014 le même Emmanuel Macron. Coût de cette seule mesure: 1,1 milliard d’euros.

Les syndicats contre une "spoliation" d’EDF

Autant dire que les entreprises publiques semblent faire office de variables d’ajustement pour l’exécutif. Pire pour l’énergéticien, ces coups de pouce au gouvernement pourraient bien le mener à sa perte. De longue date, la Commission européenne réclame l’éclatement d’EDF et la privatisation de ses activités rentables (réforme Hercule). Un souhait de Bruxelles que, jusqu’à présent, la Macronie peine à assouvir.
Toutefois, une aggravation de ses résultats, plombés par les directives de l’Élysée, pourrait permettre au gouvernement de justifier la réforme. Une telle situation ne serait pas sans rappeler la réforme ferroviaire. En pointant du doigt la dette de la SNCF et le statut des cheminots, le gouvernement avait acté en 2018 la privatisation du rail… tout en laissant son entretien à la charge du contribuable. Il s’agissait déjà de répondre aux exigences de Bruxelles en matière de "libéralisation du marché du transport des passagers".
Face à celle du marché de l’énergie, toujours en cours, les syndicats du groupe public appellent aujourd’hui à la grève. Ces derniers accusent le gouvernement d’"organiser la destruction d’EDF" à travers cette "spoliation" que constitue la hausse de l’Arenh.
Reste à savoir combien de temps les effets de celle-ci se font ressentir. En effet, absolument rien ne garantit que les cours de l’électricité –dopés par l’envolée de ceux du gaz– seront retombés d’ici la fin de l’année. Quelle marge de manœuvre restera-t-il alors en 2023 aux autorités françaises pour continuer à contenir la flambée des prix pour les particuliers?
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