Pourquoi les non-fumeurs sont deux fois plus atteints du cancer du poumon qu’il y a 20 ans

© Photo Pixabay / cristhianelouback0Le maquillage, comme thérapie de réconciliation après la chimiothérapie
Le maquillage, comme thérapie de réconciliation après la chimiothérapie - Sputnik Afrique, 1920, 28.01.2022
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Le nombre de cas de cancer du poumon est en progression chez les non-fumeurs et chez les femmes. Le chef de l’Institut du thorax Curie-Montsouris analyse une dernière étude de pneumologues français sur le sujet.
Avec ses 30.000 décès par an, le cancer du poumon reste la première cause de mortalité par cancer en France. Et les non-fumeurs sont deux fois plus atteints qu’il y a 20 ans, c’est ce qu’ont révélé des pneumologues réunis récemment en congrès à Lille.
La proportion de patients chez qui on a diagnostiqué un cancer du poumon "qui n’ont jamais fumé" augmente bien, nous confirme le professeur Nicolas Girard, responsable de l’Institut du thorax Curie-Montsouris.

Pollution ou anomalies génétiques?

Le terme de "non-fumeur" suppose que les patients ont fumé "moins de cinq cigarettes au cours de leur vie", rappelle ce spécialiste en oncologie thoracique. Il confirme que le tabagisme passif est bien un facteur de risque de développer un cancer du poumon. L’ampleur de ce risque est pourtant difficile à évaluer. Ainsi, l’étude exclut les malades qui sont exposés au tabagisme passif.
De même, il lui paraît compliqué d’"évaluer l’impact de la pollution dans ce contexte" puisqu’il s’agit d’exposition longue et sa quantification est presque impossible. En revanche, il remarque que:
"Dans les cancers du poumon des non-fumeurs, on s’aperçoit que la génétique est très différente de la génétique des cancers des fumeurs. Il y a probablement des facteurs très individuels, des fragilités propres, même si ces cancers ne sont pas familiaux."
D’autant que l’on retrouve cette maladie "dans les populations vivant dans des pays non exposés à une pollution". Et notre interlocuteur de rappeler que ces cancers du poumon "sont répartis uniformément sur le territoire français", ils ne sont pas plus fréquents dans les zones polluées, "mais davantage liés aux susceptibilités individuelles".
"Chez le non-fumeur, la génétique est différente au sein d’un cancer: il porte des anomalies dans des gènes particuliers. Ces anomalies représentent une cible pour le traitement, c’est-à-dire que l’on arrive à éteindre leur effet dans des gènes avec des médicaments ciblés", détaille le directeur de l’Institut de thorax.
L’oncologue explique ainsi que bien que "tous les cancers aient des anomalies dans les gènes, chez les non-fumeurs, elles sont souvent uniques". Chez les amateurs de tabac, les traitements seront la chimiothérapie ou l’immunothérapie. Mais dans le cas des non-fumeurs, l’analyse génétique est obligatoire pour mettre ensuite en place "le traitement par comprimé", avec une bonne efficacité. "C’est comme un interrupteur que l’on éteindrait avec le traitement ciblé. Et ça marche dans 95% des cas", assure M. Girard.

Les femmes accros au tabac en danger

L’étude dirigée par Didier Debieuvre met en avant un autre point important et inquiétant: l’augmentation de la part des femmes parmi les diagnostiqués. Si elles ne représentaient que 16% des patients en 2000, ce taux est passé à 34,6% en 2020. Cause numéro un de mortalité chez les femmes en 2012 avec 12.000 décès, le cancer du sein est désormais talonné par le cancer du poumon dans ce macabre palmarès.
"Le nombre de décès liés au cancer du sein et au cancer du poumon est globalement identique. En matière de mortalité, le chiffre de 10.500 morts du cancer du sein est du même ordre que celui du cancer du poumon", souligne Nicolas Girard.
Notre interlocuteur observe "l’effet retardé du tabagisme chez les femmes, toujours en augmentation" en France. Et cette augmentation ne peut qu’alerter, d’autant que "chez les hommes, cette passion pour le tabac serait en diminution depuis les 30 dernières années".

Dépistage, un outil indispensable

Travaillant dans l’épicentre de la recherche clinique pour mettre en place les nouvelles stratégies de traitement des cancers broncho-pulmonaires, le professeur Girard prône le diagnostic précoce. C’est une base pour sauver des vies.
"L’un des enjeux est le dépistage. Le cancer du poumon est diagnostiqué souvent trop tard, quand il y a des métastases et qu’il n’est plus possible de le guérir", déplore le médecin.
Le problème: le cancer du poumon n’a pas de symptômes. Autant une patiente souffrant d’un cancer du sein pourra palper le nodule, mais "on ne peut pas palper le cancer du poumon". Le praticien appelle donc à "faire un scanner aux personnes à risque" comme aux personnes de plus de 50 ans qui ont fumé plus de 25 ans. Une prise en charge rapide du malade lui prolonge la vie de cinq ans dans 90% des cas, alors que ces chances chutent à 5% si les métastases se sont déjà développées.
"Le coût de la prise en charge du cancer du poumon est important. C’est aussi une question de psychologie. On trouve que dans le cancer du poumon, contrairement au cancer du sein, le patient est responsable parce qu’il a fumé. Mais le fait de fumer est une addiction, il faut la prendre en compte. C’est une maladie en soi", souligne l’oncologue.
Le dépistage a démontré son rôle dans les grandes études depuis plusieurs années. "La France est le seul pays développé en Europe à ne pas avoir mis en place un dépistage de qualité du cancer du poumon", regrette Nicolas Girard. Il existe aux États-Unis, au Canada, en Belgique, en Angleterre et aux Pays-Bas et "cela a permis de réduire la mortalité du cancer du poumon, de la même façon que la mammographie pour le cancer du sein".
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