"La communauté internationale est surprise de la résistance du peuple malien"

© AFP 2023 FLORENT VERGNESUn manifestant à Bamako tient une pancarte "à bas la CEDEAO"
Un manifestant à Bamako tient une pancarte à bas la CEDEAO - Sputnik Afrique, 1920, 15.02.2022
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Malgré les sanctions de la CEDEAO et de l'UEMOA, censés l'asphyxier pour amener les nouvelles autorités à revoir leur position, le Mali a réussi à éviter le pire. Une prouesse qui surprend la communauté internationale, selon un observateur malien qui s'attend à ce que l’entrée en jeu des facilitateurs contribue à désamorcer la crise.
"Les sanctions imposées par l'UEMOA et la CEDEAO montrent que le peuple malien n'est toujours pas compris", déplorait le 11 février le colonel Assimi Goïta. Le Président de la transition malienne recevait le rapport final des Assises nationales de la refondation. Des concertations au cours desquelles les Maliens ont fixé les missions et un nouveau délai à la transition, prévue pour s’étaler entre six mois et cinq ans.
Le 9 janvier, les chefs d’État et de gouvernement des deux organisations ouest africaines ont réagi à la proposition de prolongement de cinq ans des autorités maliennes par l’imposition de sanctions économiques et financières. "La CEDEAO aurait dû répondre par dire qu’elle va mettre un système de dialogue", estime maître Amadou Tièoulé Diarra un avocat malien réputé interrogé par Sputnik.
"Les sanctions qui ont été prises montrent clairement que la CEDEAO n’était pas disposée à un dialogue", poursuit-il.
Plus d’un mois après, la situation est difficile. Mais elle est loin du chaos prédit par de nombreux observateurs. "La communauté internationale est surprise de la résistance du peuple malien", note Me Diarra. Selon lui, la population "endosse" les sanctions. "Sinon au bout d’un mois, la situation aurait été différente".
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Il faut signaler que pour amortir les effets des sanctions, le gouvernement malien déploie des efforts afin de maintenir la stabilité des prix des produits. Il éprouve cependant des difficultés à régler la facture de ses créanciers à cause du gel d’une partie de ses avoirs financiers.
"C’est la responsabilité de la BCEAO [Banque centrale des États de l’Afrique de Ouest, ndlr]. La BCEAO ne figure même pas au nombre des institutions qui doivent sanctionner, mais on a fait jouer la position de la Côte d’Ivoire pour qu’elle entérine les sanctions. C’est illégal, complètement illégal en droit international", tranche Me Amadou Tièoulé Diarra.

Le Mali se tourne vers la Guinée

Si le Mali, pays continental, tient toujours, c’est surtout grâce à trois États côtiers voisins qui maintiennent ouvertes leurs frontières. L’Algérie, la Mauritanie et la Guinée, cet autre pays membre de la CEDEAO dirigé par un militaire. Privé des façades maritimes de la Côte d’Ivoire et du Sénégal, le Mali s’est tourné vers la Mauritanie et la Guinée. Plus de 200 camions de marchandises ont déjà effectué le trajet Conakry-Bamako, selon les douanes maliennes.
"Nous n’aurions pas fait des ports de Dakar, d’Abidjan et de Lomé des ports de seconde zone s’il n’y avait pas cette crise. Mais comme on dit: nécessité fait loi. Si jamais on était convaincu de la légalité et de la légitimité de ces sanctions, on aurait négocié", commente Me Diarra.
L’Algérie compte également jouer sa partition pour épauler son voisin malien dans son bras de fer avec la CEDEAO. Elle propose un délai maximum de 16 mois pour sortir de la transition.
En parallèle à cette initiative, l’Union africaine s’implique à son tour en vue de trouver un compromis. "Il y a eu quelques assouplissements dans la parole" après la visite du Président de la commission de l’UA au Mali le 25 janvier, relève Me Amadou Tièoulé Diarra.

"Volonté d’éviter le jusqu’auboutisme"

L’impact le plus concret a été la mise en place fin janvier d’un Mécanisme de concertation. Sous le leadership du Mali, ledit Mécanisme regroupe la CEDEAO, l’Union africaine, les Nations unies, le Ghana, la Mauritanie, le Sénégal, la Sierra Leone, le Nigeria et le Togo.
"Ce mécanisme a pour but de rechercher une solution conciliant les aspirations du peuple malien et les demandes de la Communauté internationale, notamment à travers l’adoption d’un chronogramme consensuel", explique le gouvernement malien dans un communiqué publié le 9 février.
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Cette désescalade enclenchée par les autorités maliennes est révélatrice de leur "volonté d’éviter le jusqu’auboutisme", note Me Diarra. Mais elles sont désormais confrontées à une autre équation. Celle de la revendication de plus en plus pressante d’une partie de l’opinion favorable à un divorce total avec la CEDEAO et l’UEMOA.
"Il y a souvent des revendications populaires qui ne sont pas toujours réalisables, tempère Me Amadou Tièoulé Diarra. Un leader c’est quelqu’un qui sait prendre position entre les revendications populaires et ce qui est bon pour le pays. On ne va, par exemple, pas complètement tourner le dos au Sénégal parce qu’il y a un projet ferroviaire. C’est difficile".
De son côté, la CEDEAO "pense que les militaires vont confisquer le pouvoir, mais ils ne pourront pas", rassure Me Diarra. D’autant qu’un projet de nouvelle Charte de la transition est en passe d’être adopté. Celle-ci réaffirme l’impossibilité pour le Président de la Transition de se présenter aux élections futures. Il revient maintenant à la CEDEAO "d’essayer de faire un effort. Je pense qu’il faut faire la concession au niveau de deux ans. Un an pour pacifier, l’autre pour organiser" les élections.
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