Ehpad: "ce n’est plus de la maltraitance institutionnelle, mais gouvernementale"

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Mains d'une personne âgée (image d'illustration) - Sputnik Afrique, 1920, 26.01.2022
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Les révélations explosives du livre "Les fossoyeurs" sur les résidents malmenés dans les EHPAD ont outré la classe politique. C’est le cas de la députée LFI Caroline Fiat, ex-aide-soignant, qui pointe une "grosse faillite" de l’État.
Défaut de soins, rationnement des repas et des protections hygiéniques ou encore manque de personnel: dans le livre-enquête Les fossoyeurs (Éd. Fayard), le journaliste Victor Castanet fait état de graves manquements dans les EHPAD gérés par le groupe français Orpéa. L’auteur dénonce, avec plus de 200 témoignages à l’appui, de mauvais traitements consécutifs à la volonté des dirigeants d’augmenter la rentabilité financière du groupe. "Le personnel soignant est obligé d’être maltraitant, car il fait face à un système violent de réduction des coûts mis en place par Orpéa", a affirmé le journaliste sur le plateau de C à vous.
Des accusations qu’a rejetées en bloc le groupe côté en bourse, par la voix de Jean-Christophe Romersi, directeur général d’Orpéa France. "Nous travaillons dans un métier humain. Il peut y avoir des erreurs, parce que l’erreur est humaine. Mais je démens la moindre restriction et le moindre rationnement, cela ne correspond ni à nos directives ni à nos valeurs", a-t-il assuré sur RMC.

Le gouvernement à la traîne?

Malgré le démenti de la direction d’Orpéa, les témoignages ont fait grand bruit au sein de l’Assemblée nationale, remettant la question des EHPAD au centre des débats. Contactée par Sputnik, la députée La France insoumise Caroline Fiat, fustige une "grosse faillite" de l’État. "Le gouvernement est prévenu de la situation actuelle qui est accablante et il n’a rien fait", avance la députée de Meurthe-et-Moselle.
Cette ex-aide-soignante en EHPAD rappelle qu’en 2018, avec la députée LREM Monique Iborra, elle avait rendu un rapport alertant sur une "prise en charge insatisfaisante" face à l’"accroissement de la dépendance des résidents".

"Mon rapport était sur le bureau d’Agnès Buzyn, puis maintenant sur celui d’Olivier Véran donc ce n’est plus de la maltraitance institutionnelle, c’est de la maltraitance gouvernementale", fustige-t-elle encore.

Pour éviter que les conditions de vie en EHPAD continuent de se détériorer, Caroline Fiat indique qu’il est "absolument nécessaire" de fixer un "ratio minimal de 0,6 soignant par résident". Soit 60 équivalents temps plein, composés d’aides-soignants et d’infirmiers, qui auraient la charge de 100 résidents.

"La moyenne en Europe est de 1 pour 1, on part de 0,25 en moyenne en France. […] Il faut redonner de la dignité aux soignants et aux personnels qui travaillent dans ces établissements, mais surtout à nos résidents", souligne l’élue.

Reste qu’il faut pouvoir attirer les candidatures, chose loin d’être aisée en raison notamment des salaires pratiqués. En septembre dernier, le ministère de la Santé a d’ailleurs lancé une campagne de recrutement, "Métiers du grand âge, et si c’était fait pour vous?", visant à susciter des vocations.
Les parlementaires se sont aussi emparés du sujet. Fabien Roussel, candidat communiste à la Présidentielle, propose que "toute gestion d’un EHPAD soit à but non lucratif". Par ailleurs, en cas de maltraitance avérée, il souhaite pouvoir "exproprier" et "mettre sous tutelle l’établissement".
Le député Damien Abad, chef du groupe LR, a demandé pour sa part la mise en œuvre d’États généraux de la dépendance. Du côté du groupe des socialistes, on plaide pour que les parlementaires aient le droit de visiter les EHPAD "à l’improviste, comme nous l’avons pour les prisons". "Ces visites peuvent faire bouger les choses. En cas de dysfonctionnements, les groupes privés risquent le “name and shame” et cela peut avoir un effet bénéfique sur la prise en charge des résidents", a expliqué Christine Pirès-Beaune, députée PS du Puy-de-Dôme, à l’initiative de la proposition.
Une dernière initiative qui ne convainc d’ailleurs pas Caroline Fiat: "Ces établissements sont financés à 40% par du public, c’est quand même compliqué d’aller taper sur les doigts et de dire que vous maltraitez les gens lorsque vous ne donnez pas les financements", prévient-elle.

Une société qui oublie ses aînés

En effet, si l’ouvrage Les fossoyeurs concerne une structure privée commerciale, sur France info, Pascal Champvert, président de l’Association des Directeurs au service des Personnes âgées (AD-PA), a rappelé que "80% des établissements sont gérés par des associations ou des structures publiques".
Les difficultés rencontrées dans ces structures restent néanmoins révélatrices du traitement réservé aux personnes âgées dans la société. "Il a beaucoup trop changé", confirme Caroline Fiat.

"Il faut arrêter de cacher nos aînés, de cacher nos personnes âgées. Ce sont des personnes qui ont le droit de vivre, de s’amuser jusqu’à leur dernier jour, de pouvoir bénéficier d’une vie “idéale”", rappelle-t-elle.

Néanmoins, la députée conserve un peu d’espoir: "Lors du premier confinement, on a vu dans les quartiers, les villages, des jeunes allaient voir les personnes âgées afin de savoir s’il leur fallait des courses, par exemple". "Il y a encore quelque chose d’ancré, notre jeunesse nous l’a prouvé", fait valoir l’élu.
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