"UN REGARD SANS FRONTIERES": La rage d’écrire. Au micro notre correspondant en France Anton Nikolski.

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En Russie ils devraient être quelques trois millions, mais ils sont nettement moins nombreux. Tant que mes compatriotes
En Russie ils devraient être quelques trois millions, mais ils sont nettement moins nombreux. Tant que mes compatriotes ne savent pas ou donner de la tête, partagés entre le jardinage de survie et les réflexions sur la perenité du pot de vin, les Français nourrisent le rêve d’écrire. C'est le plus grand parti de France, non pas le parti des amateurs de grands crus, mais celui des auteurs potentiels. À n'importe quelle élection, il remporterait tous les suffrages : un Français sur trois a déjà songé à écrire un roman, des souvenirs, de la poésie ou du théâtre. Et 3 % ont déjà fait un premier essai de plume : à savoir près d’un million et demi de Français à l’âge de maturité. Autant de manuscrits attendent leur jour dans les tiroirs
En France, un publiant est une personne entourée de respect, cela se voit à l’œil nu. Il existe un profond besoin d'écrire. On constate une ferveur pour les ateliers d’écriture. Le livre en tant qu’objet représente une valeur. Si à Moscou vous remarquerez une nouvelle tendance d’abandonner les ouvrages lus sur les banquettes des rames du métro, afin de ne pas encombrer les étagères de chez soi et laisser les autres lire un bouquin en vitesse, sans s’investir dans son achat, un peu comme si on regardait un film, les Français nourrissent, à l’ancienne, du respect pour la parole imprimée. N’empêche que le nombre des lecteurs baisse comme partout. La quantité des bouquinistes qui se plaignent mais subsistent infirme les mauvais soupçons.
Ce serait un phénomène socio-psychologique marquant de résistance à l’avènement du High-tech et de la branchitude. Les sociologues de la maison Opinion Way et les journalistes du Figaro auteurs du sondage, ont été frappés par le fait que la passion de l’écriture touche en France toutes les catégories de personnes, sans exception : quels que soient le sexe, l'âge, le niveau social ou le lieu d'habitation… On ne trouve aucun élément discriminant.
Cette envie d'écrire serait liée à l'acte de mémoire, au désir de laisser une trace. C'est pour cela qu'il est souvent question de souvenirs. D'ailleurs, la plupart des auteurs se décident à écrire à un âge tardif – le phénomène est universel. Quant aux plus jeunes, et là je vois nos pays diverger, il y a une volonté de témoigner de leur époque, de faire entendre leur voix. D'où la multiplication de récits autobiographiques.
Andrei Makine avait raison de commencer sa carrière avec son « Testament français », un roman racontant l’histoire d’une dame qui consacre une grande partie de sa vie aux souvenirs de sa France natale qu’elle a quitté pour passer le restant de ses jours dans cette grande Russie révolutionnaire, lointaine et froide.
Ainsi près de 40 pourcent des auteurs potentiels éprouvent un besoin de raconter son histoire, son expérience ou l’histoire de leur famille. Pour les autres, l’écriture est souvent une forme de thérapie, ce qui paraît beaucoup plus français que russe. Sur ce terrain, les compatriotes de Dostoevski recourent souvent à un autre remède, bien plus radical et qu’il n’est pas nécessaire de nommer. Vous êtes d’accord ?
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