L’accord de coopération signé samedi dernier entre la Compagnie British Petroleum (BP) et la Compagnie Rosneft a soulevé une vague de critiques de la part des politiques américains. Ces derniers estiment que l’alliance avec Rosneft obligera BP à se détourner des Etats-Unis, ce qui pourrait avoir un impact négatif sur la sécurité nationale. Les congressistes américains ont donc demandé au comité des investissements étrangers des Etats-Unis d’analyser le texte de cet accord.
La Compagnie britannique BP a depuis longtemps dépassé le cadre national pour devenir une compagnie pétrolière et gazière mondiale. Elle a ses intérêts un peu partout dans le monde. Mais un quart de ses actifs et de ses exploitations se concentre aux Etats-Unis. Les investisseurs américains auraient pu dissuader BP de conclure l’accord en question, en contestant la politique de la compagnie voire en réélisant la direction. Mais les milieux économiques américains ont approuvé l’accord avec Rosneft qui échange 9,5% de ses actions contre 5% d’actions de BP. Cela empêchera les compagnies de se mêler des affaires qui se développent en-dehors des projets menés en commun, explique le président du Fonds de la sécurité énergétique nationale, Konstantin Simonov.
« C’est assez étrange d’entendre les politiques annoncer l’existence d’une menace à la sécurité nationale des Etats-Unis. Parmi les actionnaires de BP, il y a actuellement le gouvernement du Qatar qui détient 2% des actions ainsi qu’une compagnie chinoise qui en possède 1%. Cela ne suscite pourtant pas de colère chez les politiques américains. Le paquet contenant 5% d’actions, c’est certes du sérieux. Mais ce paquet ne permettra pas à Rosneft de participer à la prise de mesures stratégiques concernant l’avenir de la compagnie. Rosneft est prête à mettre à la disposition de BP trois lots sur le plateau continental arctique. Nous aussi, nous pourrions nous demander pourquoi nous transmettons nos ressources arctiques à BP ? Mais nous ne le disons pas. A la moindre petite participation dans BP, surgit une crise de nerfs sur le thème de la menace à la sécurité nationale. C’est absurde », reprend Simonov.
Les Etats-Unis ne sont pas en mesure de faire pression sur deux compagnies étrangères pour les pousser à renoncer à la conclusion d’un accord. Tout ce qu’on observe actuellement au Congrès américain n’est rien d’autre qu’une autre vague antirusse. Cet avis est partagé par John Hofmeister, ancien président du géant de l’industrie pétrolière, la compagnie anglo-néerlandaise Shell. Il a balayé toutes les craintes concernant l’accord conclu par BP et Rosneft en soulignant que cela relève du « business normal et naturel ». Du business où chacune des parties est gagnante : Rosneft augmente la valeur de ses actifs alors que BP accède aux ressources du plateau continental arctique.
C’est d’ailleurs cela qui a provoqué la colère des Américains, constatent les analystes. Lorsque deux grandes compagnies réunissent leurs moyens, leurs technologies, leurs capitaux, et même leurs expériences quant à l’élimination des conséquences des catastrophes écologiques, elles s’ancrent solidement dans la si prometteuse région arctique qu’elles font concurrence aux Etats-Unis.