« UN REGARD SANS FRONTIERES » : Les napoléons et Co

S'abonner
Si un ami russe vous demande un jour, à l’heure des desserts, si vous aimez les « napoléons », ne vous étonnez pas.
Si un ami russe vous demande un jour, à l’heure des desserts, si vous aimez les « napoléons », ne vous étonnez pas. Il ne s’agit pas d’un amour caché de votre interlocuteur pour les empereurs français, comme c’était parfois le cas dans le monde russe au XIX siècle, mais de votre attitude pour les mille-feuilles, car rares sont mes compatriotes qui ne les apprécient pas une fois dans l’Héxagone. Et ils vous diront à propos que les napoléons, c’est à dire les mille-feuilles russes, sont fourrés non pas à la crème patissière mais à la crème au beurre. C’est pourquoi ils sont lourds et gras, mais qu’ils les aiment quand même car ce sont des « napoléons », c’est à dire des mille-feuilles.
Si mes compatriotes savaient qu’un mille-feuille c’est tout un art qui peut se décliner de mille et une manière. Et qu’en France, on peut scruter la recette de diverses façons pour la faire déguster à la rose, aux framboises, à la compote de pomme et cranberries – histoire de prouver qu'il peut être moderne et bourré d'imagination – pour finalement privilégier la version classique. Celle que vous trouverez dans toutes les boulangeries et qui n'a guère, semble-t-il, varié depuis 1867, année où la pâtisserie Seugnot, rue du Bac, l'a proposé pour la première fois à ses clients. Consommée autrefois le dimanche pour égayer les fins de repas cette invention fragile, faite d'une superposition de couches feuilletées et de crème pâtissière à la vanille, revêtue ou non d'un glaçage, incarne toujours l'art de la pâtisserie française dans le monde entier.
D’ailleurs les Américains, tout comme les habitants des pays scandinaves, appellent aussi ce gâteau « napoléon ». L’origine de l’appellation n’est pas connue mais on prétend que c’est nous, les Russes, qui y sommes pour quelque chose. A savoir le gâteau est devenu très apprécié en Russie en 1912, l’année anniversaire de la défaite de l’armée française. Pour les festivités il était servi sous forme de triangle rappelant le bicorne de Napoléon. Selon une autre version, ce nom semble être lié à l'adjectif français « napolitain », la ville de Naples étant une des origines citées pour cette recette.
De toute façon, les quipropos langagiers ne sont pas rares dans le domaine de la pâtisserie. Pour vous en donner un autre exemple, voici celui de la meringue. Elle se dit en russe « un baiser », ce qui est une métaphore ancienne datant de l’époque où la noblesse parlait français en Russie. Mais aussi une appellation qui prête à confusion. Je connais personnellement une compatriote, parlant français avec quelques difficultés, qui, une fois en France, dit à un boulanger : « Monsieur, donnez-moi deux baisers s’il vous plaît ». Et le boulanger galant de lui répondre mine de rien : « Volontiers, Madame ».


Fil d’actu
0
Pour participer aux discussions, identifiez-vous ou créez-vous un compte
loader
Chat
Заголовок открываемого материала