- Sputnik Afrique, 1920
Reconnaissance des Républiques populaires de Donetsk et Lougansk
Vladimir Poutine a reconnu le 21 février 2022 l'indépendance des Républiques populaires de Lougansk et de Donetsk et a signé des accords "d'amitié et d'entraide" avec ces territoires.

Sanctions antirusses: "L’Europe est le dindon de la farce"

© AFP 2023 OLIVIER HOSLETUrsula Von Der Leyen, Présidente de la Commission européenne, 25 Novembre 2020.
Ursula Von Der Leyen, Présidente de la Commission européenne, 25 Novembre 2020. - Sputnik Afrique, 1920, 23.02.2022
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Joe Biden a annoncé une "première" volée de sanctions à l’encontre de la Russie. Dette souveraine, banques et proches de Poutine sont visés. Au-delà de l’effet d’annonce, les premières victimes de ces sanctions sont-elles vraiment russes?
La réponse des Occidentaux ne s’est pas fait attendre. Suite à la reconnaissance par Moscou des républiques populaires de Lougansk et de Donetsk, Joe Biden a signé le 22 février un décret interdisant à toute entreprise et à tout ressortissant américain de faire du commerce ou d'investir dans ces régions.
Sans surprise, le locataire de la Maison-Blanche a annoncé une "première tranche" de sanctions à l’encontre de la Russie. Ces dernières portent sur "la dette souveraine" russe, la banque publique de développement VEB et vingt-cinq de ses filiales, la banque militaire ainsi que cinq proches de Vladimir Poutine.

Nord Stream 2: quand Berlin sanctionne les Allemands

Le Président américain vient de donner l’ordre d’imposer des sanctions contre l’opérateur du Nord Stream 2 alors même que les entreprises américaines lorgnent sur le marché européen. Recourir au levier des sanctions permet de dégager des parts de marché au profit des entreprises US en Europe où pas moins de 40% du gaz provient de Russie. Plus tôt l'Allemand Olaf Scholz, "plus proche allié des Américains en Europe depuis le Brexit" comme le décrit l'avocat d'affaires Olivier de Maison Rouge, annonçait la suspension de l’homologation du gazoduc russe.
S’il dénonce également une "atteinte à l’intégrité territoriale" de l’Ukraine à travers ce "coup de force" de Vladimir Poutine, le juriste spécialisé en intelligence économique s’interroge sur la crédibilité d’une telle réponse: "Déjà que les Allemands se sont coupé un bras en sortant du nucléaire, ils sont à présent pieds et poings liés."
Des billets de banque - Sputnik Afrique, 1920, 16.02.2022
Crise ukrainienne 2021
Sanctions US contre la Russie: "les banques françaises seront les plus touchées"
En effet, le gaz est la solution de rechange au nucléaire, dont Angela Merkel a décidé de faire sortir son pays en 2011 après la catastrophe de Fukushima. Or non seulement l’industrie allemande utilise largement le gaz pour produire son électricité, mais plus de la moitié des ménages l’utilise également pour se chauffer. Ces derniers seront donc les premiers à pâtir, directement sur leur facture, de cette décision de Berlin à l’heure où les cours du gaz s’envolent.
L’impact économique sur la Russie d’une telle décision est en revanche plus discutable. En effet, Nord Stream 2 n’a pour l’heure jamais fonctionné, la décision des autorités allemandes n’influe donc en rien le niveau actuel de livraison de gaz russe à l’Europe. Au contraire, en limitant ainsi la possibilité de rehausser l’offre dans cette période de troubles économiques mondiaux, on pourrait même affirmer qu’elle contribue à faire grimper le prix auquel Allemands et Européens le paient… aux Russes.
Par ailleurs, Moscou a largement anticipé depuis 2014 une hypothétique coupure du gaz qu’on lui imposerait à l’Ouest. Au-delà du développement des contrats d’approvisionnement avec l’Asie, la construction au milieu de la Russie du gazoduc Power of Siberia 2 doit en effet permettre d’interconnecter les réseaux gaziers russe de l’ouest et de l’est du pays. En clair, du gaz initialement destiné aux Européens peut, le cas échéant, être redirigé vers les clients asiatiques dont les besoins ne cessent de croître.

Agriculture, secteur bancaire: suite aux sanctions, les Russes rattrapent leur retard

Quant aux deux établissements bancaires que Washington entend couper du monde occidental, là encore rien de nouveau pour les Russes. Ciblées depuis en 2014, les sanctions occidentales touchent déjà "bon an, mal an 300 banques russes", rappelle notre intervenant. Elles sont en prime régulièrement menacées d’être tout bonnement déconnectées du réseau international interbancaire SWIFT.
Présentée comme l’"arme nucléaire" des Occidentaux, cette mesure est brandie au nez des Russes depuis sept longues années. Entre-temps, ceux-ci ont mis sur pied leur propre réseau souverain: SPFS. Cerise sur le gâteau, celui-ci pourrait avant la fin 2022 fusionner avec le réseau CIPS chinois, qui est en service depuis 2016. Un projet évoqué par le président Poutine et son homologue chinois, Xi Jinping, le 14 décembre dernier, sur fond de tensions avec l’Occident.
Autant dire que, dans un tel cas de figure, ces sanctions consacreraient non seulement un rapprochement russo-chinois à travers l’émergence d’un concurrent à SWIFT, mais également l’affirmation de la Russie dans un secteur où elle n’était absolument pas attendue avant 2014.

"Ces sanctions vont avoir pour effet mécanique de repousser davantage la Russie dans l’espace asiatique, de la tourner vers la Chine et de la détourner de l’Occident", regrette Olivier de Maison Rouge.

Pour l’heure, les Européens ne parviennent pas à s’entendre pour faire émerger une alternative à SWIFT, réseau à travers lequel les Américains imposent à leurs alliés européens un strict respect de leurs embargos unilatéraux, comme celui sur l’Iran, rétabli en 2018 par l’Administration Trump.
Un changement de donne, à l’image de celui qui s’est opéré dans l’agriculture. En réponse aux sanctions occidentales, la Russie avait décrété en 2014 un embargo contre les importations agricoles et alimentaires venues de l’Union européenne, des États-Unis, du Canada, de l’Australie et de la Norvège. Non seulement ces mesures ont permis au pays de redresser son secteur agricole, mis à mal par l’intégration du pays à l’OMC, mais la Russie a également réussi le tour de force de dérober en 2020 la première place des exportateurs mondiaux de blé à l’Union européenne. Dans l’affaire, l’Europe est le "parent pauvre, voire le dindon de la farce", fulmine l’avocat.
Finalement, le seul impact sérieux des sanctions occidentales semble être leur perception par les marchés financiers. Le 21 février, alors que la situation se dégradait dans l’est de l’Ukraine, laissant présager l’application des nouvelles restrictions promises de longue date par les chancelleries occidentales, les valeurs boursières russes dévissaient de près de 20 points en quelques heures.
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